Une mobilisation sans précédent agite les rédactions de tout le continent. Plus de 80 rédacteurs en chef de grands médias européens ont signé une pétition dénonçant une législation controversée présentée par le gouvernement hongrois de Viktor Orbán. Leur message est clair : stop à la dérive autoritaire et à l’érosion de la liberté de la presse en Europe.
Une loi qui menace la liberté d’expression en Hongrie
Présenté la semaine dernière par le parti Fidesz, au pouvoir en Hongrie, le projet de loi vise à restreindre les activités des ONG et des médias recevant des financements étrangers. Le texte prévoit d’établir une liste noire des organisations concernées, avec la possibilité de les suspendre ou de les dissoudre, si elles sont jugées « menaçantes » pour la culture ou la souveraineté hongroise.
Cette initiative a immédiatement suscité l’indignation de nombreuses structures journalistiques, think tanks et groupes de défense des droits humains en Hongrie, qui y voient une tentative de museler la dissidence politique. Des manifestations ont déjà eu lieu dans les rues de Budapest.
Une tactique copiée sur le modèle russe
Pour les signataires de la pétition, cette loi s’inspire directement des méthodes autoritaires du Kremlin. Ils soulignent que la Russie a adopté en 2012 une législation similaire, qualifiant les ONG actives dans le domaine politique et financées de l’étranger « d’agents de l’étranger ». Selon eux, la Hongrie suit un dangereux précédent, en adoptant une rhétorique et des instruments de contrôle issus d’un régime non démocratique.
« Ce que nous voyons aujourd’hui en Hongrie, c’est l’effondrement progressif des principes fondamentaux de l’Union européenne », dénoncent-ils. La liberté de la presse, pierre angulaire de toute démocratie, est clairement dans la ligne de mire.
Une alerte adressée à toute l’Europe
La pétition ne s’arrête pas à une simple condamnation morale. Les rédacteurs en chef appellent les institutions européennes ainsi que les gouvernements nationaux à agir fermement pour empêcher l’adoption de cette loi. Ils rappellent que celle-ci va à l’encontre des traités de l’UE et de la Charte des droits fondamentaux.
Parmi les signataires figurent des personnalités influentes issues de The Guardian (Royaume-Uni), Libération (France), Gazeta Wyborcza (Pologne), ORF (Autriche), SME (Slovaquie) et Hospodářské Noviny (Tchéquie). Leur message est sans équivoque : protéger la liberté d’informer est une urgence européenne.
Orbán : dix ans de pouvoir et une stratégie de verrouillage
Depuis 2010, Viktor Orbán mène une politique de centralisation du pouvoir, affaiblissant progressivement les contre-pouvoirs démocratiques. En mars dernier, il a promis de s’attaquer aux financements étrangers des médias indépendants et de l’opposition, à l’approche des élections législatives de 2026 qui s’annoncent particulièrement disputées.
Grâce à sa majorité absolue au Parlement, l’adoption de cette loi lors du vote prévu à la mi-juin paraît quasi certaine. Mais pour de nombreux observateurs, ce texte n’est qu’une étape supplémentaire dans la consolidation d’un régime semi-autoritaire à l’intérieur même de l’Union européenne.
Ce que cela signifie pour l’avenir européen
Le silence ou l’inaction de Bruxelles face à cette offensive contre la liberté de la presse pourrait ouvrir la voie à d’autres leaders populistes en Europe. Car la bataille pour l’État de droit ne se joue pas seulement à Budapest : elle concerne chaque capitale européenne.
La mobilisation des rédactions européennes est un signal fort : les journalistes refusent de laisser s’éteindre la lumière de l’information libre. Il est désormais temps que les institutions de l’UE utilisent tous les leviers à leur dispositionpour faire barrage à ces dérives, y compris, si nécessaire, en activant l’article 7 du Traité sur l’Union européenne.
Si l’Europe ne protège pas la démocratie en son sein, elle risque de ne plus pouvoir la défendre ailleurs.