Les échanges entre les candidats à la Maison Blanche ont été vifs, mardi soir, sur des questions telles que l’inflation, le droit à l’IVG et l’immigration.
Ils ne s’étaient jamais adressé la parole. A moins de deux mois de l’élection présidentielle américaine, Kamala Harris et Donald Trump ont débattu en direct à la télévision, mardi 10 septembre. La vice-présidente démocrate, entrée en campagne après le retrait de Joe Biden, et l’ancien président républicain ont confronté leur style et leur vision des Etats-Unis, devant des millions de téléspectateurs pendant 1h30, depuis Philadelphie, en Pennsylvanie. Le précédent débat, fin juin, entre Donald Trump et Joe Biden, avait fait basculer la campagne présidentielle américaine, forçant le président sortant à se retirer. Franceinfo revient sur six temps forts d’un face-à-face peut-être décisif dans une campagne mouvementée.
1 « L’inflation mine le pays », lance Donald Trump
Le débat a débuté sur l’inflation, premier sujet de préoccupation pour 50% d’Américains, selon une récente enquête d’Ipsos. Kamala Harris, rappelant qu’elle était issue de la classe moyenne, a été la première à prendre la parole. « Je suis la seule pour aider les familles de classe moyenne. (…) Nous savons que nous avons une pénurie de logement, que le coût de la vie est trop élevé », a reconnu la vice-présidente, à l’heure où l’inflation est légèrement inférieure à 3%. Donald Trump « pense que ce sont les Américains de la classe moyenne qui doivent payer pour les milliardaires », a-t-elle rapidement lancé à son rival.
L’ancien président républicain, en réponse, a taclé Kamala Harris et l’administration Biden au sujet de l’inflation élevée des dernières années. « J’ai imposé des droits de douane et il n’y a pas eu d’inflation. L’inflation mine le pays, une inflation inédite, probablement la pire de l’histoire de notre pays », a poursuivi le candidat populiste, avant d’enchaîner très vite sur les migrations. Reprenant son habituel discours xénophobe, Donald Trump a parlé de « millions de personnes qui envahissent notre pays », les accusant sans fondement de « voler » des emplois occupés par des personnes hispaniques et noires américaines.
L’ancien président a même intégré à son discours anti-immigration une fake news raciste selon laquelle des exilés haïtiens voleraient et mangeraient des chiens et chats de compagnie dans l’Ohio. « Ils mangent les animaux de compagnie des habitants », a affirmé Donald Trump, sous le regard effaré de sa rivale et du modérateur, le journaliste David Muir, qui a répété à plusieurs reprises qu’aucune preuve n’est venue étayer cette information. Ces mensonges ont d’ailleurs été démenties par la police locale, explique Reuters.
2″Il va signer une interdiction nationale de l’IVG », fustige Kamala Harris
Le sujet du droit à l’avortement était également au cœur du débat, plus de deux ans après la fin l’arrêt Roe v. Wade et donc de la protection constitutionnelle du droit à l’IVG. Donald Trump a salué « le génie » des juges de la Cour suprême ayant voté la révocation de ce droit, insistant sur le fait que désormais, « les Etats décident ». Vingt-deux d’entre eux ont interdit ou strictement restreint l’accès à l’IVG, d’après le New York Times. L’ancien président a de nouveau propagé une fausse information qu’il répète à l’encontre des démocrates, le fait qu’ils permettraient « un avortement à neuf mois ». « Nulle part en Amérique, une femme ne va aller au terme de sa grossesse pour demander un avortement. Ça n’arrive jamais. C’est insultant pour les femmes d’Amérique », a rétorqué Kamala Harris.
« Vous allez entendre beaucoup de mensonges aujourd’hui », a ajouté l’ancienne procureure, qui porte en tant que vice-présidente et candidate le combat pour le droit à l’avortement aux Etats-Unis. La démocrate, évoquant les conséquences de la fin de Roe v. Wade, a alerté sur la perspective d’un nouveau mandat de Donald Trump. « Il va signer une interdiction de l’IVG nationale », a-t-elle prévenu, même si son adversaire a temporisé et défendu un choix par Etat. L’une des journalistes animant le débat a d’ailleurs pointé ses tergiversations sur la question.
3 Donald Trump accuse les démocrates après la tentative d’assassinat le visant
Interrogé sur l’immigration, Donald Trump a poursuivi ses arguments liant – toujours sans fondement – les arrivées d’étrangers et la criminalité aux Etats-Unis. « C’est fort de la part de quelqu’un qui est un repris de justice », a lancé Kamala Harris, en référence aux différentes affaires judiciaires et nombreux chefs d’accusation visant l’ancien président. Des affaires « lancées par les démocrates », a répliqué le républicain, accusant ses adversaires d’employer la branche judiciaire « comme une arme ». « Ce sont eux qui me lancent des attaques », a-t-il répété.
Kamala Harris est alors revenue sur une décision récente de la Cour suprême, donnant en partie raison à Donald Trump sur la question de son immunité. La plus haute juridiction des Etats-Unis, composée d’une majorité de juges conservateurs, a estimé qu’il y avait une présomption d’immunité pour les actes officiels d’un président. « On parle d’une personne qui a dit qu’elle allait mettre un terme à la Constitution », a mis en garde la candidate démocrate, dont le camp appuie sur les risques d’un nouveau mandat de Donald Trump pour la démocratie. « Ils ont dit que j’étais une menace pour la démocratie. (…) A cause de ce qu’ils ont dit sur moi, j’ai failli être assassiné », a-t-il lâché, après avoir survécu à une tentative d’assassinat en plein meeting en juillet.
4Kamala Harris répète que ses valeurs « n’ont pas changé »
La vice-présidente a été interrogée sur ses changements de position sur certains sujets, de la fracturation hydraulique à la dépénalisation des passages irréguliers à la frontière. Dans cette campagne, Donald Trump qualifie d’ailleurs sa concurrente de « plus grande retourneuse de veste de toute l’histoire ».
Comme lors de son interview à CNN fin août, Kamala Harris a affirmé que ses « valeurs n’ont pas changé ». « Je n’ai pas interdit la fracturation hydraulique » en tant que vice-présidente, a-t-elle pointé, même si elle était opposée à ce procédé en 2019. En tant qu’« enfant de classe moyenne élevée par une mère qui travaillait dur, j’ai des valeurs que je partage avec beaucoup de personnes », a appuyé la candidate démocrate.
« Elle a tout abandonné (…) Elle a 12, 14 revirements de politique », a accusé en réaction Donald Trump. « Je suis en train de parler, est-ce que cela vous dit quelque chose », a-t-il lancé à Kamala Harris, un clin d’œil au « Je parle » lancé par celle-ci quatre ans plus tôt, en débat face au vice-président de Donald Trump, Mike Pence.
5 Pour Kamala Harris, Donald Trump « a essayé de diviser le peuple américain »
Vers la fin du débat, l’ancien président a été questionné sur ses propos à l’encontre de son adversaire. Fin juillet, il avait accusé Kamala Harris d’être « devenue noire » à des fins électorales. Née d’un père jamaïcain et d’une mère indienne, la candidate démocrate est la première femme noire et originaire d’Asie du Sud à être devenue vice-présidente, et à briguer la fonction suprême. « Je m’en moque, peu importe la couleur de sa peau », a soufflé Donald Trump.
Jusqu’à présent, Kamala Harris a peu évoqué son identité de femme noire au cours de cette campagne. « Il a essayé de nous diviser sur la question raciale », a-t-elle lancé à l’encontre de son concurrent, dénonçant « une personne qui veut être président, mais qui a essayé de diviser le peuple américain ». « La grande majorité sait que nous avons beaucoup plus en commun », a-t-elle appuyé. L’ancienne sénatrice a rappelé que Donald Trump et sa société avaient été accusés de discrimination raciale, en refusant, selon des témoignages, de louer des biens immobiliers à des personnes noires.
6 Les candidats s’affrontent sur la politique étrangère
Une partie du débat était consacrée à la politique étrangère, notamment la guerre dans la bande de Gaza et à l’invasion russe de l’Ukraine. « Si j’étais président, cette guerre [entre Israël et le Hamas] n’aurait jamais commencé, Vladimir Poutine n’aurait jamais envahi l’Ukraine », s’est vanté Donald Trump, avançant dans la foulée que si Kamala Harris est élue, « Israël n’existera plus » et « toute la région va exploser ». Le républicain a promis de « mettre un terme à la guerre, avant même [son] investiture ».
Kamala Harris a quant à elle réitéré ses positions sur le conflit opposant Israël au Hamas, rappelant « le droit de se défendre » d’Israël après les attentats du 7 octobre, et le fait que « beaucoup trop de Palestiniens meurent ». Au sujet de la guerre en Ukraine, le président russe, Vladimir Poutine, « ne ferait qu’une bouchée » de Donald Trump et « serait actuellement assis à Kiev, son regard tourné vers le reste de l’Europe, à commencer par la Pologne » si le républicain était à la Maison Blanche, a-t-elle affirmé.
La candidate a en outre taclé son rival républicain sur son rapport à des dirigeants tels que Vladimir Poutine, Kim Jong-un et le Premier ministre hongrois Viktor Orban – un dirigeant aux dérives illibérales et autoritaires, souvent érigé en modèle par le camp trumpiste. « Donald Trump veut être un dictateur (…) On sait que des dictateurs vous soutiennent, ils savent qu’ils peuvent vous manipuler. » « Beaucoup de dirigeants m’ont dit que vous étiez une honte », a lancé la vice-présidente.