"Ce sera le moment le plus délicat" : pourquoi les troupes de François Bayrou craignent davantage les débats sur le budget que la motion de censure
"Ce sera le moment le plus délicat" : pourquoi les troupes de François Bayrou craignent davantage les débats sur le budget que la motion de censure

« Ce sera le moment le plus délicat » : pourquoi les troupes de François Bayrou craignent davantage les débats sur le budget que la motion de censure

16.01.2025
5 min de lecture

Déposée par trois groupes de gauche, la première motion de censure visant le nouveau gouvernement est examinée jeudi. Elle paraît vouée à l’échec, en raison de l’abstention du Rassemblement national.

Sauf cataclysme, le gouvernement de François Bayrou viendra à bout du mois de janvier. La performance, anecdotique lorsqu’il y a une majorité claire à l’Assemblée, est presque à souligner dans la nouvelle configuration politique induite par la dissolution de juin 2024. Nommé en septembre, Michel Barnier a dû quitter Matignon à trois semaines de Noël. Avec une motion de censure déposée mardi 14 janvier, dans la foulée de la déclaration de politique générale du Premier ministre, et débattue jeudi à 15 heures, trois groupes de gauche sur quatre veulent infliger la même sanction à son successeur.

Mais le Palois va, selon toute probabilité, rester en poste… au moins jusqu’à l’examen des textes budgétaires. « Il n’y a pas de danger jeudi », assure un membre du gouvernement. « Il n’y a pas de suspense, abonde la députée et ancienne ministre MoDem Marina Ferrari. On sera dans la même configuration qu’avec Michel Barnier qui avait eu, lui aussi, une motion de censure après sa déclaration de politique générale, mais qui n’était pas passée. » A l’époque, le Rassemblement national avait refusé de censurer le Savoyard dès son entrée en fonction, avant de franchir le pas quelques semaines plus tard. Le groupe de Marine Le Pen s’en tient à la même ligne avec le gouvernement Bayrou : pas de censure a priori.  

« Les attentes seront fortes »

Seule nouveauté dans le jeu politique actuel, la stratégie du Parti socialiste qui, après avoir longuement discuté avec l’équipe de François Bayrou, arrêtera son choix seulement jeudi, a appris France Télévisions. Quoi qu’il arrive, le choix des députés PS n’aura pas de conséquence concrète sur l’issue du vote : sans les voix du RN, il est impossible d’atteindre les 289 suffrages indispensables pour faire tomber le gouvernement.

Néanmoins, pour Matignon, d’autres difficultés se profilent déjà, à commencer par les deux textes budgétaires qui n’ont pas été votés à l’automne. C’est d’ailleurs sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) que le gouvernement Barnier est tombé, le 4 décembre. L’examen de ces projets de loi indispensables au pays a repris mercredi au Sénat, avec l’étude du projet de loi de finances (PLF), avant de revenir à l’Assemblée nationale lors des prochaines semaines.

Calendrier prévisionnel du gouvernement pour le budget 2025

  • 1Jusqu’au 14 janvierConsultations politiques au ministère de l’Economie
  • 2Le 14 janvierDéclaration de politique générale de François Bayrou
  • 3A partir de mi-janvierReprise des travaux parlementaires
  • 4Entre courant février et fin févrierVote du budget

« C’est sûr que tout va se jouer sur le budget, où les attentes seront fortes », assure le député et ancien ministre Horizons Paul Christophe. « C’est le moment le plus délicat », confirme le député Ensemble pour la République David Amiel. 

« Le vrai test sera sur le budget. Il faut tester la méthode de François Bayrou pour voir si ça passe. »Un membre du gouvernement

à franceinfo

A cette occasion, le gouvernement va devoir défendre ses choix, dans un contexte de crise des finances publiques. « Nous sommes dans une situation inédite et grave », a alerté mercredi sur LCI la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Le gouvernement prévoit une baisse de « plus de 30 milliards d’euros » des dépenses, avec un objectif de déficit pour 2025 à 5,4% du produit intérieur brut.

Un « pistolet à blanc » pour le RN ?

Cette copie n’est pas définitive. François Bayrou et ses ministres vont poursuivre les discussions avec les socialistes, autour du budget mais aussi de la réforme des retraites. Une conférence sociale avec les partenaires sociaux se réunit pour la première fois vendredi. Parmi les issues possibles figure un aménagement de la réforme adoptée par 49.3 en 2023. De quoi potentiellement froisser la droite et une partie du camp présidentiel, alors que cette réforme emblématique du second mandat du chef de l’Etat est devenue un totem pour les troupes macronistes.

« Le risque vient du fait que l’avancement des discussions du conclave [la conférence sociale] ne sera pas étanche et aura une influence sur les débats budgétaires et leur niveau de tension », redoute un conseiller ministériel. Selon ce dernier, « il va falloir que quelqu’un accepte de lâcher, et je pense que ce sera le Premier ministre, pour rester à Matignon. »

Dès lors, le chef du gouvernement ira-t-il plus loin dans ses concessions au PS ? « Il y a une vraie discussion à avoir avec les socialistes », estime le député MoDem Richard Ramos, qui craint, en cas d’échec de ces négociations, de voir le chef de son parti se retrouver dans la même situation que le gouvernement Barnier. 

« On n’a pas le choix : si on ne discute pas avec les socialistes, on se met dans les mains du RN. »Richard Ramos, député MoDem

à franceinfo

« En se mettant dans une position de non-censure, les socialistes donnent un pistolet à blanc au RN », détaille un député MoDem. De son côté, le groupe de Marine Le Pen joue la montre. « Nous pouvons nous réserver pour voter la censure sur des actes budgétaires (…). Nous attendons les actes », a lâché mardi devant la presse Sébastien Chenu, député RN du Nord. Le jugement dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national (ancien nom du RN), attendu le 31 mars, peut avoir son importance dans l’équation posée à la formation politique d’extrême droite, alors que Marine Le Pen pourrait être mise hors course pour l’élection présidentielle de 2027.

Certains pensent déjà au long terme

Au-delà du calendrier et des demandes de l’opposition, les membres du camp présidentiel tentent de se persuader que la peur de l’instabilité forcera le PS et le RN à ne pas voter conjointement la censure. Marina Ferrari assure ainsi être « moins sceptique que pour le gouvernement Barnier », car « ça a secoué sur le terrain pour tous ceux qui ont voté la censure, avec une pression des milieux économiques ».  

« Si les socialistes censurent de nouveau, ils feront une faute politique très grave. Sur le terrain, ils ont perçu que la censure de Barnier n’avait pas été comprise par les Français », veut croire un autre député MoDem. Les soutiens du gouvernement Bayrou « peuvent espérer que l’électorat du RN sera moins enclin à la censure, ou que les socialistes seront isolés à gauche. Ils vont devoir s’accrocher à une bouée, même si elle est percée », sourit le constitutionnaliste Benjamin Morel.

Marina Ferrari se réjouit par ailleurs que le calendrier des discussions sur le budget soit plus resserré que celui des partenaires sociaux pour les retraites. « On pourra passer le budget sans censure car il y aura les négociations en cours avec les syndicats. Le budget, c’est pour la mi-février, tandis qu’on annonce trois mois pour les partenaires sociaux », défend-elle.

« François Bayrou avait un trou de souris et il a réussi. Il s’est acheté du temps et c’est ce qu’il fallait faire. »Marina Ferrari, députée MoDem

à franceinfo

En cas de non-censure du gouvernement Bayrou sur le budget, nombreux sont ceux qui espèrent une stabilité à plus long terme. « Si on passe ce cap-là et qu’on arrive à l’été, je ne vois pas comment censurer, avec les élections municipales qui arrivent [en mars 2026] et le risque de dissolution potentielle », se projette le député EPR Ludovic Mendes. Un scénario idéal pour les soutiens d’un gouvernement dont l’avenir ne cessera pas, toutefois, de dépendre de la seule stratégie des oppositions.

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