Un rapport, commandé par Gabriel Attal en février et publié début septembre, estime que l’ajout d’un ou deux jours d’arrêt de travail non rémunérés permettrait de dégager de 174 millions à 289 millions d’euros d’économies par an.
C’est un défi de taille qui attend Michel Barnier pour son arrivée à Matignon. Le nouveau Premier ministre et son gouvernement doivent déposer le projet de loi de finances pour 2025 au plus tard mardi 1er octobre au Parlement, puis le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) d’ici au 15 octobre. Et ce, dans un contexte de finances publiques plus dégradées que prévu.
Le déficit public pourrait atteindre 5,6% du produit intérieur brut (PIB) à la fin de l’année, au lieu des 5,1% initialement espérés, selon la Direction générale du Trésor. Il se creuserait même à 6,2% du PIB en 2025 au lieu de 4,1%, si environ 60 milliards d’euros d’économies n’étaient pas réalisés l’année prochaine, avertit le Trésor.
Une « hausse généralisée » des arrêts maladie depuis le Covid
La situation s’annonce particulièrement critique du côté de la Sécurité sociale. « Le déficit de la branche maladie sera vraisemblablement plus élevé que les 11,4 milliards d’euros attendus par la commission des comptes de la Sécurité sociale en juin » et « devrait rester à un niveau historiquement très élevé », a mis en garde le directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam), Thomas Fatôme, dans une interview publiée dimanche par Les Echos.
« Cette situation financière est un sujet de préoccupation majeure sur lequel le prochain gouvernement et le Parlement devront se pencher rapidement. »Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie
aux « Echos »
Pour tenter de ramener le déficit public sous l’objectif européen de 3% d’ici à 2027, l’administration française a multiplié ces derniers mois les pistes d’économies. En février, l’ex-Premier ministre Gabriel Attal enjoignait l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) à formuler des propositions pour « réduire l’absentéisme dans son ensemble, avec un accent particulier sur les absences de courte durée », dans la fonction publique.
Leur rapport de près de 300 pages, publié le 5 septembre, fait état d’« une hausse généralisée » des arrêts maladie depuis la crise du Covid-19. Dans la fonction publique, l’étude évalue le coût des absences pour raisons de santé à 15 milliards d’euros en 2022, année marquée par un nombre d’arrêts maladie à un niveau « historiquement haut ». Les auteurs estiment que le nombre d’absences s’élevait à 14,5 jours par agent public en 2022 (11,7 jours dans le privé), contre 8 jours par an sur la période 2014-2019. Si la tendance à la hausse « semble s’être inversée » en 2023, dans les secteurs public et privé, l’Igas et l’IGF suggèrent toutefois plusieurs pistes pour ramener durablement ce taux à son niveau d’avant la crise sanitaire.
La piste d’une baisse de l’indemnisation
Parmi les propositions, le rapport préconise l’introduction d’un ou deux jours de carence supplémentaires, c’est-à-dire des jours d’arrêt de travail non rémunérés. Le jour de carence dans la fonction publique avait été introduit en 2012 sous Nicolas Sarkozy, avant d’être supprimé en 2014 sous la présidence de François Hollande, puis rétabli par Emmanuel Macron en 2018. Selon le rapport, ce retour « a rempli son objectif de réduction des arrêts de courte durée et a représenté des économies budgétaires de 134 millions d’euros en 2023 pour le budget de l’Etat ». Un deuxième jour de carence pour les fonctionnaires rapporterait 174 millions d’euros par an, et un troisième jour – comme dans le privé – permettrait de dégager 289 millions d’euros.
Selon une note de l’Insee, le rétablissement du jour de carence dans l’Education nationale a effectivement entraîné un recul de la fréquence des arrêts maladie. Mais cela ne signifie pas que les absences étaient auparavant nécessairement injustifiées, insiste l’Insee. « En effet, l’introduction du jour de carence peut encourager les personnes malades à travailler. »
Le rapport de l’Igas et de l’IGF évoque également la possibilité de réduire la rémunération des jours indemnisés dans le cadre d’un arrêt de courte durée. Actuellement, à l’exception du premier jour de carence, les agents du public sont « rémunérés à plein traitement » durant les trois premiers mois d’arrêt. Les deux organismes proposent de diminuer cette rémunération à 90% du traitement, comme dans le privé, même si, dans les faits, 70% des travailleurs du privé bénéficient d’un maintien de leur salaire de la part de leur employeur à l’issue de leurs jours de carence, rappelle le rapport.
La réduction de l’indemnisation dans le public permettrait de réaliser 300 millions d’euros d’économies dans chacun des trois versants de la fonction publique (Etat, territoriale et hospitalière), d’après l’étude. Soit 900 millions d’euros au total.
« Des économies de bouts de chandelle »
La future équipe de Michel Barnier sera libre de reprendre ou non ces pistes d’économies. Elles provoquent en tout cas déjà la colère des syndicats. « Si c’est l’une des premières mesures du nouveau gouvernement, cela augurera de l’ambiance des mois à venir », prédit Christian Grolier, secrétaire général de la Fédération générale des fonctionnaires-Force ouvrière, auprès du Parisien. « En arrêt maladie, les fonctionnaires perdent déjà leurs primes dès le 1er jour d’arrêt, sachant que celles-ci représentent en moyenne 24,3% de leur rémunération. Donc vouloir baisser de 10% le traitement » équivaudrait à « une perte de plus d’un tiers de leur rémunération », dénonce le syndicat dans un communiqué.
« Encore une fois, ces pistes sont des économies de bouts de chandelle sans chercher les causes : la fatigue, le manque d’effectifs… », appuie Natacha Pommet, secrétaire générale de la CGT Fonction publique, dans les colonnes du quotidien.
La publication de ce rapport intervient alors que le directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie a appelé à une réflexion globale pour un « système d’indemnisation des arrêts de travail plus soutenable financièrement, mais aussi plus juste », y compris dans le privé. Selon Thomas Fatôme, 60% de la hausse des dépenses d’indemnisation des arrêts maladie est due à « un facteur économique et démographique ». « Après, on a 40% qu’on ne sait pas expliquer », a-t-il avancé mardi sur franceinfo. D’ici à la fin d’année, la Cnam va se rapprocher de « près de 1 000 entreprises de plus de 200 salariés » qui font face à un absentéisme important.