Selon l’émission d’investigation « Vert de rage », le café, le thé, les épices, les légumineuses ou encore les prunes et les fruits de la passion sont particulièrement concernés.
Porte fermée, ils passent par la fenêtre. Des pesticides interdits en France et au sein de l’Union européenne (UE) ont été retrouvés dans nos paniers et nos assiettes via des produits importés. C’est ce que montre l’émission d’investigation « Vert de rage », lundi 23 septembre.
L’équipe de « Vert de rage » a notamment analysé 22 échantillons de fruits et légumes achetés dans des grandes chaînes de supermarchés français. Sept contenaient des résidus de pesticides interdits en Europe. Un pomelo venant de Chine contenait deux produits problématiques : du chlorpyrifos (reconnu comme neurotoxique, reprotoxique [c’est-à-dire toxique pour la reproduction] et perturbateur endocrinien), et du propiconazole (reconnu comme reprotoxique). Au sein de l’UE, le premier est interdit depuis 2020, le second depuis 2009.
Du raisin venu du Pérou contenait des résidus d’imidaclopride (notamment pointé du doigt dans le dossier des néonicotinoïdes), et du myclobutanil, qui a été retiré du marché au sein de l’UE en 2021. Autre exemple : une orange venant de Tunisie contenait du malathion, un pesticide classé « probablement cancérigène », interdit dans l’UE depuis 2008.
Café, thé, épices et légumineuses
« Vert de rage » rapporte également que le réseau d’ONG Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) a épluché les données de l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Les analyses montrent que l’on retrouve davantage de pesticides interdits en Europe dans certaines familles de produits : le café, le thé, les épices ou encore les légumineuses. Du côté des fruits, les limes de Tahiti, les fruits de la passion et les prunes sont les plus concernés. Pour les légumes et les céréales, le riz, les courgettes et les bananes plantains forment le trio le plus touché.
Les produits venant d’ailleurs ne sont pas systématiquement porteurs de pesticides (ou résidus) interdits dans l’Union européenne. Mais le risque d’en déceler est plus élevé. « Les aliments importés sont deux fois plus susceptibles de contenir des pesticides interdits par l’UE que les aliments cultivés dans l’UE », relèvent « Vert de rage » et PAN Europe.
L’Inde, « provenance la plus fréquente »
Trouver des pesticides interdits dans des produits importés n’est pas rare. En France, en 2022, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) a émis 2 446 rappels alimentaires. Dans le détail, 328 étaient liés à la présence de pesticides. Parmi eux, 296 contenaient au moins un pesticide interdit ou un métabolite de pesticide (c’est-à-dire un résidu) « interdit dépassant la limite maximale autorisée dans l’alimentation« , explique « Vert de rage ».
Au sein de l’UE, en 2022, le Rapid Alert System for Food and Feed (RASFF), système d’alerte qui signale les problèmes relatifs aux produits agroalimentaires, a fait savoir que les résidus de pesticides étaient la première cause d’alerte alimentaire. Parmi les produits distribués en France, 114 notifications concernaient la présence de résidus de pesticides. Parmi elles, 104 étaient liées à des résidus de pesticides interdits. En 2023, le RASFF a émis 292 notifications pour des produits contenant des pesticides, dont 77 contenaient au moins un pesticide ou un métabolite de pesticides interdits.
« Vert de rage » souligne qu’en trois ans, « 26,46% des produits distribués en France contenant des pesticides interdits provenaient d’Inde », faisant de ce pays, « la provenance la plus fréquente » pour ce type de problème.
Des pesticides interdits en Europe, mais produits en France
Outre la présence de pesticides interdits retrouvés dans les aliments importés, « Vert de rage » s’est également intéressé à des pesticides retirés du marché européen, mais encore produits en France pour être exportés vers des pays où ils restent autorisés. En partenariat avec l’ONG suisse Public Eye (qui avait pointé cette faille depuis 2022), les chiffres des pays destinataires de ces exportations françaises sont dévoilés en exclusivité : pour 2023, le Brésil arrive largement en première place, suivi par l’Ukraine, les Etats-Unis, la Russie et le Royaume-Uni.
La production de ces pesticides interdits sur le territoire hexagonal n’est pas sans conséquence. Des prélèvements d’eau potable, d’eau de surface et d’eau souterraine ont été réalisés à proximité de deux usines : un site de Syngenta à Saint-Pierre-la-Garenne (Eure), et BASF à Saint-Aubin-lès-Elbeuf (Seine-Maritime). Le premier produit du thiaméthoxame, un néonicotinoïde interdit depuis 2018 en France, le second du fipronil, qui est interdit depuis 2004 en France. Les analyses montrent « une pollution de l’environnement en lien avec la production passée ou encore présente », même si les teneurs ne dépassent pas toujours les normes. Les deux groupes concernés assurent ne pas être en infraction et informer régulièrement les autorités de la situation.