Moscou reconnaît le régime taliban au moment où la crise migratoire afghane s’aggrave
Moscou reconnaît le régime taliban au moment où la crise migratoire afghane s’aggrave

Moscou reconnaît le régime taliban au moment où la crise migratoire afghane s’aggrave

08.07.2025 10:30
3 min de lecture

La reconnaissance russe du régime taliban intervient alors que l’exode massif d’Afghans depuis l’Iran atteint des niveaux critiques

Le 4 juillet 2025, la Russie est devenue le premier pays au monde à reconnaître officiellement le régime taliban en Afghanistan, en légalisant l’Émirat islamique d’Afghanistan (EIA) comme gouvernement légitime du pays. Cette décision intervient alors que la région fait face à une urgence humanitaire croissante, avec plus d’un million d’Afghans expulsés d’Iran et du Pakistan depuis le début de l’année, selon le HCR.

Dans les jours qui ont suivi cette annonce, des centaines de milliers d’Afghans ont franchi la frontière dans des conditions précaires. Selon les données relayées par Dunya News, la pression migratoire à la frontière afghano-iranienne atteint des niveaux critiques, alimentée par l’exigence de Téhéran que plus de 4 millions de migrants afghans quittent son territoire dans les prochains mois.

Un geste stratégique du Kremlin

Par cette reconnaissance, Moscou vise à renforcer son influence régionale, tout en contestant ouvertement l’approche occidentale vis-à-vis du régime taliban, que les pays de l’OTAN refusent toujours de légitimer. Comme l’analyse Vesti.uz, cette décision marque la volonté du Kremlin d’« intégrer l’Afghanistan dans un axe anti-occidental » aux côtés de l’Iran et de la Chine, en contournant les cadres de coopération occidentaux.

Depuis quelques jours, le drapeau blanc à la shahada noire flotte au-dessus de l’ambassade afghane à Moscou. Ce symbole fort acte une nouvelle étape dans la politique étrangère russe en Asie centrale. En offrant aux talibans un traitement privilégié et des perspectives de coopération dans les secteurs miniers, énergétiques et agricoles, Moscou cherche à s’assurer un accès privilégié aux vastes ressources naturelles afghanes, notamment en cuivre, terres rares, pétrole et gaz.

Conséquences migratoires et sécuritaires pour l’Europe

La dynamique actuelle fait craindre un afflux de réfugiés vers l’Europe via l’Asie centrale et l’Iran. Alors que la pression migratoire s’intensifie, les risques d’ouverture de nouvelles routes migratoires illégales augmentent. Cette situation pourrait alimenter une nouvelle crise migratoire en Europe et accroître la vulnérabilité des frontières extérieures de l’UE.

La décision russe est aussi un signal politique : en légitimant les talibans, Moscou s’offre un levier supplémentaire pour peser sur les questions migratoires et sécuritaires. Ce choix pourrait complexifier la coopération internationale autour de la stabilisation de l’Afghanistan et du contrôle des mouvements de population.

Une coopération affichée, des contradictions internes

La Russie envisage d’intensifier ses relations économiques avec l’Afghanistan dans les domaines de l’énergie, des infrastructures ferroviaires et de l’agriculture. Pourtant, sur le plan intérieur, les capacités d’investissement russes sont en recul. En 2025, les programmes d’investissement dans les infrastructures ferroviaires ont été réduits de 37 %, rendant incertain le financement de nouveaux projets de coopération avec Kaboul.

Cette posture soulève aussi des tensions dans la société russe. La légitimation d’un régime fondé sur la charia interroge les fondements idéologiques du pouvoir russe. Des voix critiques rappellent les contradictions d’un pays qui interdit certaines expressions religieuses chez lui, tout en accueillant favorablement des dirigeants talibans connus pour leur répression extrême des libertés. L’absurdité perçue atteint un nouveau sommet avec l’annonce que le ministère russe de la Justice pourrait retirer son accréditation à l’avocat Alexandre Molokhov, qui avait pourtant défendu les intérêts des talibans avant leur reconnaissance officielle.

Une décision à haut risque pour la stabilité régionale

Pour nombre d’observateurs, cette reconnaissance accélérée du régime taliban par Moscou apparaît comme un pari géopolitique à haut risque. Selon ZeeNews, elle pourrait placer des pays comme l’Inde dans une position stratégique difficile, tout en offrant aux talibans une forme de légitimation internationale qui leur faisait encore défaut.

Alors que l’Afghanistan reste une zone de fragilité sécuritaire et un foyer potentiel de radicalisation, l’alignement de la Russie avec le régime taliban pourrait générer de nouvelles tensions, tant à l’intérieur de ses propres frontières qu’à l’échelle régionale. Le Kremlin joue ici une carte forte – certains diraient dangereusement isolée – dans sa stratégie de confrontation avec l’Occident.

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