« L’OMS a averti que la pilule est aussi dangereuse et cancérogène que le tabac, l’alcool et l’amiante ». Ce message, relayé par l’influenceuse française Lenna Vivas à ses huit millions de followers, a suscité un vaste débat. En une semaine, cette publication a généré plus de 576 000 likes, 225 000 partages et 6 400 commentaires, rapporte TopTribune.
Lenna Vivas n’est pas la seule à diffuser des informations erronées concernant la pilule contraceptive sur les réseaux sociaux. Quelques jours après sa déclaration, elle a dû faire un rectificatif, reconnaissant que ses propos étaient manifestement infondés.
Récemment, une équipe de recherche aux États-Unis a examiné cette prolifération de désinformation, en scrutant les vidéos sur TikTok contenant le mot-clé #hormonalbirthcontrol. Parmi les 100 vidéos analysées, seulement 20 avaient pour intention d’informer correctement le public. Cependant, sur ces 20 vidéos, 11 diffusaient des informations trompeuses ou incorrectes. Cette étude a été présentée en mai dernier à Minneapolis lors du congrès de l’American College of Obstetricians and Gynecologists.
Une autre influenceuse, Stessy (@imstessy), naturopathe française, propageait également des allégations similaires, accumulant trois millions de vues sur sa vidéo publiée la semaine dernière. Le message qu’elle a partagé indique de manière alarmante : « L’OMS a classé la pilule comme cancérogène GROUPE 1, au même titre que le tabac et l’alcool. »
Cependant, ces informations manquent de précision. Bien que l’OMS ait classé la pilule dans le groupe 1 des agents cancérogènes en 2005, « le consensus actuel est qu’il existe une légère augmentation du risque de cancer, mais elle est minime », précise la docteure Geneviève Roy, gynécologue au CHUM et professeure à l’Université de Montréal.
La majorité des utilisatrices de la pilule sont jeunes et en âge de procréer, ce qui signifie que le risque global de cancer à cet âge reste faible, ajoute la spécialiste.
Chez les femmes de 35 ans et moins, les principales utilisatrices de contraceptifs oraux, le risque de cancer du sein lié à la pilule est estimé à un cas supplémentaire par 50 000, ce qui est un risque absolu négligeable, selon la docteure Roy.
En comparaison, le tabac, également classé comme cancérogène de groupe 1 par l’OMS, représente un risque bien plus important pour la santé. Les fumeurs « sont 25 fois plus susceptibles de mourir d’un cancer du poumon que ceux qui n’ont jamais fumé », comme l’indique Santé Canada sur son site.
L’utilisation de la pilule peut entraîner « une très légère augmentation du risque de cancer du sein […] et peut-être une légère augmentation du cancer du col de l’utérus ainsi que du foie », reconnaît la docteure Roy, en s’appuyant sur des recherches menées au cours des 50 dernières années.
Cependant, il est également prouvé que la prise de la pilule réduit le risque de certains types de cancer. « Il est scientifiquement démontré qu’il y a une diminution marquée du risque de cancer de l’endomètre de l’utérus et une diminution significative du risque de cancer de l’ovaire », ajoute-t-elle.
Baisse des prescriptions
Cette vague de désinformation sur les réseaux sociaux coïncide avec une diminution notable du nombre de Québécoises utilisant la pilule, selon les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). En l’espace de dix ans, les prescriptions et renouvellements de contraceptifs oraux dans la province ont chuté de près de 50 %.
Alicia Fontaine-Fortin, 23 ans, résidente de Val-d’Or, a été « secouée » par le contenu alarmant qu’elle a découvert sur TikTok. « Je trouve que ces vidéos sont très inquiétantes pour ceux qui ne prennent pas la peine de vérifier les informations », remarque-t-elle.
Alicia a récemment subi une opération pour retirer des cellules cancéreuses au col de l’utérus et attend maintenant une intervention pour enlever une tumeur bénigne au sein. « Je ne cherche pas de coupables, mais je m’interroge, surtout à propos de mon sein », confie-t-elle.
Malgré ses préoccupations de santé, elle continue de prendre la pilule. « Actuellement, je ne pourrais pas m’en passer car cela m’aide énormément avec mes hormones », déclare-t-elle. En plus de prévenir les grossesses non désirées, le médicament aide également à réduire son acné.
La pilule contraceptive reste « un excellent moyen de prévention contre la grossesse », affirme la docteure Roy, tout en reconnaissant qu’elle n’est pas exempte de risques ni de contre-indications, ce qui explique l’importance des feuillets d’information fournis avec les prescriptions.
Le risque « infime » de phlébite – bloquage d’un vaisseau sanguin par un caillot – en est un exemple. « Le risque de thrombose pendant la grossesse est en fait bien plus élevé, étant parfois le double, voire le quadruple, de celui associé à la pilule », précise la docteure Roy.