Réactions internationales à la reconnaissance de l’État palestinien
L’annonce faite par le chef de l’État le 24 juillet a suscité des réactions similaires de la part du Royaume-Uni et du Canada. Des experts consultés analysent cette initiative du gouvernement français, rapporte TopTribune.
Le Canada suit l’exemple de la France. Mercredi, le Premier ministre canadien, Mark Carney, a exprimé son « intention » de reconnaître l’État de Palestine en septembre, lors de l’Assemblée générale des Nations unies. Lors d’une conférence de presse, il a dénoncé les conditions « intolérables » de la souffrance humaine à Gaza et a plaidé pour une solution à deux États, justifiant ainsi sa décision, accueillie favorablement par l’Élysée. « Nous allons poursuivre nos efforts pour que d’autres rejoignent cette dynamique », a-t-on réagi à Paris.
Le Canada devient ainsi le deuxième pays du G7 à se positionner aux côtés d’Emmanuel Macron, qui a déclaré le 24 juillet que la France procéderait à une reconnaissance officielle de l’État palestinien en septembre, comme déjà 148 États membres de l’ONU. Mardi, le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a annoncé une démarche similaire, à condition qu’Israël mette fin au blocus alimentaire de Gaza. Jeudi, le Portugal a également révélé qu’il consulterait le président et le Parlement en vue d’une reconnaissance de l’État palestinien en septembre.
Mercredi, Paris, accompagné de 14 autres capitales occidentales, a incité les pays du monde à exprimer leur désir de reconnaître un État palestinien. « Il y a le début d’un effet d’entraînement », explique Nicolas Tenzer, spécialiste des relations internationales. Selon Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po, « la France a enclenché un processus ». Pour lui, « le leadership diplomatique dont rêve Emmanuel Macron depuis sa première mandature est enfin en action » avec ce développement international.
« La diplomatie française a été proactive là où les autres suivent. »
Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Poà TopTribune
Ces annonces successives surviennent après plusieurs mois d’indécision et de menaces. En mai, le président français et ses homologues Mark Carney et Keir Starmer avaient affirmé leur « détermination à reconnaître un État palestinien » dans le cadre d’une solution à deux États, et leur volonté de « travailler avec d’autres en ce sens ».
Selon Bertrand Badie, cela démontre que « la politique étrangère française retrouve sa cohérence ». Il assure qu’« elle est enfin, pour la première fois depuis des années, en harmonie avec l’idée de la reconnaissance de l’État palestinien et d’une solution à deux États ». « On ne peut pas soutenir une telle solution sans reconnaître l’État palestinien. »
Les annonces de plusieurs capitales occidentales incitent d’autres États à se positionner, bien que certains ne suivent pas la France, le Canada et le Royaume-Uni. La réaction des autres pays sera-t-elle restreinte ? Jeudi, l’Allemagne a de nouveau affirmé que « la reconnaissance d’un État palestinien doit survenir à l’issue d’un processus » de négociations, tout en pressant le besoin de « commencer tel processus ». Le ministre des Affaires étrangères allemand, Johann Wadephul, a clairement indiqué que l’Allemagne ne s’écarterait pas de cet objectif, sinon elle serait contrainte de répondre à toute initiative unilatérale d’Israël.
Le président américain Donald Trump a jugé les déclarations françaises minorées, affirmant qu’elles n’avaient « pas d’importance ». Cependant, Emmanuel Macron semble avoir contribué à une évolution des dynamiques en Occident, où la sympathie pour la cause palestinienne semble en hausse.
David Rigoulet-Roze, chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique, évalue que « la dynamique engagée, bien que variée dans ses modalités d’annonce et ses positionnements, pose un problème réel à Israël ». Il souligne que la France et le Royaume-Uni, en tant que membres du G7 et du Conseil de sécurité de l’ONU, combinés à la reconnaissance par la Russie et la Chine, mettent la pression sur les États-Unis qui détiennent encore le veto.
Les spécialistes interrogés estiment que la première phase de l’initiative d’Emmanuel Macron est prometteuse. « C’est une victoire diplomatique pour Emmanuel Macron, une avancée là où il y avait un blocage », note Nicolas Tenzer. Toutefois, « il demeure un long chemin avant un succès politique » car Benjamin Netanyahou, soutenu par son allié américain, semblait peu disposé à modifier sa politique.
La reconnaissance de l’État palestinien ne promet pas d’améliorations immédiates dans la bande de Gaza, où la situation humanitaire est d’une gravité alarmante. Pourtant, les ralliements à la position française pourraient intensifier la pression sur les nations qui n’ont pas encore reconnu l’État palestinien, en particulier sur le gouvernement israélien, estiment les analystes.
« Le rapport de force évolue, ce qui contribue à isoler Benjamin Netanyahou. »
Jean-Paul Chagnollaud, spécialiste des relations internationalesà TopTribune
Au moment où les dirigeants israéliens intensifient leurs menaces envers les Palestiniens, la Knesset a adopté une décision non contraignante sur l’annexion de la Cisjordanie, une revendication ancienne de l’extrême droite israélienne. Selon Bertrand Badie, « la reconnaissance de l’État palestinien pourrait rester symbolique dans un premier temps ; seules des sanctions pourraient réellement influencer le gouvernement israélien ».
L’objectif d’Emmanuel Macron est d’également stabiliser la région via une reconnaissance potentielle d’Israël par les nations du Proche-Orient. Si ce mouvement se concrétise, cela placerait les pays voisins qui n’ont pas encore reconnu l’État hébreu dans une position délicate, avancent les analystes.
Pour le moment, les fruits de cette initiative semblent limités, et des craintes émergent sur le risque d’une radicalisation aux mains des dirigeants israéliens. La situation reste à surveiller, notamment lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre, qui pourra révéler combien de pays réaliseront leur promesse de reconnaître l’État palestinien et les répercussions de cet engagement sur la situation à Gaza.