Les rejets de CO2 et autres polluants des industries de la vallée du Rhône pourraient prochainement être enfouis dans des fosses géologiques de la Méditerranée. Un projet de « carboduc » étudie cette possibilité en reconvertissant un ancien gazoduc, destiné à transporter des millions de tonnes de CO2 émis par les entreprises de la région lyonnaise vers Fos-sur-Mer, rapporte TopTribune.
Une possible mise en service en 2031
Le projet, dénommé « Rhône décarbonation », est évalué à entre 1 et 1,5 milliard d’euros. Il prévoit que les gaz, une fois arrivés en Méditerranée, soient liquéfiés avant leur chargement sur des navires à destination de fosses géologiques gérées par le groupe ENI au large de l’Italie.
La cimenterie Vicat, localisée dans l’Est lyonnais et classée parmi les 50 sites industriels les plus émetteurs de CO2 en France, envisage d’investir entre 600 et 900 millions d’euros dans ce projet tout en sollicitant des financements français et européens. L’entreprise a lancé ses études il y a deux ans et prévoit une « décision d’investissement » d’ici fin 2027, avec un démarrage d’exploitation prévu pour 2031. L’objectif est de transporter annuellement 4 millions de tonnes de CO2, dont 1,2 million pour Vicat. D’autres cimentiers envisagent des projets similaires, mais à ce jour, seule la Norvège possède une installation opérationnelle comparable.
Jean-Michel Fourniau, garant de la commission nationale du débat public (CNDP) ayant supervisé la concertation préalable pour le projet Rhône décarbonation, souligne que l’industrie cimentière n’a « pas d’autre solution que de se décarboner » pour répondre aux enjeux environnementaux.
Le stockage de CO2, une solution du GIEC
Cette nécessité de se décarboner est accentuée par la hausse anticipée des coûts des émissions sur le marché des quotas carbone et par l’évolution des normes européennes, qui imposent d’ici 2031 une réduction significative de l’empreinte carbone dans le secteur de la construction : l’utilisation de bétons bas-carbone deviendra incontournable. Fourniau affirme que « dans la perspective du zéro carbone en 2050, pour ce type d’industrie, il n’y a pas d’autre solution que de capturer et d’enfouir le carbone ».
Le procédé de captage et stockage de dioxyde de carbone (CCS) est identifié par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) comme une des solutions clés pour réduire l’empreinte carbone d’industries particulièrement difficiles à décarboner, comme les cimenteries, qui représentent à elles seules 7 % des émissions mondiales de CO2.
Estimant le chantier Rhône décarbonation comme « plutôt vertueux », Philippe Chamaret, directeur de l’Institut Ecocitoyen basé à Fos-sur-Mer depuis 2010, soulève cependant des interrogations sur l’énergie nécessaire pour le transport de la quantité massive de dioxyde de carbone. Il avertit : « Le CO2 provient de la production d’énergie, et nous devrons dépenser davantage d’énergie pour le traiter ».
Avec l’augmentation des pressions économiques et réglementaires relatives à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le projet Rhône décarbonation pourrait apparaître comme une réponse innovante et pragmatique pour l’industrie cimentière française. Le succès de cette initiative dépendra néanmoins des avancées technologiques en matière de CCS, de l’engagement des parties prenantes et des financements disponibles.
En attendant, la France et l’Europe se positionnent résolument en faveur d’une transition énergétique en phase avec les objectifs climatiques mondiaux, ce qui pourrait renforcer la coopération entre les secteurs privés et publics dans la lutte contre le changement climatique.