Condamné pour le meurtre de Brice Taton, Đorđe Prelić se retrouve désormais sous les projecteurs des meetings pro-gouvernementaux en Serbie, une situation qui scandalise de nombreux supporters du TFC, rapporte TopTribune.
Le 17 septembre 2009, à Belgrade, la vie de Brice Taton, jeune Toulousain de 28 ans, bascule tragiquement. Supporter du TFC, il est en ville pour assister au match de son club contre le Partizan Belgrade, en Coupe d’Europe. Alors qu’il prend un verre en terrasse sur la place Obilićev venac, il est attaqué par une trentaine de hooligans serbes. Armés de battes, de barres de fer et de chaînes, ces derniers se jettent sur les supporters français. Brice subit une violente agression, avant d’être précipité du haut d’un escalier de plusieurs mètres. Grièvement blessé, il succombe douze jours plus tard à l’hôpital, le 29 septembre 2009. L’un des organisateurs de cette expédition violente n’est autre que Đorđe Prelić, figure emblématique des tribunes radicales du Partizan.
De la prison à la politique de rue
Condamné en 2011 à 35 ans de prison par contumace alors qu’il était en fuite, Prelić voit sa peine réduite à 15 ans, puis à 12 ans, et finalement à 10 ans en 2018. Arrêté en 2013 près de Barcelone, il est extradé vers la Serbie et purgera une partie de sa peine avant d’être libéré en 2021 dans des circonstances controversées. La justice d’appel avait annulé, en juin 2021, le refus initial d’une libération conditionnelle, peu après l’abandon d’une autre procédure pour violences datant de douze ans.
Depuis sa libération, Đorđe Prelić fait parler de lui dans la rue et au cœur de la politique serbe. Recent d’années, il a été vu à de multiples rassemblements du Parti progressiste serbe (SNS), la formation au pouvoir dirigée par le président Aleksandar Vučić.
Selon N1 Beograd, citant le portail Nova.rs, mercredi soir 13 août 2025, il était aux avant-postes des militants pro-SNS rassemblés devant le Parlement, lors d’un événement qualifié par ses partisans de « Ćacilend ». Cette manifestation survient après des tensions à Vrbas (nord du pays), où des membres du SNS ont ciblé des citoyens avec des engins pyrotechniques. Des incidents semblables se sont produits à Novi Sad, avec de nouvelles attaques contre des opposants.
Indignation de l’opposition
La présence de Prelić, arborant un t-shirt noir et affichant une posture de meneur, suscite l’indignation de l’opposition. Srđan Milivojević, président du Parti démocrate, a condamné « la police qui se range du côté de la lie de la société et de la mafia qui a usurpé l’État ». Il a accusé les forces de l’ordre de suivre les ordres d’Andrej Vučić, frère du président, et de collaborer avec « des tueurs impitoyables et des repris de justice, comme Prela », surnom sous lequel Prelić est connu.
Dans un pays où les liaisons entre supporters radicaux, crime organisé et pouvoir politique sont régulièrement mises en lumière, l’image d’un homme condamné pour le meurtre d’un citoyen français apparaissant en tête d’un meeting gouvernemental choque une partie de l’opinion publique. Marinika Tepić, députée du Parti de la liberté et de la justice, l’avait déjà qualifié en 2023 de « nouveau Belivuk » — une référence à un chef de gang tristement célèbre — affirmant qu’il contrôlait la faction de supporters « Principi » pour le compte du pouvoir.
Un lourd passif avec le crime organisé
Au-delà de son implication dans le drame de 2009, Prelić a été lié dans les médias serbes à des réseaux criminels, notamment celui de Veljko Belivuk, connu pour des affaires de meurtres et de trafic. En août 2022, lors d’un match du Partizan, il a dirigé un groupe de supporters qui a contraint les joueurs à retirer leurs maillots en signe de défi à la direction du club.
Sa libération anticipée, son retour sur le devant de la scène et sa proximité avec le SNS suscitent des interrogations. Pour de nombreux analystes, cela révèle un mode de gouvernance où certains hooligans, autrefois combattus, sont aujourd’hui utilisés comme bras armés officieux pour intimider l’opposition.
Un souvenir douloureux à Toulouse
À Toulouse, le souvenir de Brice Taton reste vif. Des hommages avaient rassemblé des milliers de personnes en mémoire de ce jeune homme, reconnu comme un supporter pacifique et enthousiaste. Le TFC a même dédié un maillot floqué de son nom, et ses proches ont lutté pour que justice soit faite, malgré les lenteurs et rebondissements de la procédure judiciaire.
La vue actuelle d’un des principaux responsables de cette violence mortelle défilant dans les rues de Belgrade, non pas discret mais occupent la première rangée d’un rassemblement pro-gouvernemental, ravive la douleur et soulève des doutes sur l’état de droit en Serbie.