Alors que la grande finale du concours Eurovision de la chanson se tient samedi à Bâle, la Suisse, neutre par tradition, se retrouve au cœur d’une scène internationale bien moins feutrée qu’à son habitude.
La Suisse fait rarement les gros titres de la presse internationale. Dans ce pays niché au cœur de l’Europe, on cultive la discrétion. C’est presque une marque de fabrique : pas d’excès, pas de flamboyance. C’est le pays des décisions calmes, des trains à l’heure. Un refuge pour les stars en quête d’anonymat. Charlie Chaplin, Audrey Hepburn, Tina Turner, et beaucoup d’autres sont venus y chercher un peu de tranquillité.
La Suisse, c’est aussi les banques, le secret, les décisions prises loin des projecteurs. Et voilà qu’elle accueille l’événement musical le plus extraverti de la planète. L’Eurovision, c’est le clinquant, les paillettes, les votes en direct. Le contraste est total.
Neutre par tradition
Un pays discret, donc. Mais qui dans l’ombre, joue un rôle immense sur la scène internationale. Genève, à deux heures de Bâle, est le siège de plus de 40 organisations internationales, parmi lesquelles l’ONU, l’OMC (l’Organisation mondiale du commerce), l’OMS (l’Organisation mondiale de la santé) ou encore le CICR (Le Comité International de la Croix-Rouge). On y compte aussi plus de 180 missions diplomatiques. Un record pour un Etat de 9 millions d’habitants.
Cette position n’est pas le fruit du hasard. Si la Suisse attire autant, c’est qu’elle a bâti sa réputation sur un grand principe : la neutralité. Depuis plus de 200 ans – et le Congrès de Vienne de 1815 – la Suisse ne prend pas position dans les conflits. Elle parle à tout le monde. Et c’est précisément ce qui rassure les Etats membres des organisations internationales.
Une neutralité à l’épreuve
Mais cette neutralité est parfois difficile à tenir, surtout quand l’actualité s’invite sur scène. Le concours Eurovision se veut lui aussi le chantre de la neutralité. Officiellement, il est apolitique. En réalité, il n’échappe pas aux tensions du moment. Chaque pays arrive avec son drapeau, son histoire, ses alliés – et parfois ses ennemis. Et souvent, les conflits du monde réel prennent le dessus sur les chansons.
On l’a vu l’an dernier : une édition marquée par les controverses autour d’Israël. Cette année s’annonce tout aussi sensible. Dès la cérémonie d’ouverture dimanche dernier à Bâle, la chanteuse israélienne Yuval Raphael a été huée. Des manifestants propalestiniens étaient présents. La candidate a dû être escortée sous haute sécurité.
Genève/Bâle : deux scènes, un même défi
Sur cette scène-là, la Suisse joue un rôle bien différent de celui qu’elle connaît à Genève. On n’est plus dans les salons feutrés, mais sous les projecteurs. Tout se voit, tout se commente. Ce n’est plus tout à fait le même décor.
Pourtant, le défi reste le même : faire cohabiter des voix dissonantes. Et ça, la Suisse sait faire. Car au fond, ce concours, ce défilé de pays qui montent sur scène les uns après les autres, chacun avec son message, ses tensions, c’est un peu une conférence de paix en musique. Et c’est sans doute ce qui fait de la Suisse un hôte à part. Elle sait accueillir, encadrer, écouter.
La tempête avant le calme
Alors, est-ce que un pays neutre peut tout neutraliser ? Pas sûr. Mais fidèle à ses habitudes, la Suisse refermera les rideaux dans quelques jours avec, sans doute, le sentiment du devoir accompli… et retrouvera sa tranquillité.
Il nous revient que Frida, du groupe ABBA, vit aujourd’hui en Suisse. A Genolier, dans le canton de Vaud. La chanteuse suédoise a troqué les paillettes de l’Eurovision pour le calme helvétique. Elle a donc fait son choix : la discrétion… et sans doute la neutralité.