Les enjeux autour de la publication des fichiers Epstein
La question ne se pose plus quant à savoir si les fichiers Epstein seront rendus publics, mais plutôt quelles seront les conditions de cette publication et si Donald Trump a encore la capacité de les dissimuler partiellement. Les préoccupations soulevées par le Los Angeles Times sont significatives : en dépit d’une législation fédérale adoptée par le Congrès et signée par Trump lui-même, l’exécutif détient des leviers permettant de bloquer, retarder ou altérer la divulgation des documents, rapporte TopTribune.
La loi inclut dans ses dispositions un mécanisme d’exception : tout document associé à une « enquête en cours », une « information classifiée » ou à la « protection des victimes » peut être retenu, expurgé ou soumis à une réévaluation. Cette clause, bien qu’elle soit présentée comme une sécurité technique, peut aboutir à la neutralisation d’une partie des archives. D’après TIME Magazine, des experts juridiques estiment que Trump a su exploiter cette faille : il pourrait permettre la publication de milliers de documents inoffensifs tout en conservant, sous le prétexte d’une enquête active, les passages les plus compromettants le mentionnant directement.
Par ailleurs, le Département de la Justice (DOJ), sous l’égide de l’exécutif, détient une influence considerable sur la collecte, la numérisation et la modification des documents. Ainsi, le DOJ peut retarder le processus en invoquant la nécessité d’un « tri » ou exiger des modifications additionnelles. Le Washington Post rappelle que les gouvernements, même sous pression judiciaire, ont historiquement obtenu une marge de manœuvre pour prolonger le traitement administratif lorsque cela sert un intérêt politique. Le troisième levier, plus direct, concerne la destruction physique. Est-ce techniquement faisable ? Oui. Est-ce probable ? Non. Depuis 2024, les fichiers sensibles du DOJ sont stockés dans des bases de données numériques redondantes, avec des copies dans divers centres fédéraux. Éliminer ces documents nécessiterait une falsification massive des journaux électroniques, laissant ainsi des preuves.
En effet, The Guardian souligne qu’après plusieurs épisodes de disparition de preuves dans les années 2010, le Congrès a instauré des protocoles empêchant qu’un acteur politique puisse discrètement effacer un document fédéral. Ce que Trump peut toutefois faire, c’est rendre les documents illisibles : on parle ici d’expurgations massives, de pages noircies, d’absence de noms et de classifications rétroactives. C’est exactement ce que craignent même certains élus républicains anti-Trump, qui ont mis en garde publiquement son entourage contre la tentation d’un « enterrement » administratif de documents cruciaux.
En définitive, bien que Trump ne puisse pas anéantir complètement les fichiers Epstein, il a la capacité d’en diminuer la pertinence publique. La loi garantit seulement l’existence physique des documents, sans assurer leur intégralité ni leur lisibilité. Concernant l’affaire Epstein, le vrai risque repose non pas sur la disparition des dossiers, mais sur un effacement sélectif. La vérité pourrait être révélée, mais noyée sous une couche d’encre noire.