Trois questions sur l'effondrement d'un glacier sur un village en Suisse
Trois questions sur l'effondrement d'un glacier sur un village en Suisse

Trois questions sur l’effondrement d’un glacier sur un village en Suisse

30.05.2025
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Un éboulement massif du glacier du Birch a ravagé mercredi le village suisse de Blatten. L’évacuation anticipée a limité les pertes humaines, mais les dégâts sont considérables alors qu’une autre catastrophe naturelle est redoutée.

Le jour d’après. C’est le pire scenario, et celui redouté par les autorités, qui s’est déroulé dans les Alpes suisses mercredi 28 mai. Vers 15h30, un éboulement massif s’est produit au niveau du glacier du Birch, détruisant le village de Blatten. De nombreuses habitations de cette localité, située dans le canton du Valais, qui en temps normal compte environ 300 habitants, ont été détruites.

L’éboulement du glacier était attendu depuis plusieurs jours, mais il a quand même pris tout le monde de court. Les autorités suisses avaient évacué depuis la semaine dernière en raison du danger. Fort heureusement puisqu’une seule personne est portée disparue. Reste le traumatisme pour les 300 habitants de Blatten qui ont tout perdu ou presque.

1 À quoi ressemble le village de Blatten au lendemain de la catastrophe ?

Le village est jeudi un immense terrain vague, avec 90% des maisons qui ont été détruites. Il a été recouvert par une épaisse couche entremêlée de roche et de glace qui commence à fondre. Le géomorphologue et directeur de recherche au CNRS, Ludovic Ravanel, se dit « surpris » sur France Inter après l’éboulement d’un glacier. Pour le spécialiste des écroulements, ce type d’événement est plutôt attendu « en Himalaya ou dans les Andes », mais pour l’échelle des Alpes, « le volume est tout à fait extraordinaire ».

« Heureusement, ce n’est pas tombé en une fois », poursuit Ludovic Ravanel, qui explique que d’abord des « centaines de milliers » voire « plusieurs millions de mètres cubes » sont tombés sur le glacier et « l’ont fortement alourdi ». Le glacier s’est donc mis « à accélérer », jusqu’à être « déstabilisé en partie avant-hier, avec une première grosse avalanche ». Et puis finalement, mercredi, « c’est toute la masse du glacier, ainsi que tout ce qui le recouvrait en termes de masse rocheuse, qui est descendue, occasionnant une avalanche absolument phénoménale, constituée de glace, d’eau, de boue et de roches ».

Dans le village de Blatten, les rares maisons qui n’ont pas été ensevelies sont désormais sous les eaux. L’éboulement a en effet créé une sorte de barrage sur la rivière Lonza, qui traverse la vallée. Le niveau du lac augmente d’heure en heure. Les autorités craignent que tout cela lâche d’un coup et provoque une lave torrentielle pour les villages en aval. Pour éviter cela, les autorités ont vidé un barrage artificiel, situé un peu plus bas pour justement contenir toute cette eau si elle devait arriver. Il faudra aussi pomper l’eau du lac, ce qui sera sans doute le rôle de l’armée dans les prochains jours dès que le site sera sécurisé. Pour le moment, la zone est bouclée et aucun habitant n’est autorisé à retourner sur les lieux.

2 Pourquoi ce glacier s’est-il effondré ?

Ce que l’on sait, c’est que la fonte du permafrost sur lequel était accroché le glacier l’a sans doute fragilisé. Sa verticalité, si on peut dire – il croulait littéralement sous son poids –, n’a pas aidé non plus. Les éboulements étaient devenus fréquents et l’apparition d’une énorme fissure au début du mois a conduit les autorités à évacuer en urgence le village. Pour le glaciologue et climatologue au CNRS Gerhard Krinner, invité de franceinfo, ce processus naturel d’éboulement de la montagne est renforcé par le réchauffement climatique. « La fréquence de ces événements naturels va augmenter », prévient-il, car la fonte des glaciers s’accélère. 

Dans le cas du glacier suisse, c’est le « pergélisol » (parfois désigné par le terme anglais permafrost) qui a fondu, ce qui a déstabilisé l’ensemble de la masse du glacier. Un phénomène qui reste « naturel », précise le glaciologue, et qui s’est déjà produit par le passé, par exemple à Grenoble, au XIIIe siècle, provoquant un éboulement avec la formation d’un lac. « C’est un processus naturel, qui survient fréquemment depuis des millions d’années, mais cette fois-ci l’ampleur est inattendue en termes de volume », précise Gerhard Krinner.

Une fois l’événement détecté, il est impossible d’agir et « de l’arrêter« , ajoute le climatologue, qui explique qu’à cette échelle, la seule chose à faire est d’évacuer les habitants des vallées. En revanche, il est encore possible de freiner l’apparition de ces événements, et pour cela, il faut « limiter le réchauffement climatique ». C’est « la seule solution », souligne le scientifique.

3 Une catastrophe similaire est-elle possible en France ?

Selon le spécialiste Ludovic Ravanel, c’est « presque impossible » qu’un tel scénario se reproduise à l’identique, notamment en France, « puisque là, on a un certain nombre de facteurs vraiment très, très particuliers ». Toutefois, dans les Alpes françaises, il y a les ROGP, pour les Risques d’origine glaciaire et périglaciaire, avec « des glaciers et des parois qui peuvent être suivies, mais généralement avec des volumes quand même bien moindres », explique-t-il sur France Inter.

Le géomorphologue insiste cependant sur le fait qu’il faut garder à l’esprit « qu’il y a des sites qui potentiellement à l’avenir pourront nous surprendre ». Ludovic Ravanel compte donc sur un maillon pour aider à prévenir les risques : « Nous, scientifiques, gestionnaires des risques, on est quand même relativement peu. Il nous faut donc également des gens sur le terrain qui puissent nous renseigner comme des guides, des accompagnateurs en montagne, pour envisager les signaux avant-coureurs qui pourraient nous faire penser à quelque chose ensuite de plus important. »

En 2023, un lac glaciaire menaçait la commune de Chamonix-Mont-Blanc et particulièrement le village des Bossons. « Les proportions de la menace du lac du glacier des Bossons, c’était au maximum un volume de 30 000 m3, alors suffisant pour menacer le petit village des Bossons, mais c’est sans aucune proportion avec ce que vient de vivre le village de Blatten », rappelle Claude Jacot, adjoint à la sécurité du maire de Chamonix. Le lac a été drainé pour éviter le risque que l’eau se déverse dans la pente, qu’elle emporte la terre et les rochers dans la vallée et crée une lave torrentielle. Un scénario que redoutent les autorités suisses avec la formation du lac artificiel après l’effondrement du glacier sur le village de Blatten.

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