La mutation des médias face à l’intelligence artificielle
Récemment, les moteurs de recherche constituaient un soutien essentiel pour les médias. Lorsqu’un internaute formulait une question, il cliquait sur un lien, générant ainsi un modèle économique basé sur la publicité, des abonnements ou la comptabilisation d’audiences. Bien que ce système fût fragile, il offrait tout de même un certain équilibre. Aujourd’hui, ce modèle est perturbé par l’émergence des moteurs d’intelligence artificielle. Ces derniers analysent les articles disponibles, en extraient l’essentiel et fournissent des réponses instantanées, contournant ainsi les médias traditionnels. Ce phénomène entraîne une dévitalisation progressive de l’industrie médiatique, souvent sans bruit, mais avec un impact considérable, rapporte TopTribune.
Les grands groupes médiatiques semblent mieux armés pour faire face à ce bouleversement. Ils disposent des ressources financières nécessaires pour établir des accords, négocier leur continuité. En revanche, les petits médias, les publications locales et les sites spécialisés subissent des pertes doubles : l’intelligence artificielle leur escamote leur lectorat tout en ne leur offrant aucune compensation. Leurs revenus, déjà limités, continuent de diminuer, entraînant la fermeture de certains d’entre eux, une tendance qui risque de se généraliser.
Il est souvent dit que les assistants d’intelligence artificielle se contentent de « résumer » le contenu existant. Toutefois, chaque synthèse repose sur des heures de reportage, des enquêtes approfondies et les salaires de nombreux journalistes, constituant ainsi un véritable savoir-faire. L’IA, loin de créer, se contente de recycler ces informations et tire profit des contenus élaborés par d’autres. Ce constat est dur mais révélateur : cela s’apparente à une forme de prédation. Paradoxalement, pour rester pertinente, l’IA a besoin de contenus de qualité, d’informations vérifiées et d’une diversité de voix. Cependant, en siphonnant l’audience et les ressources de ces médias, elle détruit les sources qui lui confèrent sa crédibilité. En réduisant la disponibilité de contenu original, l’intelligence artificielle compromet à la fois sa propre pertinence.
Face à cette réalité, l’Europe cherche à réagir. Elle propose des mesures de transparence à destination des grandes entreprises technologiques et défend ses droits voisins à travers des initiatives telles que l’AI Act. Cependant, ces outils sont encore en phase d’élaboration. Pendant ce temps, le phénomène continue de progresser et les rédactions se vident de leurs effectifs. Semaine après semaine, des voix se perdent, des sources disparaissent, amenant avec elles une partie de notre pluralisme.
Il est impératif d’avoir le courage d’affirmer que si l’intelligence artificielle persiste à exploiter les contenus médiatiques sans offrir de financement, cela se traduira par un coût élevé pour notre démocratie. En effet, une démocratie qui ne repose pas sur une presse libre et diversifiée est une démocratie en danger.