Le projet de loi constitutionnelle sur l’autonomie de la Corse : un texte controversé
Le projet de loi discuté lors du Conseil des ministres n’a pas intégré les recommandations du Conseil d’Etat, qui remet en question la notion de « communauté » corse. François Bayrou a tranché en faveur de la version originale du texte avant un examen délicat au Parlement, rapporte TopTribune.
Au cœur de l’été, le 30 juillet, un projet essentiel concernant l’avenir de la Corse a été présenté. Le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, a révélé son contenu, très attendu par les Corses. Les décisions prises par le gouvernement de François Bayrou à cet égard suscitent des réactions polarisées, voire des frustrations au sein de certaines factions, bien que le ministre ait soutenu qu’il s’agissait d’un « texte de compromis » à la sortie de l’Elysée.
La version du projet de loi présentée reprend les dispositions constitutionnelles établies lors d’un accord politique en mars 2024, sans modification suite à l’avis du Conseil d’Etat, qui n’est que consultatif. Ce dernier entérine le principe d’autonomie, mais souligne l’utilisation de termes qui ne correspondent pas à ceux employés dans l’accord politique initial.
Pour comprendre les raisons de l’absence de prise en compte des recommandations du Conseil d’Etat, il convient de revenir un an et demi en arrière, au premier trimestre 2024, à la fin de ce qui a été désigné comme le « processus de Beauvau ». Au ministère de l’Intérieur, le gouvernement a, avec des élus corses, convenu le 11 mars de la rédaction du projet de loi constitutionnelle pour l’île.
Ce texte, promis six mois plus tôt par Emmanuel Macron à Ajaccio, stipule une reconnaissance d’un statut d’autonomie pour la Corse au sein de la République, prenant en compte ses spécificités culturelles et historiques. Les deux parties sont aussi tombées d’accord sur le fait que les lois peuvent faire l’objet d’adaptations.
Cependant, critiqué par les opposants à l’autonomie, le projet a été mis de côté à la suite de la dissolution de juin 2024. Avant la censure du gouvernement précédent, l’exécutif avait affiché sa volonté de soumettre un projet de loi constitutionnelle au vote avant la fin de l’année 2025. Au début de l’année 2025, François Rebsamen, depuis la Corse, affirmait vouloir « boucler ce dossier cette année ».
Le processus a progressé avec un « comité stratégique » organisé le 22 juillet entre le ministre, des élus corses et les préfets. Lors de cette réunion, l’avis du Conseil d’Etat a été examiné. La revision proposée supprimait la notion de « communauté » corse et le concept de lien unique à cette terre, tout en refusant un pouvoir législatif autonome pour la collectivité territoriale. François Rebsamen a tenté d’intégrer quelques réflexions du Conseil d’Etat, mais cela s’est heurté à une opposition catégorique des élus nationalistes corses.
Le gouvernement a alors décidé de maintenir le texte original, balayant les suggestions du Conseil d’Etat. Bayrou a déclaré son soutien à l’accord de sortie de crise et a affirmé sa volonté de laisser le Parlement délibérer sur le texte. Il a mis l’accent sur la nécessité de respecter les accords politiques, précisant que le projet était avant tout un compromis.
« En règle générale, je suis pour que l’Etat tienne la parole donnée. »
François Bayrouà l’AFP
Malgré tout, cette décision de présenter le texte contesté n’a pas trouvé unanimité, même parmi les membres du gouvernement. Gérard Larcher, président du Sénat, a exprimé ses préoccupations dans une lettre à Bayrou, pressant le gouvernement d’incorporer les recommandations du Conseil d’Etat, rappelant qu’il est impératif de préserver l’unité de la République.
Des voix s’élèvent également sur l’île, dénonçant le caractère « irresponsable » du débat autour de l’autonomie. Certains élus réclament un contrôle parlementaire plus strict face à des pressions potentielles. D’autres, en revanche, soutiennent que la question de l’autonomie a déjà été tranchée par un vote massif lors de l’accord de sortie de crise de l’hiver 2024.
Le chemin menant à cette révision constitutionnelle est semé d’embûches. Pour être adoptée, elle devra obtenir un vote favorable tant du Sénat que de l’Assemblée nationale, suivi d’une approbation en Congrès à la majorité des trois cinquièmes. Un défi de taille, car l’extrême droite se montre opposée et les scepticismes se font ressentir au sein des autres factions.
Bien que le ministre de l’Intérieur ait maintenu sa position selon laquelle le texte doit être respecté, des critiques persistent quant aux implications de cette autonomie potentielle, notamment des avertissements sur un possible communautarisme. Le débat se poursuivra, avec un examen prévu au Sénat en octobre, témoignant des divisions encore présentes au sein du gouvernement lui-même.