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« Je ne suis absolument pas surprise », réagit Rachel, samedi 19 avril, auprès de franceinfo, après les dernières révélations sur l’abbé Pierre. Âgée de 60 ans aujourd’hui, elle affirme avoir été agressée sexuellement par le fondateur d’Emmaüs dans son bureau alors qu’elle avait 8 ans, en 1973 ; ce qui fait d’elle la plus jeune victime connue du religieux. Dans leur livre-enquête Abbé Pierre, la fabrique d’un saint (Allary), Laetitia Cherel, membre de la cellule investigation de Radio France, et Marie-France Etchegoin montrent que le Vatican était au courant des agressions et des viols commis par l’abbé Pierre entre 1950 et 2007, date de sa mort.
Rome a été informé dès 1955, selon un document que les deux journalistes ont pu consulter. Elles mettent également en avant les parts sombres de la personnalité de l’abbé, entre propos antisémites et soutien au maréchal Pétain.
Rachel : Lorsque je suis rentré dans son bureau pour la première fois, c’était un homme très souriant, très jovial. Un petit papi tout mignon, tout gentil derrière ses petites lunettes. Puis il y a eu un changement d’attitude vis-à-vis de moi lorsqu’on s’est retrouvé tous les deux. Je l’ai vu franchement, ce jour-là, mi-ange mi-démon et je n’arrive pas à me retirer cette image de la tête. C’est quelque chose qui reste profondément ancré dans ma mémoire et dans ma chair. Ça, c’est clair.
Comment réagissez-vous en apprenant que le Vatican était bel et bien au courant des agissements de l’abbé Pierre ?
Je ne suis absolument pas surprise. Je l’avais déjà relevé à plusieurs occasions. Il n’était pas, pour moi, concevable que l’Église, étant au courant, n’ait pas pu en référer à sa hiérarchie et notamment au Vatican. Donc il était évident, pour moi, qu’à un moment donné, quelque chose allait ressortir et montrer que, effectivement, le Vatican était au courant. Donc, non, je ne suis pas surprise.
Vous aviez déposé plainte devant le parquet de Créteil contre X. Qu’en est-il de cette plainte ? Avez-vous eu un retour ?
Depuis que j’ai déposé plainte, je n’ai même pas eu un courrier de leur part me disant qu’ils avaient ma plainte. Donc, il n’y a pas plus de dix jours, j’ai envoyé un recommandé avec accusé de réception au tribunal de Créteil pour leur demander où en était ma plainte et je leur ai aussi joint des informations complémentaires et supplémentaires que j’apporte à mon dossier sur des gens d’Emmaüs qui avaient prononcé des paroles sur l’abbé Pierre et ses actions sur d’autres femmes. J’apporte tout ça, donc j’attends maintenant que le parquet me réponde. Avec les éléments nouveaux qui apparaissent là maintenant, qui sont concrets, j’ose espérer qu’ils vont, ne serait-ce que par respect pour les victimes, rouvrir de quelque manière que ce soit l’enquête.
C’est nécessaire pour vous, pour votre reconstruction, que les responsabilités de chacun soient posées et établies ?
Bien évidemment. Je pense que les preuves s’accumulent et qu’il va y avoir encore d’autres choses qui vont être trouvées. Et c’est ce que j’ai envie de dire : si les gens qui étaient au sein d’Emmaüs ou de l’Église savent des choses, je pense qu’il est dans leur intérêt de le dire maintenant, plutôt que ce soit découvert dans des courriers ou autre chose qui soit révélé plus tard.
Attendez-vous aussi une réponse de la part du Vatican ?
Je pense que le Vatican, là, il est en train de tourner la tête dans tous les sens en se disant « mince, on pensait qu’on allait peut-être pouvoir échapper encore à ce genre de choses ». Cette révélation-là va faire que ça va exploser, parce que ça ne peut pas être autrement. Et j’espère sincèrement que le Vatican va réagir, tout comme Emmaüs va réagir, tout comme l’Église va réagir et tout comme toutes les institutions qui étaient autour de l’abbé Pierre vont réagir. C’est inconcevable de nous laisser comme ça, à nous prendre pour des imbéciles en disant « on ne savait pas, on ne savait pas ».
