
Un départ express qui rebat les cartes budgétaires
À peine vingt-six jours après sa nomination, Sébastien Lecornu a remis sa démission à Emmanuel Macron. Cette annonce, officialisée ce matin par un communiqué de l’Élysée, ressemble à un véritable choc pour les institutions. Le Premier ministre, choisi pour symboliser un tournant vers une rigueur budgétaire et une autorité renouvelée, quitte Matignon avant même d’avoir pu défendre son premier projet de budget, rapporte TopTribune.
Le calendrier budgétaire, déjà très chargé, devient désormais inextricable. La présentation du budget pour 2026, prévue initialement pour cette semaine, est désormais suspendue indéfiniment. Ce budget devait représenter un pivot entre l’austérité et une relance ciblée, comprenant des baisses d’impôts pour les ménages à faible revenu, une gestion rigoureuse de la dépense publique et la poursuite du désendettement engagé suite à la pandémie. En interne, divers arbitrages restaient à trancher, notamment concernant la réduction des niches fiscales et la réforme de la fiscalité immobilière. La démission de Sébastien Lecornu remet ces discussions à un stade initial.
La fragilité politique, nouveau risque économique
La France se retrouve face à une équation budgétaire instable une fois de plus. Sans majorité claire, le gouvernement rencontre des difficultés à établir une trajectoire financière publique crédible. Bruxelles suit cette situation d’un œil particulièrement attentif : dans les semaines à venir, la France doit soumettre un plan de redressement conforme aux critères du pacte de stabilité, réimplanté en 2025.
La réaction des marchés financiers a été immédiate. Lundi matin, le taux de l’OAT à dix ans a franchi les 3,45 %, atteignant un sommet depuis janvier, tandis que la prime de risque française s’est légèrement éloignée de celle de l’Allemagne. Les investisseurs, auparavant apaisés par la relative discipline de Bercy, expriment maintenant leurs inquiétudes face à une possible dérive politique. « L’instabilité gouvernementale soulève des doutes sur la continuité des réformes », observe un analyste d’Amundi.
Cette démission met également en lumière la pression croissante entre les besoins politiques et les exigences financières. Emmanuel Macron, déjà affaibli par la succession rapide des Premiers ministres, doit rassurer tant les parlementaires que les créanciers ainsi que les agences de notation. Une éventuelle dégradation de la note souveraine de la France, déjà suggérée par Fitch en septembre, pourrait bien revenir sur la table si le budget n’est pas voté rapidement.
Des réformes compromises et une gouvernance en panne
Au-delà de la gestion budgétaire, la capacité de l’État à planifier se voit remise en cause. Plusieurs réformes essentielles — telles que celle de l’assurance chômage, la transformation du marché de l’énergie et le plan d’investissement industriel — sont maintenant suspendues à la nomination d’un nouveau Premier ministre pour remplacer Sébastien Lecornu. Ces réformes étaient censées structurer la stratégie économique de la France pour le reste du quinquennat, tout en conciliant contrôle des dépenses et soutien à la compétitivité.
Bercy, dirigé par Bruno Le Maire restant par intérim, s’efforce de maintenir le cap après la démission de Sébastien Lecornu. Une cellule de crise budgétaire s’est réunie dès lundi afin d’assurer la continuité du calendrier européen et des paiements de l’État. Cependant, l’absence d’une direction politique claire accroît le risque de stagnation administrative. « L’économie ne se gère pas en mode intérimaire », confie un haut fonctionnaire du Trésor. Un sentiment d’urgence prédomine désormais dans les couloirs de la rue de Rivoli.
Un climat politique délétère aux conséquences durables
Pour Emmanuel Macron, la démission de Sébastien Lecornu n’est pas qu’un incident passager : elle affaiblit la crédibilité du gouvernement sur la scène européenne et réduit ses possibilités d’action à l’intérieur du pays. Alors que la croissance française est stagnante à 0,8 % et que le déficit demeure proche de 4,5 % du PIB, la crainte d’une crise politique prolongée est bien réelle. Les investisseurs redoutent une instabilité persistante, semblable à celle observée en Italie au début des années 2010.
La France, longtemps perçue comme un bastion de stabilité au sein de la zone euro, émet désormais des signaux de désordre politique et institutionnel. Si la désignation du successeur de Sébastien Lecornu prend du temps, la paralysie décisionnelle pourrait retarder la mise en œuvre des réformes structurelles exigées par Bruxelles. Dans ce contexte, le coût du crédit souverain risque d’augmenter, alors même que la dette publique dépasse les 3 200 milliards d’euros.
Le départ de Sébastien Lecornu, loin d’être anecdotique, incarne donc la révélation d’un gouvernement sans fondations politiques solides et d’un pays coincé entre ses ambitions budgétaires et ses faiblesses structurelles. Une situation que même un successeur aguerri aura des difficultés à résoudre.