Devant le tribunal correctionnel de Châteauroux, mercredi, les jeunes victimes du scandale sont appelés à témoigner. « J’ai hâte de lui montrer que la promesse que je lui ai faite de me taire, je ne la tiens plus », confie l’une d’elles.
Violentés, soumis à des travaux forcés, humiliés… Pendant sept ans, des dizaines d’enfants et d’adolescents confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord ont été placées dans des familles sans agrément de l’Indre, de la Creuse et de la Haute-Vienne. Dix-neuf personnes sont jugées depuis lundi 14 octobre et jusqu’à vendredi devant le tribunal correctionnel de Châteauroux. Mercredi matin, les jeunes victimes doivent prendre la parole.
« J’ai reçu des coups de pied, des coups de poing, des insultes, des humiliations » : pendant des mois Sofian a été le souffre-douleur de Julien M., 45 ans, un ancien policier qui s’est improvisé éducateur. Mardi, à la barre, le principal prévenu a préféré parler de recadrage. « Ce n’est pas du recadrage, c’est de la violence gratuite. J’avais 14, 15 ans… Il faisait 150 kilos », commente Sofian.
« Quand il nous tapait, il n’avait pas un visage de pitié »
Plusieurs fois, Angelina et Camilla, elles aussi victimes, ont dû quitter la salle. « J’ai beaucoup pleuré parce qu’il ne reconnaît rien, raconte Camilla, en reprenant les mots du prévenu : ‘Je n’ai pas mis la tête du gamin dans les toilettes, c’était plutôt à 50 cm.’ Ils nous ont dit qu’on était des cassos alcooliques et fugueurs… Que des mensonges. »
« C’est très dur, ajoute Angelina, parce qu’il montre un visage qu’on n’a pas forcément vu. Nous, on connaissait le Julien méchant, et là, il se fait prendre en pitié, il est triste alors que quand il nous tapait, nous humiliait, nous insultait, à aucun moment, il n’avait un visage de pitié. » La jeune femme ajoute : « Tous les jeunes, même ceux qui ne sont pas là aujourd’hui, on a déjà beaucoup souffert. Et ne pas le reconnaître aujourd’hui, ça nous fait encore plus souffrir et il ne s’en rend même pas compte. Ça ferait du bien qu’il le dise, car on en a gros sur la patate, on en a gros sur les épaules. »
« Il mérite que je déballe tout »
Malgré la difficulté, les deux jeunes filles ont choisi de témoigner. « J’ai hâte de lui montrer que la promesse que je lui ai faite de me taire, je ne la tiens plus. Parce que c’est un putain d’enfoiré, désolé des mots, et qu’il mérite que je déballe tout, tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai entendu, tout ce que je sais ! Oui, j’ai hâte », conclut Angelina.
« J’ai surtout hâte que mes amis prennent la parole parce que ça les a beaucoup détruits, raconte Camilla. Il y en a que je connaissais d’avant, quand j’étais plus jeune. En les voyant grandir, ils ont des tics, des symptômes post-traumatiques. Moi-même, j’ai été diagnostiquée avec un taux élevé de dépression, d’anxiété. Après eux, je n’ai jamais eu de suivi psychologique. »
« On nous a laissés livrés à nous-mêmes. On nous a placés dans différents endroits et on ne nous a plus jamais calculés. »Camilla
à franceinfo
Toutes les deux le disent : le procès les aide. « Ça fait du bien parce qu’on sait que vendredi, il y aura quelque chose. De la à réparer, non », répond brutalement Camilla. Avant de poursuivre : « C’est arrivé trop tard. On était des enfants et ils nous ont brisés. » Elle avait 13 ans, aujourd’hui, elle en a 22.