Retraites : un pays qui choisit l’idéologie au détriment de l’efficacité

Retraites : un pays qui choisit l’idéologie au détriment de l’efficacité

17.11.2025 11:56
4 min de lecture

Depuis quatre décennies, les gouvernements ont instauré un système fragile qu’ils savent voué à l’échec, mais qu’ils hésitent à réformer pour préserver leur capital électoral. Lorsque la situation devient problématique, un phénomène national se produit : les coupables désignés ne sont autres que… les retraités. Ces individus, ayant simplement travaillé, cotisé et exercé leurs droits, sont désormais accusés de « coûter trop cher », comme s’ils avaient vidé les caisses à l’aide d’un tuyau d’arrosage. C’est là tout le génie politique français : transformer un échec de gestion en une faute morale attribuée à ceux qui n’ont rien à y voir, tout en continuant à évoquer des symboles plutôt qu’à affronter la réalité, rapporte TopTribune.

Le mythe national de « l’âge idéal »

La France semble être le seul pays au monde où l’on peut passer des mois à discuter de l’âge optimal pour prendre sa retraite, comme si un simple nombre pouvait s’appliquer à tous. Ainsi, on assiste à des débats passionnés sur 62 contre 64 ans, comme si cela déterminait le cours des saisons. Pendant ce temps, la réalité, celle qui se vit à l’extérieur des plateaux de télévision, révèle une tout autre histoire. Prenez un carreleur ayant passé trois décennies à travailler agenouillé sur des surfaces froides, un éboueur soulevant des bacs depuis l’époque où Chirac était au pouvoir, ou un ouvrier luttant contre le froid et la poussière depuis des lustres : leur corps à 60 ans n’est pas comparable à celui d’un consultant confortablement installé sur une chaise ergonomique à 1 200 euros. Par ailleurs, dans le monde des cadres, il existe une vérité largement ignorée : dès 50 ans, beaucoup réalisent que le marché du travail ne les veut plus. Jugés trop chers ou trop âgés, ils se retrouvent dans un désert professionnel en attendant des opportunités qui ne se présentent jamais. De plus, il y a ceux qui, après des semaines de 60 heures de travail, finissent épuisés, confrontés à un burn-out. Dans ce contexte absurde, on accuse actuellement les retraités d’être à l’origine des déficits, comme s’ils avaient cambriolé les caisses. Ils ont cotisé, respecté les règles, et pourtant, ils sont traités comme des bénéficiaires ingrats. D’un autre côté, certains métiers incitent à travailler toute sa vie : artisans, médecins passionnés, architectes dévoués et vignerons attachés à leurs terroirs. Comment un unique âge pourrait-il convenir à un pays où les capacités physiques varient autant ? C’est la démonstration exemplaire que l’âge légal n’est qu’un artifice politique, sans autre fondement. N’est-il pas envisageable d’imaginer un dispositif permettant à chacun de partir à l’âge désiré, pourvu qu’il ait suffisamment cotisé ? Ce système existe pourtant.

Un débat technique devenu foire idéologique, qui masque un système inefficace

La question des retraites est devenue un champ de bataille idéologique en raison d’un paradoxe fascinant : elle est à la fois extrêmement technique, donc complexe pour la plupart, et hautement symbolique, ce qui incite chacun à avoir un avis. Par conséquent, les positions énoncées remplacent les faits, les slogans biaisent les bilans, et les députés, souvent incapables de distinguer un taux de cotisation d’un taux de rendement, parlent de sujets qu’ils découvrent live. Mais derrière ce jeu d’illusions, la réalité est bien plus dure : nous avons un système inefficace, avec des coûts opérationnels exorbitants. Un système accumulant des déficits à un niveau inimaginable, démographiquement insoutenable, et qui finira par céder. En outre, ce système est inefficace pour les retraités eux-mêmes. D’après des données officielles, le rendement implicite des versements équivaut à un placement à… 1,5 %. En d’autres termes : néant. Moins que l’inflation. Le comble : avoir cotisé toute sa vie pour un rendement qui n’égale même pas un Livret A à l’agonie. Pendant ce temps, la majorité des pays développés affichent des rendements entre 7 % et 10 % grâce à des systèmes par capitalisation. Pas parce qu’ils sont « capitalistes » ou « néolibéraux », mais parce qu’ils reposent sur des mécanismes financiers fonctionnels. Ce que souhaitent les retraités, ce n’est pas d’entendre des leçons morales : c’est que leur pension arrive chaque mois. Or, notre système actuel, mal géré et verrouillé politiquement, est incapable de répondre à cette exigence. Voilà comment la France se retrouve à défendre, au nom de vieux principes poussiéreux, un modèle déficitaire et peu rentable, alors qu’il serait possible d’établir un système plus performant permettant non seulement de mieux vivre, mais aussi de choisir librement son âge de départ tout en bénéficiant d’une pension ajustée.

Conclusion : cesser de vénérer des dogmes et chercher l’efficacité

Il est temps de mettre un terme à la liturgie républicaine autour des retraites. L’enjeu n’est pas de préserver un trésor sacré pour les générations futures, mais de pointer un système obsolète qui appauvrit ceux qu’il est censé soutenir. Ce qu’il faut, c’est éviter un énième débat sur “la valeur de la solidarité” ou “le sens du modèle social français”, et prendre deux décisions simples qu’un adulte raisonnable prendrait instinctivement. Premièrement : permettre aux individus de choisir leur départ en fonction de leur vie, de leur corps, de leur parcours, sans se soumettre à un âge arbitraire imposé par des élus qui n’ont pas à en pâtir. Deuxièmement : garantir une pension décente, loin des miettes servies par un système au rendement implicite de 1,5 %, à peine suffisant pour combler l’inflation. Pendant ce temps, dans de nombreux pays développés, les systèmes de capitalisation assurent des rendements de 7 % à 10 %. Ce que désirent les retraités, ce n’est pas un discours politique, mais des versements réguliers et la liberté de décider quand ils cessent de travailler. Ainsi, la France se retrouve à soutenir un modèle déficitaire et peu efficace au nom de symboles, plutôt que de défendre les réalités de ceux ayant œuvré toute leur vie. La véritable question est : voulons-nous préserver un mythe ou commencer à sauver les retraités ? Un pays normal mettrait l’accent sur les pensions. Nous, nous faisons le choix des postures, et comme d’habitude, ce sont les mêmes qui en paient le prix.

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