Repousser l'âge de départ au-delà de 64 ans ? Pourquoi le rapport du Conseil d'orientation des retraites relance le débat et hérisse les syndicats
Repousser l'âge de départ au-delà de 64 ans ? Pourquoi le rapport du Conseil d'orientation des retraites relance le débat et hérisse les syndicats

Repousser l’âge de départ au-delà de 64 ans ? Pourquoi le rapport du Conseil d’orientation des retraites relance le débat et hérisse les syndicats

08.06.2025
5 min de lecture
Source

Pas encore public, il a déjà remis le feu aux poudres. Le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR) doit être formellement adopté le 12 juin en assemblée plénière. Mais une version du texte consultée par plusieurs médias dont franceinfo, vendredi 6 juin, a fait bondir les opposants au report de l’âge légal de départ à la retraite, qui espèrent toujours l’abrogation de la réforme contestée adoptée en 2023 par 49.3. Franceinfo revient sur les conclusions de cette instance chargée de conseiller le gouvernement, pour qui la meilleure option est de continuer dans cette voie, alors que l’âge de départ est l’un des principaux points de crispation entre syndicats et patronat dans le cadre du « conclave » qui s’achève le 17 juin.

Parce qu’il plaide pour un nouveau recul de l’âge de départ

Modérer la progression des pensions ? Augmenter les contributions retraites des salariés ? Ou celles des employeurs ? Chargé d’étudier les moyens de remédier au déficit du système des retraites, le COR critique ces trois pistes, qualifiées de « récessives » (c’est-à-dire néfastes pour la croissance), pour n’en garder qu’une : le recul de l’âge du départ à la retraite. En prolongeant la carrière des futurs retraités, cette voie, écrit le COR, « aboutit à augmenter l’offre de travail et donc à terme l’emploi et le PIB [produit intérieur brut], et en conséquence toutes les recettes fiscales et sociales des administrations publiques, au-delà des seuls prélèvements finançant les retraites. »

L’instance imagine aller plus loin que la réforme déjà contestée : « Pour équilibrer structurellement le système de retraite chaque année jusqu’en 2070 via le seul levier de l’âge de départ à la retraite, il serait nécessaire de porter cet âge à 64,3 ans en 2030, 65,9 ans en 2045 et 66,5 ans en 2070 », écrit-il.

En se prononçant sur les conséquences des quatre options sur l’économie française dans son ensemble, et plus seulement l’équilibre du système des retraites, ce rapport a suscité la colère des opposants au report de l’âge de départ, que la loi Borne de 2023 doit progressivement faire passer de 62 à 64 ans. « Jusqu’à présent, le COR émettait des hypothèses et aux politiques de trancher. Là, c’est totalement orienté », a fustigé auprès de l’AFP le représentant de la CGT Denis Gravouil, chargé de la protection sociale et des retraites.

Quant à Cyril Chabanier, président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), il rappelait vendredi soir sur franceinfo que la Cour des comptes a estimé que « reculer l’âge légal (…) était efficace financièrement à très court terme (…) mais que l’effet était assez faible sur du moyen-long terme. » « C’est pour ça qu’on cherche d’autres pistes », a-t-il insisté.

Le député La France insoumise Eric Coquerel, président de la commission des Finances à l’Assemblée nationale, a, lui aussi, déploré que le COR ne retienne « qu’une hypothèse unilatérale » « Ce rapport exclut toute nouvelle recette, alors que nous à l’inverse, nous disons qu’il faut aller chercher des recettes. » Il a mis en doute ses conclusions sur le bien fondé de prolonger les carrières, au regard du taux de chômage des séniors : « dans un moment où la productivité du pays baisse, (…) vous pouvez repousser l’âge de départ à la retraite infiniment, s’il n’y a aucun emploi qui correspond, vous n’aurez fait qu’accroître les indemnités chômage ou le RSA ».

Parce que certains y voient l’influence du président de la République

« Le COR est devenu un instrument qui est totalement au service d’une seule politique », a aussi dénoncé Denis Gravouil de la CGT samedi sur franceinfo, pointant du doigt le président de cette instance, Gilbert Cette, qu’il qualifie d’« ami d’Emmanuel Macron » et accuse de jouer « un double jeu, qui n’est pas un digne président du COR »« Gilbert Cette est en mission commandée par Emmanuel Macron », cingle-t-il.

L’économiste, qui avait soutenu le président de la République lors de la présidentielle de 2017, a été nommé en octobre 2023 à la tête du COR. Il avait pris la suite de Pierre-Louis Bras, vivement critiqué par l’exécutif lors des débats autour de la réforme des retraites, pour avoir notamment déclaré à l’Assemblée nationale que « les dépenses de retraites ne dérapent pas »« Il y a beaucoup d’hypothèses dans le rapport du COR » et « cela peut nuire à la lisibilité de ses conclusions », avait aussi déploré Elisabeth Borne, alors Première ministre. Dans son nouveau rapport, l’instance semble adopter une approche différente et exprimer des avis plus tranchés.

Parce que les discussions du « conclave » ne sont pas terminées

Ce rapport du COR fait surface alors qu’officiellement, les partenaires sociaux n’ont pas terminé leurs échanges en vue de trouver une solution de compromis. Deux réunions plénières sont encore prévues les 11 et 12 juin et une réunion finale le 17 juin. C’est d’ailleurs lors de la prochaine réunion que l’animateur des discussions, Jean-Jacques Marette, doit proposer un « scénario médian » entre les positions des uns et des autres.

La fuite d’une version préliminaire du rapport du COR vient percuter ce calendrier. « Le COR n’existe qu’à travers les avis de son conseil, il se réunit jeudi. Donc il n’y a aucune orientation sur les retraites qui existe pour l’heure au niveau du COR… sauf à vouloir électriser ou biaiser les travaux du conclave en cours. Ce qui est inadmissible », a réagi auprès de l’AFP Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT, interrogé sur ce texte. 

… et parce qu’elles sont dans une impasse

Dès le départ, au début de l’année, ce « conclave » s’est déroulé dans la douleur. Rapidement, FO et la CGT ont claqué la porte, dénonçant une « mascarade », pour le premier, ou des discussions « enterrées » d’avance par le gouvernement et le patronat, pour l’autre, après des propos de François Bayrou semblant écarter un retour de l’âge de départ à 62 ans. Du côté patronal, l’U2P, qui représente notamment des artisans, commerçants de proximité et professionnels libéraux, avait également quitté le navire, en mars, arguant que ces adhérents « ne comprennent pas ces discussions vaines ». 

Ces départs n’ont toutefois pas permis à un quelconque consensus de se former au fil des réunions. Au contraire. Dans sa phase finale, les syndicats participants ont manifesté toujours plus de frustrations à l’endroit des représentants du patronat. « J’ai l’impression qu’ils ne veulent pas d’accord, je pense surtout au Medef, car la CPME [petites et moyennes entreprises] met des choses sur la table », déclarait la représentante de la CFE-CGC, Christelle Thieffinne, en quittant une réunion du « conclave » jeudi soir. « Il n’y a que les organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC) qui, dans un premier temps, se sont prononcées, ce qui donne un élément de la nature de notre discussion », fustigeait pour sa part Yvan Ricordeau. 

Parce que ce rapport est dévoilé au lendemain d’un vote symbolique à l’Assemblée nationale

Alors que François Bayrou a laissé entendre que s’il y avait accord des partenaires sociaux en « conclave », il serait validé par le Parlement, l’Assemblée nationale a envoyé un message : jeudi, une majorité de députés a appelé à l’abrogation de la réforme de 2023, lors d’un vote à portée symbolique.

A 198 voix contre 35, ils ont adopté une proposition de résolution déposée par le groupe GDR (communistes et ultramarins), rassemblant derrière ce texte symbolique la gauche, le Rassemblement national et une partie du groupe centriste Liot. Objectif : raviver la contestation, alors que la CGT avait prévu une journée de mobilisation. Si vote n’avait pas suffi, les conclusions du COR pourraient bien avoir remis un peu d’huile sur le feu.

Dernières nouvelles

À NE PAS MANQUER