Le président américain, qui considère que l’Union européenne a été « conçue pour entuber » les Etats-Unis, a confirmé mercredi que les produits européens seraient « prochainement » davantage taxés. L’UE a promis de réagir si la mesure est appliquée.
Donald Trump poursuit la mise en application de la politique protectionniste qu’il a défendue durant sa campagne électorale. Le président américain, qui a estimé mercredi 26 février que l’Union européenne a été « conçue pour entuber » les Etats-Unis, a confirmé que les produits européens feraient bien, eux aussi, l’objet « prochainement » d’une hausse des droits de douane. L’UE a assuré en retour qu’elle réagirait « fermement et immédiatement » à de nouvelles taxes qui pourraient toucher directement plusieurs secteurs et mettre à mal, à terme, l’économie mondiale. Franceinfo décrypte cette nouvelle annonce de la Maison Blanche et ses possibles conséquences en quatre questions.
1 Qu’est-ce que Donald Trump a annoncé ?
Le président américain a annoncé que les droits de douane des produits en provenance d’Europe augmenteraient « prochainement », à l’occasion de la première réunion de son cabinet à la Maison Blanche, mercredi à Washington. « Nous avons pris la décision, et nous l’annoncerons prochainement, ce sera 25% », a-t-il ainsi déclaré, sans préciser si tous les produits seront désormais taxés à un taux fixe de 25% ou si une surtaxe de 25% s’ajoutera aux taxes déjà existantes. Selon Antoine Bouët, directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii), c’est la deuxième option qui s’appliquerait. « Les voitures, actuellement taxées à 2,5%, passeraient ainsi à 27,5%. Tout coûtera plus cher sur le marché américain, et cela risque d’entraîner une baisse des exportations européennes », synthétise le professeur d’économie à l’université de Bordeaux.
Les droits de douane, qui varient d’un produit à l’autre, avoisinent en moyenne « les 1% » entre les Etats-Unis et l’UE, selon la Commission européenne(Nouvelle fenêtre). En 2023, ils ont rapporté 7 milliards d’euros aux Etats-Unis et 3 milliards à l’UE. Pour justifier cette mesure, dont il avait déjà menacé les Européens durant sa campagne électorale et depuis son investiture en janvier, Donald Trump a multiplié ses griefs à l’encontre de l’UE, estimant notamment que les pays européens « n’acceptaient pas [leurs] voitures ou [leurs] produits agricoles ».
« Ils profitent de nous d’une manière différente » du Canada ou du Mexique, a accusé le président américain, qui estime que l’UE a été « conçue pour entuber » les Etats-Unis. Donald Trump n’a pas donné plus de précisions sur l’entrée en vigueur de cette mesure ni sur les modalités de ces taxes. S’ils sont bien appliqués, ces droits de douane correspondraient au niveau auquel les produits en provenance du Canada et du Mexique seront taxés à partir de début avril.
2 Pourquoi veut-il taxer davantage les produits européens ?
Pour justifier cette mesure, le président américain a affirmé que le déficit commercial américain vis-à-vis de l’Europe était de « 300 milliards de dollars [288 milliards d’euros]« , une affirmation contestée par la Commission européenne(Nouvelle fenêtre), qui l’estime à 150 milliards d’euros au total. En réalité, cette stratégie s’inscrit dans la politique protectionniste menée par Donald Trump depuis son investiture. Elle s’est déjà matérialisée par une augmentation des droits de douane de 20% sur les produits chinois, de 25% pour le Mexique et le Canada, une surtaxe sur l’acier et l’aluminium ainsi que la mise en place de droits de douane réciproques sur toutes les importations américaines.
Si cette politique vise à résorber le déficit commercial des Etats-Unis et protéger les producteurs américains de la concurrence étrangère, elle comporte d’autres objectifs. « Donald Trump veut aussi imposer ces droits de douane de manière massive à des fins politiques. On est entrés dans une phase de coercition économique », expliquait mi-février sur RFI(Nouvelle fenêtre) Elvire Fabry, chercheuse à l’Institut Jacques Delors et spécialiste de la politique commerciale européenne.
Le président de la première puissance mondiale « essaie de faire pression sur les Européens afin d’obtenir des concessions, notamment en baissant les droits de douane sur les exportations de voitures américaines actuellement taxées à 10% par l’UE, ou en augmentant leurs achats de produits américains, analyse l’économiste Antoine Bouët. Il essaie aussi de diviser les Européens, en misant sur le fait que les Allemands [qui exportent beaucoup de voitures] vont empêcher une guerre commerciale en freinant les désirs de représailles européens. »
3 Quelles pourraient être les conséquences de cette décision ?
La mise en application de ces droits de douane largement rehaussés pourrait peser lourd pour l’Union européenne, dont les échanges de biens et de services avec les Etats-Unis ont atteint 1 540 milliards d’euros en 2023(Nouvelle fenêtre). Une étude du Cepii(Nouvelle fenêtre) parue en novembre a calculé qu’une hausse générale des taxes décidée par Donald Trump entraînerait une « guerre commerciale mondiale en 2025 » et une diminution du produit intérieur brut (PIB) mondial de 0,5% à l’horizon 2030. « Cela entraînerait une baisse de 1% du PIB de l’Union européenne si on part de l’hypothèse d’une augmentation des droits de douane de 25% pour tous les produits, ce qui équivaudrait à 0,5 ou 0,6 point de PIB pour la France et plus d’un point pour l’Allemagne, ce qui est considérable », développe son directeur, Antoine Bouët, co-auteur de l’étude.
Certains secteurs de l’économie européenne pourraient être particulièrement touchés. Parmi eux, les ventes de voitures, qui figurent dans le top 3 des biens que l’UE exporte vers les Etats-Unis(Nouvelle fenêtre) avec les produits médicaux et pharmaceutiques et les médicaments. « En plus des ventes de voitures, les équipementiers automobiles, le secteur des vins et spiritueux ainsi que celui des produits laitiers pourraient aussi souffrir », avance Antoine Bouët. Des représailles de l’UE pourraient aussi avoir des conséquences plus larges sur l’économie européenne mais aussi celle des Etats-Unis, qui représentent à elles deux 43% du PIB mondial. Le président américain a d’ailleurs récemment prévenu que les prix aux Etats-Unis « pourraient augmenter à court terme », alors que l’inflation, pourtant largement dénoncée par le républicain et son camp durant la campagne présidentielle comme étant le résultat de la politique de l’administration Biden, y a atteint 3% en janvier.
4 L’Union européenne va-t-elle riposter ?
Un front s’est immédiatement constitué pour dénoncer les annonces de Donald Trump. La Commission européenne a annoncé, dans un communiqué publié dès mercredi soir, que l’UE réagira « fermement et immédiatement » à de nouvelles taxes douanières. « L’UE protégera toujours les entreprises, les travailleurs et les consommateurs européens contre les droits de douane injustifiés », a-t-elle affirmé, estimant également que la construction européenne a été une « aubaine » pour les Etats-Unis.
« En créant un marché unique vaste et intégré, l’UE a facilité les échanges, réduit les coûts pour les exportateurs américains et harmonisé les normes et les réglementations dans 27 pays », a également rappelé la Commission européenne, qui réclame de continuer à « travailler ensemble pour préserver ces opportunités pour nos citoyens et nos entreprises. Pas l’un contre l’autre ». « Il est clair que si les Américains maintiennent des hausses de droits de douane, ce qui était annoncé par le président Trump, l’UE fera de même », a de son côté prévenu sur X(Nouvelle fenêtre) le ministre de l’Economie, Eric Lombard. « Même si c’est défavorable à l’intérêt général, nous devons, nous aussi, protéger nos intérêts et les intérêts des pays de l’Union. »