Quand une société liée à Pékin investit massivement dans la cryptomonnaie de Trump
Quand une société liée à Pékin investit massivement dans la cryptomonnaie de Trump

Quand une société liée à Pékin investit massivement dans la cryptomonnaie de Trump

20.05.2025
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Une petite société à l’activité très réduite du Nevada, a annoncé, mardi 13 mai, un investissement de 300 millions de dollars dans des cryptomonnaies, dont celle de Donald Trump. Personne ne sait d’où viennent les fonds de GD Culture, mais tous les regards sont tournés vers la Chine. 

Abracadabra ! Elle a sorti 300 millions de dollars d’on ne sait trop où pour investir dans des cryptomonnaies dont celle de Donald Trump. La société GD Culture Group, liée à la Chine et installée au Nevada, a confirmé, mardi 13 mai, son intention d’acquérir massivement des « bitcoins et des Trump coin ».

Cette entreprise n’est pas la première à miser sur le mèmecoin, un type de devise dématérialisée dont la valeur repose essentiellement sur sa viralité en ligne. Trois jours avant son investiture, le président américain a ainsi lancé le $TRUMP, décrit par les détracteurs de Donald Trump comme un moyen de s’acheter de l’influence auprès du locataire de la Maison Blanche. Donald Trump a même invité à un dîner à la Maison Blanche, prévu le 22 mai, les plus généreux donateurs à sa crypto-cause.

Un mèmecoin qui vaut 300 millions de dollars ?

Parmi les sociétés qui soutiennent le « Trump Coin », GD Culture Group ressort du lot. Personne ne sait où cette petite société née en janvier 2023 et comptant seulement huit employés a trouvé 300 millions de dollars et à quel point le pouvoir chinois est lié ou non à cette généreuse contribution. Le mèmecoin de Donald Trump est, en effet, géré par deux entités – CIC Digital LLC et Fight Fight Fight LLC – liées à la Trump Organization, la holding de la famille du président américain.

Sur le papier, la société GD Culture Group est spécialisée dans la création de campagnes marketing et de publicités sur les réseaux sociaux et plus spécifiquement sur TikTok. Mais elle n’a enregistré aucun chiffre d’affaires pour 2024, souligne le New York Times, qui a été le premier à s’intéresser à cette affaire. Le Nasdaq, l’indice boursier des valeurs technologiques à New York, a averti GD Culture Group, en avril, que l’entreprise risquait d’être boutée hors de la Bourse américaine en raison d’un manque de capitaux propres.

Autrement dit, GD Culture Group a réussi l’exploit de lever 300 millions de dollars sans avoir rien à montrer en échange. « C’est étonnant qu’une entreprise ayant une activité aussi réduite puisse rassembler une telle somme. Généralement, il faut pouvoir promettre quelque chose en retour aux investisseurs », observe Nathalie Janson, économiste et spécialiste des cryptomonnaies à la Neoma Business School.

Difficile aussi de savoir qui a accepté de fournir ces fonds à GD Culture Group pour investir dans les cryptomonnaies. L’opération s’est faite à travers une entité sise aux îles Vierges britanniques, un territoire d’Outre-mer britannique dans les Caraïbes souvent désigné comme un paradis fiscal. C’est surtout une juridiction qui permet de dissimuler efficacement l’identité réelle des propriétaires de sociétés installées sur place, assure Transparency International, une ONG de luttre contre l’évasion fiscale.

Dans sa déclaration officielle aiuprès de la SEC (Security and Exchange Commission, le gendarme nord-américain de la Bourse), GD Culture Group se contente d’indiquer qu’un « investisseur accrédité » des Îles Vierges britanniques avait accepté d’acheter pour 300 millions de dollars des actions de la société du Nevada.

Des liens avec la Chine

Cet investissement dans les « Trump Coin » vient-il de Chine ? Le New York Times et d’autres médias anglo-saxons assurent, en effet, que GD Culture Group représente « le premier exemple connu d’une entreprise liée à la Chine achetant le mèmecoin » du président américain. GD Culture Group se montre transparent sur ses liens des deux côtés du Pacifique : elle se présente comme une « société du Nevada, exerçant ses activités aux États-Unis et en Chine ».

L’une des filiales de GD Culture Group – Xianzhui Technology Co – est basée à Shanghai. « Le gouvernement chinois peut intervenir ou influencer les opérations » de cette société, a même reconnu GD Culture Group dans ses derniers documents financiers, rendus public en mars 2025.

Ce ne sont pas les seuls liens que cette société du Nevada entretient avec la super-puissance asiatique. GD Culture Group a, en effet, eu de multiples vies avant de prendre ce nom en 2023. À l’origine, elle s’appelait JM Global Holding Company, une société du Delaware fondée en 2016 et dirigée par un Chinois qui a acquis une autre entreprise dont l’activité principale – le traitement des déchets – était exercée en Chine. En 2018, elle va fusionner avec TMSR Holding Company, dont une partie importante des revenus venaient de mines en Chine.

Quel rapport avec les cryptomonnaies ? Il faudra attendre 2020 et un nouveau changement de nom pour se rapprocher davantage du numérique. Cette année-là, TMSR Holding Company devient Code Chain New Continent Limited, une société à l’activité très diversifiée. Elle s’est occupée aussi bien de la gestion de déchets industriels en Chine, du négoce de charbon et d’acier… que de la création d’un jeu vidéo baptisé Wuge Manor.

GD Culture Group, qui prend le relais en 2023, met encore davantage l’accent sur le numérique avec la création d’une filiale américaine, AI Catalysis, spécialisée dans la création de vidéo assistée par intelligence artificielle pour les réseaux sociaux. La filiale chinoise Xianzhui Technology Co., s’occupe du « développement et du support technique pour des humains digitaux », d’après des documents envoyés à la SEC. Pour le New York Times, il s’agit essentiellement de créer des avatars en ligne.

S’acheter de l’influence

Dans ce contexte, la diversification dans les cryptomonnaies pourraient sembler naturelle ? « S’il s’agissait d’investissements seulement dans des actifs tels que le bitcoin ou l’ethereum, cela pourrait être une stratégie, mais ce n’est pas le cas avec les mèmecoins Trump. On en achète soit parce qu’on est fan de Donald Trump et que l’on veut avoir des ‘goodies’ numériques de lui ou alors pour s’acheter de l’influence », résume Nathalie Janson.

Peu après l’annonce de cet investissement, une autre société chinoise a suivi l’exemple de GD Culture Group. Addentax, une entreprise spécialisée dans le textile basée à Shenzen, semble également très intéressée par les « bitcoins et autres cryptomonnaies comme le Trump Coin », puisqu’elle a affirmé, jeudi 15 mai, vouloir en acheter pour 800 millions de dollars. « Au moins avec ces mèmecoins, ces fonds liés à la Chine sont transférés très publiquement à des structures qui bénéficient à Donald Trump », conclut Nathalie Janson.

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