Publicité, sensibilisation, pénalités... Ce que souhaite changer (ou pas) la proposition de loi pour lutter contre la fast-fashion
Publicité, sensibilisation, pénalités... Ce que souhaite changer (ou pas) la proposition de loi pour lutter contre la fast-fashionFrance, 2024-03-14. Illustration fast fashion, mode ephemere ou mode express. Shein est un detaillant chinois de mode en ligne connue pour ses vetements bon marche fabriques en Chine. Photographie par Jean-Marc Barrere / Hans Lucas.

Publicité, sensibilisation, pénalités… Ce que souhaite changer (ou pas) la proposition de loi pour lutter contre la fast-fashion

02.06.2025
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Les géants Shein et Temu dans le viseur du législateur. Pour lutter contre la fast-fashion, cette mode « éphémère » voire « jetable », expédiée à prix cassés depuis la Chine, le Sénat examine, lundi 2 et mardi 3 juin, la proposition de loi visant à « réduire l’impact environnemental de l’industrie textile ». Adopté en mars 2024 à l’Assemblée, le texte doit désormais être soumis au vote des sénateurs le 10 juin. C’est « une loi très importante », a fait valoir la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, rappelant que le gouvernement veut mettre « un coup d’arrêt au développement de l’ultra fast-fashion ».

« Ce n’est pas cette proposition de loi et ses sept articles qui vont reverdir l’ensemble de la filière française, on le sait », a reconnu la sénatrice Sylvie Valente Le Hir, rapporteuse du texte au Sénat, lors d’une conférence de presse. Mais « ce texte nous permettra de mettre un frein à ces géants chinois qui nous envahissent », a poursuivi l’élu des RépublicainsLes associations, elles, dénoncent une proposition de loi « essentielle », mais « largement affaiblie en commission sénatoriale et sous la pression des lobbies », selon les mots de la coalition Stop fast-fashion, qui rassemble quatorze associations environnementales et des droits humains.

Fin mai, le porte-parole de Shein France, Quentin Ruffat, a de son côté déploré sur franceinfo « une loi anti-Shein », faisant valoir que l’entreprise « n’est pas responsable de l’ensemble de l’empreinte écologique de l’industrie textile en France et dans le monde » et regrettant que la proposition de loi ne soit pas élargie à l’ensemble des acteurs du secteur. La marque a en outre commandé un rapport dans lequel elle dénonce ce texte et les arguments mis en avant par ceux qui le défendent. L’étude de 37 pages, que s’est procurée France Inter, a été envoyée à tous les parlementaires. Franceinfo vous résume ce que contient cette proposition de loi examinée au Sénat.

Une définition de ce qu’est la fast-fashion

La proposition de loi s’attarde dans un premier temps à définir la fast-fashion au travers de plusieurs éléments : les volumes fabriqués, d’abord, avec une attention apportée sur le « nombre de nouvelles références » ou « de références différentes » proposée par une plateforme ; la vitesse de renouvellement, ensuite, qui consiste « à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires », ou encore la « faible durée de commercialisation » des produits.

« La proposition de loi ne cite pas de seuils », déplore Pierre Condamine, chargé de campagne sur la surproduction aux Amis de la Terre, membre du collectif Stop fast-fashion. « Ils devraient être définis par décret, mais ils pourraient n’être jamais pris, très en retard ou alors dans l’ombre d’un ministère, où les lobbys sont puissants », redoute-t-il. Par ailleurs, il critique l’absence de critère environnemental dans cette définition. Le militant juge ainsi « impensable d’avoir une loi qui s’appelle ‘impact environnemental de l’industrie textile’ et qui n’en contient aucun ».

Une obligation de sensibiliser les clients

Si la loi est adoptée, les entreprises visées par le texte auront l’obligation de sensibiliser les consommateurs. Ces derniers devront trouver, sur ces plateformes, « des messages encourageant la sobriété, le réemploi, la réparation, la réutilisation et le recyclage des produits et sensibilisant à leur impact environnemental », détaille la proposition de loi. Des informations qui devront être affichées « de manière claire, lisible et compréhensible » près du prix de l’article recherché.

Car « l’industrie textile génère de multiples impacts négatifs sur l’environnement : émissions de gaz à effet de serre, pollution de l’air, de l’eau et des sols, contribution à la déforestation et atteinte à la biodiversité », liste l’Agence de la transition écologique (Ademe) sur son site. En Europe, selon elle, la consommation de textiles est la quatrième source d’impacts sur l’environnement et le changement climatique.

L’Ademe cite l’exemple de la livraison des produits issus de la fast-fashion : « Pour répondre rapidement aux commandes, les vêtements de l’ultra fast-fashion sont essentiellement transportés par avion (et non par bateau) ». « Or, relève l’Ademe, le transport en avion d’un tee-shirt produit au Bangladesh génère quatorze fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que son transport par bateau. »

Un renforcement des sanctions pour les plateformes

La proposition de loi prévoit également des pénalités financières, afin de rendre les prix cassés de ces plateformes moins attractifs. Mais la méthode pour calculer ce malus fait débat. A l’Assemblée, le texte porté par la députée Anne-Cécile Violland (Horizons) proposait un malus indexé sur l’affichage environnemental d’un vêtement. Il dépend désormais de critères moins précis : selon l’amendement approuvé en commission sénatoriale, le malus se baserait sur la « durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des entreprises »

Une modification assumée par la majorité sénatoriale, une alliance de la droite et du centre, afin de cibler les plateformes de vente asiatiques et d’épargner la filière du prêt-à-porter implantée en France, en pleine crise. « Nous devons préserver les enseignes que nous avons sur le territoire. (…) Elles sont importantes pour les Français », défend Sylvie Valente Le Hir. L’élue des Républicains explique vouloir protéger les enseignes comme Kiabi de la « concurrence déloyale » des plateformes de fast-fashion : « Nous avons déjà eu la perte de Camaïeu, c’est regrettable. »

Pour Pierre Condamine, le danger est toutefois de rendre la loi « tellement floue que même Shein et Temu pourraient y échapper. Ils sont capables d’évoluer très vite. Dans six mois, ils ne seront plus concernés ». Le membre du collectif Stop fast-fashion dénonce aussi « l’hypocrisie » d’exclure les entreprises implantées en France de la loi. « C’est hypocrite de dire qu’on veut préserver l’économie locale alors que ces marques produisent à l’autre bout du monde dans des conditions désastreuses », estime-t-il.

Une interdiction de la publicité limitée aux influenceurs

Autre changement : le texte voulait interdire totalement la publicité pour les produits issus de la fast-fashion. Mais le volet a été supprimé lors de son passage en commission sénatoriale, cette dernière arguant une « entrave à la liberté d’entreprendre ». La loi ne réglementera plus que la publicité réalisée par les influenceurs sur les réseaux sociaux, principal relais des géants de la mode Shein et Temu.

Selon la rapporteuse Sylvie Valente Le Hir, l’interdiction totale de la publicité ne serait, dans tous les cas, pas applicable. « Si on restaure cette proposition d’interdire la publicité totalement, on partira au Conseil constitutionnel », avance-t-elle. Mais le gouvernement, favorable à une interdiction stricte de la publicité, souhaite réintroduire cette mesure, soutenue par la gauche.

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