Longtemps critiqué pour ses performances en dents de scie et sa maladresse dans la zone décisive, Ousmane Dembélé réalise une saison exceptionnelle avec le Paris Saint-Germain. Au point de se poser en favori du Ballon d’or en cas de victoire samedi face à l’Inter en finale de la Ligue des champions.
À son arrivée au PSG, qui aurait pu prédire qu’il serait deux ans plus tard l’un des prétendants au titre de meilleur joueur du monde ? Diamant brut du football français, Ousmane Dembélé a connu une carrière en pointillé, jalonnée de blessures et de performances inégales. Mais à la veille de la finale de la Ligue des champions, le Normand semble prêt à tenir les promesses de son incroyable talent.
Replacé dans l’axe par Luis Enrique, l’ailier de métier a su profiter du départ de Kylian Mbappé, véritable aimant à ballons, pour faire parler la poudre. Avec 33 buts et 13 passes décisives cette saison toutes compétitions confondues avant la finale contre l’Inter, Ousmane Dembélé est devenu l’un des joueurs les plus décisifs d’Europe et une pièce maîtresse de l’armada offensive parisienne.
Ce nouveau statut provoque une surprise tant l’international tricolore a pu décevoir par le passé. Pour de nombreux entraîneurs qui l’ont côtoyé, le garçon reste une énigme. Capable d’éclairs de génie, il peut aussi réaliser une bourde monumentale sur l’action suivante.
Doté d’une technique fulgurante grâce à son aptitude à utiliser indifféremment ses deux pieds, il connaît des moments de déconcentration incompatibles avec le très haut niveau et pêche trop souvent dans la finition. Une maladresse qui pendant longtemps l’a condamné à jouer les seconds rôles.
Une ascension précoce
Né le 15 mai 1997 d’un père d’origine sénégalaise et d’une mère mauritanienne, Ousmane Dembélé grandit dans un quartier populaire des Andelys puis à Evreux en Normandie. Obsédé du ballon rond, il fait ses premiers pas avec l’ALM Evreux avant de rejoindre Evreux FC, son club de cœur au sein duquel il reste une figure très appréciée. En 2023, il a notamment fait un don de 100 000 euros au club qui connaissait alors des difficultés financières.
À 13 ans, il rejoint le Stade Rennais, où il fera toute sa formation. Lassé d’attendre que le club lui propose un contrat pro, il s’apprête à quitter la Bretagne. D’autant que Salzbourg, Manchester City et Benfica sont tous prêts à miser sur le jeune prodige. In extremis, il finit par signer son premier contrat professionnel avec son club formateur.
La Ligue 1 découvre en novembre 2015 avec bonheur ce phénomène au sourire ravageur et à l’ attitude un brin nonchalante. Il n’a que 18 ans et sa première saison dans l’élite est une réussite. Élu meilleur espoir de la saison avec 12 buts et 5 passes décisives en 25 matches, il finit également meilleur buteur parmi les joueurs de moins 20 ans évoluant dans les cinq grands championnats européens.
Inutile de dire que les grandes écuries se penchent rapidement sur son cas. Ce sera Dortmund qui remportera la mise. À quelques jours de ses 19 ans, le joueur signe un contrat de cinq ans avec le vice-champion d’Allemagne, qui a déboursé 15 millions d’euros pour le recruter.
La Coupe d’Allemagne, son premier trophée
En septembre 2016, l’attaquant honore également sa première sélection en équipe de France lors d’un match amical contre l’Italie, puis il fait ses débuts en compétition officielle dans le cadre des qualifications pour le Mondial-2018. Timides et maladroites, ses premières prestations sont loin d’être mémorables.
En revanche, en Allemagne, le milieu offensif continue d’enchanter le « mur jaune » de Dortmund. Avec 10 buts et 21 passes décisives pour sa première année, Ousmane Dembélé réussit une saison pleine en Bundesliga. Face à Francfort, il remporte également le premier titre de sa carrière : la Coupe d’Allemagne. Une rencontre au cours de laquelle il se montre encore décisif en ouvrant le score.
Tous les signaux sont au vert, mais « Dembouz » voit plus grand. Approché par le FC Barcelone, il est encore sous contrat en Allemagne. Cependant, il fait tout pour forcer son transfert, quitte à entamer une grève de l’entraînement. Une attitude de « sale gosse » et une manque de loyauté très mal vécus par le club de la Ruhr, qui le laisse finalement partir contre une somme astronomique : 150 millions d’euros avec les bonus.
Chez les pros depuis seulement un an, Ousmane Dembélé devient ainsi le deuxième plus gros transfert de l’histoire. Arrivé avec l’étiquette de remplaçant du Brésilien Neymar, la pression est énorme sur les épaules du jeune homme de 20 ans.
Fast-food et jeux vidéo
Avec Barcelone, Ousmane Dembélé se construit un joli palmarès avec sept titres, mais brille plus souvent pas son absence que par ses performances sur le terrain. Le joueur enchaîne les blessures graves qui l’éloignent de la compétition. En six ans, il disputera à peine plus de la moitié des matchs des Blaugrana.
La presse espagnole pointe alors du doigt sa mauvaise hygiène de vie. Pourtant, Ousmane Dembélé ne boit pas, ne fume pas et n’écume pas les boîtes de nuit. Lui, préfère des plaisirs plus innocents : manger des fast-food et jouer aux jeux vidéo jusqu’au milieu de la nuit. Pour remédier à la situation, le club décide d’envoyer un cuisinier à domicile pour lui préparer des repas plus équilibrés et l’incite à mieux respecter ses plages de sommeil.
« Ce n’est pas ça qui a fait que je me suis souvent blessé par le passé. Les gens parlent sans savoir, c’est tout. D’ailleurs, aujourd’hui, je suis beaucoup moins blessé. Les kebabs, j’en mange uniquement quand je retourne chez moi à Évreux », s’est justifié le joueur dans une interview accordée à BeIn Sports.
Mais « Dembouz » laisse également un souvenir mitigé pour son indiscipline et une attitude jugée peu professionnelle, à l’image de ses retards à répétition à l’entraînement. Une mauvaise habitude dont il ne s’est pas complètement débarrassé et qui lui a valu d’être récemment écarté du groupe parisien par Luis Enrique avant la première rencontre de Ligue des champions contre Arsenal.
Malgré son apparente désinvolture, ses illustres coéquipiers comme Messi, Suarez ou Piqué sont restés bienveillants envers le jeune Français réputé pour sa bonhomie et son sens de l’humour dans le vestiaire.
Sur les terrains de Liga, il régale aussi par ses accélérations soudaines et ses dribbles chaloupés. Mais ses performances en dents de scie et ses gaffes devant le but crispent les fans, à l’image de cette frappe ratée sur cette offrande de Messi en demi-finale aller de la Ligue des champions contre Liverpool en 2019. Un raté qui laissera un goût amer aux supporters après l’élimination du Barça provoquée par la « remontada » des Reds au match retour à Anfield.
Renaissance parisienne
Entre temps, Ousmane Dembélé a participé sur le banc à l’épopée de l’équipe de France, sacrée championne du monde en Russie en 2018. Quatre ans plus tard, il se hisse en finale de la Coupe du monde au Qatar avec les Bleus.
Devenu père en septembre 2022, Ousmane Dembélé gagne en maturité et se montre beaucoup plus sérieux devant ses engagements de joueur professionnel. Malgré des années difficiles au Barça, son entraîneur, Xavi, ne tarit pas d’éloges sur lui.
« J’ai déjà dit à de nombreuses reprises que, pour moi, il a le potentiel d’être le meilleur au monde à son poste. Il fait des différences en un contre un. J’ai confiance en lui et il répond à cette confiance », expliquait l’ancien capitaine des Blaugrana en juillet 2023.
Mais le choix de « Dembouz » est déjà fait. Après des années d’expatriation, l’heure du retour en France a sonné. Il signe en août 2023 avec le PSG pour cinq ans. Totalement muet devant le but lors de sa première saison parisienne, Ousmane Dembélé séduit toutefois par son implication sur le terrain. Sous les ordres de Luis Enrique, il gagne en confiance et en discipline, mais n’inscrit que cinq buts en 37 matchs.
Cependant, le travail finit par payer et la saison actuelle est un récital, la plus belle de sa carrière. Ousmane Dembélé se montre toujours aussi virevoltant, mais il ajoute la flèche qui manquait à son arc : l’efficacité. Comme à Stuttgart, le 29 janvier, où il réussit un triplé clinique, profitant de son replacement en faux numéro 9, expérimenté par Luis Enrique depuis décembre. Trois jours plus tard, rebelote en Ligue 1 avec trois buts plantés face à Brest.
Métamorphosé, le néo buteur peut se targuer de 33 réalisations, dont huit en Ligue des champions. Mais avant la finale de samedi, un doute s’installe. En perte de vitesse depuis un mois, l’imprévisible Dembélé sera-t-il au rendez-vous de cette rencontre historique face à l’Inter ?
Au-delà des buts, le joueur sera une pièce maîtresse pour faire sauter le verrou de la défense italienne, la plus solide de la compétition. Après des années d’un yoyo incessant entre le meilleur et le pire, beaucoup espèrent que l’énigme Dembélé est définitivement résolue.