Le 28 septembre, les autorités tchèques ont confirmé qu’elles enquêtaient sur plusieurs centaines de comptes frauduleux sur le réseau social TikTok, soupçonnés de liens avec la Russie et d’une tentative d’influencer les élections législatives prévues les 3 et 4 octobre. Selon le portail Deník N, ces profils diffusent massivement du contenu prorusse, hostiles à l’Union européenne et à l’OTAN, et favorisant des partis populistes comme SPD (« Liberté et démocratie directe ») et Stačilo! (« Assez ! »).
Une opération coordonnée et automatisée
Les experts du Centre tchèque pour l’étude des risques en ligne ont identifié près de 300 comptes interconnectés. Ces profils fonctionnent de manière automatisée : lorsqu’une vidéo est publiée, d’autres comptes liés interagissent immédiatement, ce qui accroît artificiellement la visibilité des contenus jusqu’à atteindre des millions de vues par semaine. Les signes de robotisation incluent des erreurs fréquentes dans la langue tchèque, ainsi que des bascules vers d’autres langues ou thèmes. Les autorités estiment que ce réseau fait partie d’une véritable « usine à trolls » visant à manipuler l’opinion publique.
Les enjeux politiques des législatives
Les élections législatives pourraient modifier l’équilibre politique en République tchèque. Les sondages placent en tête le parti d’opposition ANO, dirigé par l’ancien Premier ministre Andrej Babiš, suivi de la coalition au pouvoir Spolu, menée par le Premier ministre Petr Fiala. Si ANO l’emporte, Babiš pourrait former un gouvernement avec le soutien de partis populistes comme SPD. Le dirigeant a déjà critiqué à plusieurs reprises le coût élevé du soutien à Kiev et promis d’interrompre l’initiative européenne de livraison d’obus à l’Ukraine. Une telle orientation rapprocherait la politique étrangère tchèque des intérêts russes.
Une stratégie russe visant la jeunesse et les clivages
Pour le Kremlin, l’objectif ne se limite pas à accroître le poids des partis antisystème. La campagne cherche aussi à saper la confiance dans les institutions démocratiques, semer le chaos dans le débat public et diviser la société tchèque. L’utilisation de TikTok cible particulièrement les jeunes électeurs, dont le vote pourrait s’avérer décisif. Les experts soulignent que ces méthodes rappellent les campagnes de désinformation déjà observées en Europe et aux États-Unis, où Moscou a exploité Facebook, Telegram ou X pour propager des récits mensongers, allant des accusations de corruption à des théories conspirationnistes.
Coopération avec l’Union européenne et nécessité de contre-mesures
Face à cette menace, l’Autorité tchèque des télécommunications (ČTÚ) est en discussion avec TikTok et les institutions européennes. Le gouvernement de Prague échange également avec la Commission européenne sur les moyens de renforcer la cybersécurité et d’élaborer une stratégie commune contre les opérations d’influence russes. Les experts mettent en garde : si ces réseaux de bots ne sont pas neutralisés rapidement, ils pourraient servir de précédent pour des ingérences plus massives lors de futures échéances électorales en Europe.
