Pourquoi la colère gronde de nouveau chez les agriculteurs
Pourquoi la colère gronde de nouveau chez les agriculteurs

Pourquoi la colère gronde de nouveau chez les agriculteurs

15.11.2024
3 min de lecture

Le traité de libre-échange entre l’UE et le Mercosur cristallise le mécontentement des agriculteurs, également mobilisés sur la question des revenus. De nouvelles mobilisations d’ampleur sont prévues.

Dix mois après les manifestations du début de l’année, le feu couve à nouveau dans le monde agricole. La perspective d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Paraguay, Uruguay, Brésil, Argentine et Bolivie) cristallise la colère. Mais les agriculteurs, qui entendent faire pression sur le gouvernement pour qu’il respecte les engagements pris pendant la crise agricole, comptent aussi manifester pour des revenus plus décents.

Le président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Arnaud Rousseau, a lancé mercredi 13 novembre un appel à une mobilisation nationale des agriculteurs « à partir de lundi », au moment du G20 au Brésil, où l’accord avec le Mercosur sera évoqué. La Coordination rurale entend se mobiliser à partir du 19 novembre, date de son congrès national. Pour la Confédération paysanne, les mobilisations ont commencé dès mardi. Franceinfo fait le point sur l’acte II de la crise agricole.

La crainte d’un accord avec le Mercosur

De l’aveu de tous les syndicats, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur agglomère toutes les tensions. Les discussions, engluées depuis 2019, ont repris depuis quelques mois. Le patron de la FNSEA, syndicat majoritaire chez les agriculteurs, a cité comme « une ligne écarlate » la possible adoption de cet accord commercial controversé. « On sera sur les ronds-points et boulevards d’Europe pour dénoncer cette incohérence européenne déclenchée par l’annonce du Mercosur », a, lui, promis sur RTL(Nouvelle fenêtre) Pierrick Horel, président du syndicat Jeunes Agriculteurs, allié avec la FNSEA.

Même ligne du côté de la Coordination rurale. « Le Mercosur, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. On ne veut pas qu’il soit signé, et on souhaite que Monsieur Macron se positionne clairement sur ce sujet », explique à franceinfo Patrick Legras, le porte-parole de ce syndicat connu pour ses actions musclées.

Cet accord, qui prévoit d’accroître les échanges commerciaux entre les deux marchés communs en supprimant de nombreuses taxes, doit faciliter l’accès au marché européen aux pays du Mercosur. Il doit notamment permettre aux pays sud-américains d’exporter vers l’Europe quelque 99 000 tonnes de viande bovine bénéficiant de droits de douane à 7,5%. Si la France s’oppose à cet accord, ce n’est pas le cas de tous les pays européens, ce qui inquiète les syndicats. La Confédération paysanne, qui a commencé à se mobiliser dès mardi, sera mercredi à Paris et à Bruxelles pour protester contre l’accord.

Les revenus, un sujet toujours prioritaire

Comme sur l’accord avec le Mercosur, les syndicats sont unanimes quant à l’urgence d’agir sur le revenu des agriculteurs. La FNSEA, la Coordination rurale et la Confédération paysanne, qui ont déjà mené des actions localement en octobre, entendent mettre la pression sur le gouvernement. Lors de la crise agricole, Gabriel Attal avait pris une soixantaine d’engagements. Certaines mesures sont actuellement discutées au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2025 et du budget de la Sécurité sociale.

Si Emmanuel Macron avait annoncé l’instauration de prix planchers dans chaque filière pendant le Salon de l’agriculture, la Confédération paysanne juge que « les causes profondes de la crise n’ont pas été traitées. Après ces annonces, il ne s’est rien passé de manière structurelle, et cela a même empiré pour les agriculteurs avec Lactalis qui a rompu des contrats », déplore auprès de franceinfo sa porte-parole, Laurence Marandola. « Les déclarations, les intentions, cela ne mord plus. On veut du concret », a récemment déclaré Arnaud Rousseau, le patron de la puissante FNSEA, sur France Bleu Roussillon(Nouvelle fenêtre), alors que le projet de loi d’orientation agricole a été suspendu en raison de la dissolution.

Une succession de crises

L’année 2024 a été marquée par une série de crises sanitaires et d’aléas climatiques. Ces derniers mois, les élevages ont été touchés par plusieurs épizooties : la grippe aviaire, dont le niveau de risque a récemment été relevé de « modéré » à « élevé », la maladie hémorragique épizootique chez les bovins et la fièvre catarrhale ovine, qui a décimé de nombreux troupeaux. « On n’a pas de solution pour la gestion des risques sanitaires », déplore Laurence Marandola, alors que le gouvernement avait annoncé, début octobre, des prêts garantis et 75 millions d’euros pour les éleveurs de brebis touchés par la fièvre catarrhale.

Les viticulteurs et les céréaliers ont, eux, subi une année de mauvaises récoltes en raison des conditions particulièrement pluvieuses du printemps et de l’été. « Avec la mauvaise année [climatique] et les problèmes sanitaires, entre 40 et 45% des agriculteurs sont en difficulté », estime ainsi Patrick Legras, de la Coordination rurale. Son syndicat a déjà prévenu : sa mobilisation « va être plus importante » qu’au début de l’année, où ses adhérents avaient notamment mené une action coup de poing à proximité de l’Arc de triomphe, à Paris.

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