Philippe Étienne : "L'échec revient à l'Iran et aux États-Unis, et non aux Européens" - Analyse du conflit Israël-Iran.

Philippe Étienne : « L’échec revient à l’Iran et aux États-Unis, et non aux Européens » – Analyse du conflit Israël-Iran.

20.06.2025 18:43
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Alors que les tensions militaires entre Israël et l’Iran continuent d’intensifier, nous accueillons l’ambassadeur de France, Philippe Étienne, ayant exercé dans des postes clés à Washington, Moscou, Berlin et auprès de l’Union européenne. L’État israélien a mené des frappes contre l’Iran, qu’il considère comme une menace existentielle en raison de son programme nucléaire. Plusieurs officiers iraniens ont été tués lors de ces premières offensive, et la riposte de l’Iran a été immédiate. Les bombardements israéliens se poursuivent, accompagnés de réactions militaires de l’Iran, rapporte TopTribune.

Philippe Étienne met en avant la dangerosité de l’Iran, la qualifiant de « menace pour la stabilité régionale, surtout pour Israël » et « même pour l’Europe sur le plan balistique ». Il rappelle que les Européens, et notamment la France, ont toujours pris une position ferme face à l’Iran, tout en étant à l’initiative des discussions diplomatiques concernant le nucléaire iranien dès les années 2000, notamment via le groupe E3, comprenant l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Selon l’ambassadeur, les Européens ne doivent pas être tenus responsables de l’échec des pourparlers. « Ce n’est pas notre faute, c’est l’Iran et les États-Unis qui ont rompu l’accord », déclare-t-il, faisant référence au retrait des États-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien lors du mandat de Donald Trump, qui avait été une promesse de campagne du président américain.

« Un kaléidoscope de positions » sur la question de Palestine

Israël continue également ses attaques sur Gaza, faisant état de nombreuses victimes cette semaine, surtout lors de distributions d’aide humanitaire, selon les rapports de la Défense civile. Philippe Étienne estime que l’Union européenne doit réfléchir à son rôle pour faciliter la reprise de l’aide humanitaire à Gaza.

Cependant, il reconnaît qu’il n’existe pas d’unité au sein de l’Union européenne quant à la question des relations avec Israël. « La question palestinienne est l’un des sujets où les divergences sont les plus marquées dans l’UE, en raison de sensibilités historiques et géopolitiques. » Certains pays, comme l’Allemagne, soutiennent fermement Israël, tandis que d’autres, comme l’Irlande et l’Espagne, ont reconnu l’État de Palestine. L’ambassadeur conclut que « l’approche est un kaléidoscope de positions; il est crucial de travailler vers une ligne et une action communes. »

Moscou, qui avait déjà échoué à prévenir l’effondrement du régime de Bachar al-Assad en Syrie, peine à soutenir son allié iranien dans ce conflit avec Israël. « C’est sans aucun doute un affaiblissement de la Russie dans cette région stratégique », estime Philippe Étienne, qui voit cela comme un recentrage des priorités pour Vladimir Poutine.

Un désengagement américain en Ukraine ?

Philippe Étienne souligne que l’essentiel des efforts de la Russie se concentre actuellement sur l’Ukraine. « Le président russe profite de l’attention des Occidentaux qui se polarise sur le Moyen-Orient; il est donc crucial de convaincre l’administration américaine de maintenir un soutien constant sur plusieurs fronts pour aider les Européens à soutenir l’Ukraine, que ce soit en termes financiers ou militaires. »

D’ailleurs, les Européens commencent à augmenter leur soutien à l’Ukraine pour compenser un éventuel désengagement américain, laissant entendre que « dans une certaine mesure, ils peuvent assumer certains rôles des Américains ». Toutefois, en termes de capacité de production d’armements, l’Europe est en pleine transition, ce qui prendra du temps avant de devenir autonome.

Construction d’une « fusée de la défense européenne »

La Commission européenne a récemment proposé un cinquième paquet Omnibus, axé spécifiquement sur la défense européenne, à partir duquel près de 650 milliards d’euros pourraient être mobilisés. Cela permettrait aux pays membres d’augmenter leurs dépenses militaires sans déclencher les procédures de déficit excessif. De plus, 150 milliards d’euros seraient mis à disposition des États membres sous forme de prêts pour des investissements dans leur défense, tout en limitant les achats d’armement extérieur à l’UE et à l’Ukraine.

Philippe Étienne soutient cette politique, affirmant qu’une « préférence européenne » est nécessaire, sinon l’industrie de défense européenne ne pourra pas se développer. « Les armées européennes doivent acheter des matériels produits à coût raisonnable en Europe », insiste-t-il. Le soutien militaire à l’Ukraine est le premier pas vers cette « fusée de défense européenne », même s’il reste des lacunes en termes de capacités militaires que l’Europe doit combler.

En parallèle, la guerre commerciale entre l’UE et les États-Unis crée des inquiétudes à Bruxelles. Donald Trump a reporté la mise en œuvre de droits de douane massifs sur les produits européens, alors que cette échéance approche, les négociations continuent. L’ambassadeur met en garde que si les États-Unis ne s’engagent pas sur des bases raisonnables, « l’Union européenne sera alors contrainte de prendre des contre-mesures ». « C’est une responsabilité des États-Unis qui ont initié ce conflit commercial », conclut-il.

Emission préparée par Isabelle Romero, Agnès Le Cossec, Luke Brown et Perrine Desplats

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