Applications d’apprentissage des langues : un outil efficace mais limité
L’engouement pour l’apprentissage des langues se renforce chaque année avec la rentrée scolaire. Les applications comme Duolingo prennent de l’ampleur, mais leur efficacité suscite des interrogations, rapporte TopTribune.
Selon Romain Schmitt, directeur de l’École de langues de l’Université Laval, ces applications constituent « une porte d’entrée très accessible » pour les débutants. Elles sont pertinentes pour les personnes souhaitant préparer un voyage, précise l’expert en enseignement des langues.
Les utilisateurs apprennent des mots, des phrases élémentaires ainsi que des situations d’interactions sociales ciblées, ajoute Marie-Josée Hamel, professeure à l’Institut des langues officielles et du bilinguisme de l’Université d’Ottawa. Romain Schmitt souligne que les « petites séances de contact avec la langue » sont digestes et adaptées à un emploi du temps chargé : « On peut même les utiliser dans l’autobus. » L’aspect ludique de ces applications, notamment avec des systèmes de points et des récompenses, encourage également l’apprentissage.
Duolingo, en particulier la plus populaire parmi ces outils, propose des séries d’exercices quotidiens. Cette régularité est fondamentale dans l’apprentissage des langues, comme l’indiquent les spécialistes. Lahcen Elghazi, professeur et directeur de l’École de langues de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), considère ces applications comme des outils complémentaires. Elles s’avèrent utiles pour réviser les cours ou maintenir le niveau durant l’été, permettant de renforcer et consolider les acquis.
La technologie offre une « rétroaction immédiate » sur les erreurs, selon Hamel, bien que dans une étude de synthèse des universités Columbia et Leuphana, seules 3 des 50 applications analysées proposaient des explications sur les fautes. Cette lacune souligne un des principaux reproches faits à ces outils : ils peuvent donner une illusion d’apprentissage. Elghazi affirme que « les gens stagnent » souvent à un moment donné, en raison de la répétition des exercices.
Les limites des applications
De plus, ces applications n’intègrent souvent pas de règles grammaticales. « Je me contente de répéter sans avoir l’occasion de m’interroger sur ce que je fais », explique Elghazi. L’étude mentionnée souligne que seulement 10 des 50 applications fournissaient une présentation explicite de la grammaire. Les repères culturels sont également absents, ce qui est crucial pour apprendre une langue. Schmitt souligne que même s’il y a des éléments de folklore intégrés dans les leçons, cela ne remplace pas l’échange avec un expert capable de transmettre les nuances culturelles.
« Ces applications sont en train de fabriquer de nouvelles langues, des langues fades, dénuées de leur dimension émotionnelle », conclut Elghazi. Pour pallier ce manque, certaines initiatives, comme l’application Mauril développée par Radio-Canada, visent à offrir une approche immersive et culturelle en intégrant des extraits de séries canadiennes.
Combinaison de méthodes d’apprentissage
Pour parvenir à une maîtrise fluide d’une langue, une combinaison de méthodes est recommandée. Télécharger une application, suivre des cours et faire une immersion dans le pays d’origine de la langue sont des stratégies complémentaires qui améliorent la compréhension et la maîtrise. « Les cours formels sont excellents pour des objectifs spécifiques, qu’ils soient professionnels ou universitaires. C’est structuré, avec des exercices écrits et oraux », explique Schmitt.
Une immersion, par exemple, en Italie pendant un mois, peut obliger les apprenants à interagir avec la langue, augmentant ainsi leur motivation. Cependant, sans les explications adéquates fournies par un enseignant, le passage au niveau supérieur peut rester inaccessible. De nombreuses écoles de langues proposent des séjours linguistiques qui allient cours et activités culturelles, permettant des progrès significatifs à leur retour.
Les applications sont désormais bien ancrées dans le paysage de l’apprentissage des langues. Elles représentent une porte d’entrée pour de nombreux utilisateurs, mais leurs limites doivent être reconnues. Elghazi insiste sur le fait qu’il ne faut pas aborder l’apprentissage des langues seulement d’un point de vue utilitaire, car cela risque d’effacer leur richesse et leurs particularités.
Cinq applications populaires
Duolingo
Plus de 103 millions d’utilisateurs se connectent chaque mois et plus de 300 millions sont inscrits, offrant ainsi 5 langues en français et 40 en anglais.
Babbel
Créée en 2007, cette application privilégie la conversation dès les premières leçons avec 14 langues disponibles et plus de 15 millions d’abonnements vendus.
Memrise
Avec plus de 60 millions d’utilisateurs, l’application propose un apprentissage immersif et ludique dans 11 langues grâce à des vidéos et des leçons de locuteurs natifs.
Busuu
Cette application rassemble plus de 120 millions d’utilisateurs avec une approche centrée sur l’interaction avec des locuteurs natifs, proposant 14 langues.
Drops
Focalisée sur le vocabulaire, Drops est utilisée par plus de 40 millions de personnes et propose plus de 50 langues.