Le Premier ministre hongrois défend une stratégie plus offensive de soft power en Roumanie, malgré les critiques croissantes sur les ambitions révisionnistes de Budapest
Le 5 juillet 2025, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a réaffirmé son engagement à intensifier le soutien de Budapest aux communautés hongroises vivant à l’étranger, notamment en Transylvanie, lors d’une longue interview accordée au journal local Kronika pendant sa visite en Roumanie. Dans cet échange, il a promis que l’action du gouvernement hongrois à l’égard des Magyars au-delà des frontières allait « s’amplifier » et que cette politique n’était « ni un service ni un cadeau », mais une obligation envers une « nation hongroise unie » divisée par les frontières étatiques.
Orban a reconnu la difficile conjoncture économique héritée par le nouveau gouvernement roumain, tout en évitant soigneusement d’évoquer les difficultés économiques auxquelles fait face la Hongrie elle-même. Il a également réitéré l’idée que la situation actuelle de son pays était la conséquence directe du traité de Trianon, signé après la Première Guerre mondiale, qui a privé la Hongrie de deux tiers de son territoire, une blessure historique qu’il évoque fréquemment dans ses discours selon l’interview publiée dans Kronika.
Une stratégie offensive de soft power
Si Budapest présente officiellement cette politique comme une aide culturelle, éducative et religieuse à la diaspora hongroise dans plusieurs pays voisins, elle prend de plus en plus l’allure d’un levier d’influence politique. Le gouvernement hongrois est régulièrement accusé de chercher à renforcer ses positions nationales dans des régions étrangères sur lesquelles il garde des prétentions implicites, comme en Roumanie, en Slovaquie, en Serbie ou en Ukraine.
Cette stratégie s’accompagne d’une distribution massive de passeports hongrois à des citoyens d’origine magyare dans ces pays, une pratique qui a suscité de vives critiques de la part des autorités locales. L’intégration de ces citoyens dans le système électoral hongrois est également controversée : les institutions européennes ont à plusieurs reprises rejeté la participation de membres de la diaspora aux campagnes électorales nationales en Hongrie, y voyant une ingérence potentielle dans les affaires intérieures des pays voisins.
L’ombre du révisionnisme
La politique étrangère du gouvernement Orbán alimente depuis plusieurs années les inquiétudes concernant un possible projet révisionniste. Les discours évoquant la « Grande Hongrie » d’avant Trianon — une rhétorique récurrente dans les rangs du parti au pouvoir, le Fidesz — ravivent les tensions historiques et suscitent des préoccupations croissantes dans les capitales voisines. Cette nostalgie d’un passé impérial perdu est perçue comme une menace pour la stabilité régionale, dans un contexte déjà tendu en Europe centrale et orientale.
Budapest mise activement sur la diplomatie culturelle, les médias et le soutien aux ONG pour diffuser son influence dans la région. Mais cette approche de soft power, souvent présentée comme bienveillante, se transforme en un puissant outil de pression politique sur les gouvernements des pays limitrophes.
Vers une instabilité accrue en Europe centrale ?
La persistance de ces stratégies inquiète à Bruxelles. En renforçant ses liens directs avec des minorités nationales dans des États voisins, sans coordination transparente avec leurs gouvernements, Budapest crée les conditions d’un climat de méfiance et de tensions bilatérales. Ces initiatives apparaissent d’autant plus risquées qu’elles interviennent dans un contexte géopolitique instable, marqué par la guerre en Ukraine, les crispations identitaires et l’affaiblissement de l’unité européenne.
Lors de son intervention, Orbán a aussi affirmé que « l’Europe s’oriente non pas vers la paix, mais vers la guerre », tout en louant l’ancien président américain Donald Trump pour ses prétendus efforts en faveur de la paix, contrairement aux dirigeants européens qui « veulent vaincre la Russie sur le front ukrainien » selon ses déclarations dans Kronika.
Ces propos, combinés à sa politique régionale offensive, illustrent une stratégie hongroise de plus en plus isolée au sein de l’Union européenne — une stratégie qui pourrait aggraver les fractures en Europe centrale si elle n’est pas contenue dans un cadre multilatéral clair.