On vous résume l'affaire Urgence Palestine, ce collectif pour la paix à Gaza que Bruno Retailleau veut dissoudre
On vous résume l'affaire Urgence Palestine, ce collectif pour la paix à Gaza que Bruno Retailleau veut dissoudre

On vous résume l’affaire Urgence Palestine, ce collectif pour la paix à Gaza que Bruno Retailleau veut dissoudre

12.05.2025
5 min de lecture

Le ministre de l’Intérieur a annoncé le 30 avril engager la procédure de dissolution de ce collectif créé après la guerre déclenchée à Gaza par l’attaque terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

Une manifestation contre la dissolution du groupe Jeune Garde et du collectif Urgence Palestine, le 6 mai 2025, à Paris. (LEO VIGNAL / AFP)
Une manifestation contre la dissolution du groupe Jeune Garde et du collectif Urgence Palestine, le 6 mai 2025, à Paris. (LEO VIGNAL / AFP)

Alors que la situation humanitaire est particulièrement critique dans la bande de Gaza, après deux mois de blocus total d’Israël dans l’enclave palestinienne, la dissolution du collectif Urgence Palestine provoque des remous en France. Annoncée le 30 avril par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, cette décision, qui devrait être officialisée par décret à l’issue d’un prochain Conseil des ministres, a été suivie de manifestations de soutien et d’une pétition. L’ONG Amnesty International s’est alarmée quant à elle, dimanche 11 mai, de « la dégradation continue des libertés d’expression » dans le pays. Franceinfo vous résume cette affaire.

Un collectif crée au lendemain du 7-Octobre

Urgence Palestine voit le jour le 8 octobre 2023, au lendemain de l’attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien qui a déclenché la guerre dans la bande de Gaza. Sur son site internet, ce collectif dit rassembler « des citoyens, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l’auto-détermination du peuple palestinien ». Il appelle notamment au « cessez-le-feu » et à la « fin du blocus », à la « fin de la colonisation, de l’occupation et de l’apartheid », à des « sanctions contre Israël » et au « soutien à la résistance du peuple palestinien ». Depuis sa création, le groupe a régulièrement organisé des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités, comme à Marseille le 9 décembre 2023 ou devant SciencesPo, à Paris, le 14 mars 2024.

Bruno Retailleau lui reproche d’appeler à la violence

L’annonce de la dissolution d’Urgence Palestine est intervenue avant les rassemblements du 1er-Mai. Interrogé sur CNews et Europe 1, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a justifié la procédure lancée en déclarant vouloir « taper sur les islamistes »« L’islamisme est une idéologie qui essaie d’instrumentaliser une religion. Il y a une défiguration de la foi », a-t-il déclaré, estimant qu’il ne fallait « pas défigurer la cause juste des Palestiniens ».

Dans sa lettre de projet de dissolution, dont des extraits sont révélés par Le Monde, Bruno Retailleau reproche au collectif d’appeler à la violence et estime qu’il se rend coupable de provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence envers un groupe de personnes. Le ministre reproche aussi à Urgence Palestine d’instaurer un « climat de haine contre la communauté française » quand le collectif dénonce l’« islamophobie d’Etat » et accuse le gouvernement d’être « illégitime, raciste, corrompu et complice de génocide ».

« Le gouvernement qui appelle à la dissolution d’Urgence Palestine, c’est la République qui reprend ses droits et réaffirme que l’on ne peut pas être antisémite en toute impunité en France », s’est félicitée Sarah Aizenman, présidente du collectif pro-israélien Nous vivrons, auprès de l’AFP. « Cette organisation ne défend pas les droits des Palestiniens, elle soutient une organisation terroriste », a-t-elle accusé.

Urgence Palestine entend contester cette décision

Déplorant « la criminalisation de la solidarité avec le peuple palestinien » alors que « le génocide s’intensifie à Gaza », le collectif Urgence Palestine a pour sa part annoncé par la voie de l’un de ses avocats, Elsa Marcel, qu’il allait saisir le Conseil d’Etat d’une procédure en référé dès la publication du décret de dissolution. Celle-ci devrait intervenir à l’issue d’un prochain Conseil des ministres. 

Dans leurs observations transmises au ministère, que franceinfo a pu consulter, les avocats du collectif affirment qu’« Urgence Palestine n’a bien évidemment jamais encouragé à la moindre violence sur le territoire national » et reprochent « une confusion grave entre la défense des droits des Palestiniens et, selon les termes de la notification, la ‘haine contre les personnes de confession juive' »« Dès sa fondation, Urgence Palestine a affirmé sa volonté de lutter contre toutes les formes de racisme et de s’opposer fermement à tout propos ou acte antisémite », rappellent Elsa Marcel, Vincent Brenghart et William Bourdon dans leur réponse.

Le collectif a reçu de nombreux soutiens à gauche

Urgence Palestine a reçu de nombreux soutiens au sein de la gauche radicale et de l’extrême gauche. Le 6 mai, des rassemblements s’étaient tenus dans plusieurs villes pour protester contre sa dissolution ainsi que celle du groupe antifasciste Jeune Garde. « Ni la Jeune Garde, ni Urgence Palestine ne méritent d’être dissous, mais le gouvernement, lui, mérite de l’être », avait lancé le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, lors d’un meeting de soutien à Paris auquel avaient participé Olivier Besancenot (Nouveau parti anticapitaliste), Elsa Faucillon (Parti communiste français), Les Soulèvements de la Terre ainsi que plusieurs responsables écologistes.

Une pétition contre sa dissolution, signée par plusieurs personnalités dont l’écrivaine Annie Ernaux, les humoristes Guillaume Meurice et Blanche Gardin, le rappeur et comédien Joey Starr ou encore le philosophe Etienne Balibar, avait recueilli 200 000 signatures samedi 11 mai, selon le collectif. Urgence Palestine appelle par ailleurs à manifester le 17 mai, jour de commémoration de la Nakba, qui signifie « catastrophe » en arabe et désigne l’exode qui a suivi la création de l’Etat d’Israël en 1948.

Une manifestation antiraciste interdite à Paris

Vendredi, le tribunal administratif de Paris a confirmé l’interdiction prise par le préfet de police de Paris d’une « manifestation antifasciste et antiraciste » prévue samedi dans la capitale et à laquelle devait notamment participer le collectif Urgence Palestine. Le juge des référés a estimé que cette interdiction n’était « pas manifestement illégale » et affirme avoir « tenu compte du fait que des membres des organisations ayant soutenu la manifestation avaient commis des actes de violence par le passé ».

Il a également argué que cette contre-manifestation était prévue sur le même parcours que la manifestation d’ultranationalistes organisée par le « comité du 9 mai »qui manifeste tous les ans pour l’anniversaire de la mort du militant d’extrême droite Sébastien Deyzieu en 1994, et « aurait conduit à mêler les participants à chacune de ces manifestations dont les antagonismes idéologiques sont forts ».

Amnesty International dénonce un « acte très grave »

En réaction à cette procédure de dissolution, l’ONG Amnesty International s’est inquiétée d’un « signal alarmant »« La décision du gouvernement de dissoudre un collectif de défense des droits des Palestiniens, en plein génocide dans la bande de Gaza, serait un acte très grave », estime sa présidente en France, Anne Savinel-Barras, dénonçant les « restrictions disproportionnées » dans plusieurs pays d’Europe et aux Etats-Unis « des libertés d’expression et de réunion pacifique des défenseurs des droits des Palestiniens ».

La procédure de dissolution, qui ne devrait être utilisée qu’en « dernier recours », illustre « la dégradation continue des libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique en France », estime aussi l’ONG. Selon Amnesty International, « le droit français relatif aux dissolutions d’associations n’est pas conforme au droit international des droits humains car il permet la dissolution sur la base de motifs vagues, comme par exemple, la ‘provocation à la haine’, la ‘provocation à des manifestations armées’ ou l »apologie du terrorisme’, et ce sans contrôle judiciaire préalable ».

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