Ce sas d’un an entre le collège et le lycée sera destiné aux élèves admis en seconde sans avoir obtenu leur brevet des collèges. Il doit être expérimenté à la rentrée 2024, puis généralisé en 2025.
Elles n’ont pas fait autant de bruit que les groupes de niveau, mais ne sont pas accueillies avec beaucoup plus d’enthousiasme par les syndicats. Les classes prépa-seconde, annoncées par Gabriel Attal en décembre lorsqu’il était encore ministre de l’Education nationale, doivent être expérimentées dans au moins un lycée par département à la rentrée 2024. Elles accueilleront des élèves admis en seconde générale, technique ou professionnelle, mais qui n’auront pas obtenu le diplôme national du brevet, dont les épreuves sont organisées lundi 1er et mardi 2 juillet. Testée sur la base du volontariat, cette classe intermédiaire entre la troisième et la seconde doit être généralisée en 2025 – avoir obtenu le brevet deviendra alors une condition pour accéder au lycée.
Cette nouvelle voie, qui ne consiste ni en un redoublement de la troisième, ni en une seconde ordinaire, est présentée comme une deuxième chance pour les élèves en difficulté. Ces prépas ont pour objectif, selon le ministère, de « consolider les acquis » du collège, de « préparer à la classe de seconde envisagée en familiarisant les élèves aux pratiques et aux méthodes du lycée » et de « confirmer ou mieux définir le projet d’orientation ». A la fin de cette année, les élèves pourront intégrer la seconde (dans l’établissement de leur affectation d’origine ou celui où ils ont fait leur prépa) ou se réorienter ailleurs.
La crainte d’une « voie de garage »
Mais des représentants des enseignants, des élèves ou des familles redoutent un « tri social » des élèves et une organisation bancale. « On se demande si ce n’est pas une voie de garage pour ensuite aller vers une orientation subie », objecte Grégoire Ensel, vice-président de la FCPE, la principale organisation de parents d’élèves. Alors que le brevet doit devenir le sésame pour passer au lycée, il souligne que, dans les textes réglementaires qui encadrent la phase pilote des classes prépa-seconde (un décret et un arrêté), « il n’est pas prévu de faire repasser le brevet » à l’ensemble de la classe. Dans une foire aux questions du ministère de l’Education nationale, il est toutefois écrit que « les élèves de prépa-seconde peuvent s’inscrire en candidat libre ».
Le syndicat d’enseignants Snes-FSU craint lui aussi, dans un communiqué, que cette « prépa » soit « une voie de relégation dont l’objectif réel est de pousser à une réorientation vers l’apprentissage« . A la fin de l’année, les élèves se verront délivrer une « attestation de fin de cycle préparatoire à la classe de seconde ». Le ministère explique à franceinfo qu’elle permettra « de valoriser l’assiduité de l’élève, son investissement dans son parcours et les progrès accomplis ». Une attestation donc, mais pas un diplôme. Le Snes-FSU se montre sceptique : « L’attestation deviendra-t-elle un document signalant, au bout du compte, l’absence de niveau atteint pour une partie des élèves ? »
Certains représentants lycéens sont également dubitatifs. Imposer à des élèves en difficulté de passer quatre ans au lycée au lieu de trois revient à « leur mettre dans la tête que l’école n’est pas faite pour eux », estime Gaspar Buzare, cosecrétaire général du Mouvement national lycéen (MNL).
« Les élèves vont se décourager et se tourner plus vite, par dépit, vers le monde du travail. »Gaspar Buzare, cosecrétaire général du syndicat lycéen MNL
à franceinfo
Le Snalc, un autre syndicat d’enseignants du secondaire, accueille moins sévèrement cette mesure. « Sur le principe, l’idée d’avoir une année pour se préparer » à l’après-collège est « intéressante », juge son président, Jean-Rémi Girard. « Mais la mise en œuvre pourrait être ratée, comme c’est le cas avec les groupes de niveau », anticipe-t-il cependant. Du côté de la Peep, l’autre principale organisation de parents, l’initiative est également jugée « louable ». « On permet aux élèves en difficulté une remise à niveau, que ce soit sur les fondamentaux ou les méthodes de travail », plutôt que de subir une orientation à la fin de l’année de 3e, juge son porte-parole Laurent Zameczkowski. Il y voit une alternative « moins stigmatisante » et « plus motivante » au redoublement.
Une nouveauté qui nécessite des moyens
Reste qu’ouvrir ces classes prépa-seconde pose une question de moyens, comme souvent dans l’Education nationale. A la rentrée 2024, 150 équivalents temps-plein vont être attribués aux académies, pour couvrir le déploiement de 110 classes au total, assure le ministère à franceinfo. « On a des inquiétudes sur la généralisation en 2025. Combien de classes vont ouvrir ? Où ? Avec quels enseignants ? », s’interroge Jean-Rémi Girard, le président du Snalc. Le ministère répond à franceinfo qu’il est encore trop tôt pour répondre à ces questions.
Comme le rappelle le Snes-FSU, le nombre d’élèves échouant au brevet, et donc susceptible d’intégrer ces futures classes, devrait par ailleurs augmenter. Ce serait la conséquence logique de la suppression annoncée du « correctif académique », c’est-à-dire la possibilité pour le rectorat de « rehausser la moyenne de tous les candidats (…) pour augmenter les taux de réussite d’une académie », expliquait le directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco), Edouard Geffray, au Monde. Gabriel Attal, qui avait demandé la fin de ce système quand il était ministre de l’Education, avait lui-même envisagé qu’elle puisse diminuer la part de diplômés. Et donc augmenter le nombre d’élèves bloqués à l’entrée du lycée.
Pour le président du Snalc, il y a fort à parier que tous les établissements n’ouvriront pas une classe prépa-seconde à la rentrée 2025. Les élèves recalés au brevet étant en général peu nombreux à l’échelle d’un établissement, « ils pourraient logiquement être regroupés par bassin », imagine-t-il. Pour certains, « cela peut devenir compliqué en termes de transports et d’éloignement » avec le domicile familial, craint Jean-Rémi Girard.
Pour Isabelle Vuillet, cosecrétaire générale de la CGT-Educ’action, ces freins vont même apparaitre dès la phase de test : « Dans les départements ruraux, les élèves volontaires devront potentiellement faire beaucoup de trajet. » Le ministère assure que « la très grande majorité des lycées préfigurateurs dispose d’un internat » et que « localement, les collectivités territoriales (…) peuvent être alertées par le recteur sur la nécessité » d’intégrer la classe prépa-seconde « dans la planification des transports pour les élèves concernés ».
Un programme encore flou et un emploi du temps peu rempli
Concrètement, les élèves volontaires pour l’année 2024-2025 se verront proposer 27 heures de cours hebdomadaires, dont sept heures d’« enseignements méthodologiques et préparatoires à la suite du parcours », ainsi que du français, des mathématiques, de l’histoire-géographie ou encore des sciences.
Ces volumes horaires « ne peuvent pas permettre de surmonter des lacunes parfois profondes » chez ces élèves justement regroupés en raison de leurs difficultés, estime le Snes-FSU. Et le contenu du programme soulève aussi des questions. La note de service du ministère explique en effet qu’il doit être « spécifique à la classe » et conçu « collectivement à l’échelle de l’établissement ». En clair, il n’y aura pas de cadrage national, comme cela est le cas pour les autres classes. « On n’a aucune indication, aucun référentiel », regrette Isabelle Vuillet.
« Les collègues sont très inquiets car ils devront accueillir les élèves en faisant chacun à leur sauce. »Isabelle Vuillet, cosecrétaire générale de la CGT-Educ’action
à franceinfo
Si le ministère préconise un effectif réduit de 25 élèves maximum, sans pour autant en faire une obligation, ces classes s’annoncent également très hétérogènes. Elles pourront en effet accueillir « ensemble de futurs élèves de seconde des voies générale et technologique comme de la voie professionnelle », est-il précisé dans la foire aux questions ministérielle. Classes prépa-seconde, groupes de niveaux… Isabelle Vuillet craint « une accumulation de dispositifs » qui vont « échouer ». Avec cet autre risque : que « les enseignants perdent le sens du métier ».