Alors que l’inspection académique tente d’organiser le transfert de ces enfants dans le village voisin de Passamainty, un accueil partiel est organisé depuis lundi près d’une annexe de mairie, trop petite pour abriter l’ensemble des enseignants et des élèves.
En extérieur et à même le sol, les profs dégainent de leurs cabas des exercices photocopiés. Du français et des mathématiques, en priorité. Les élèves, accroupis, se font expliquer les consignes, mercredi 5 février, avec l’objectif de s’entraîner d’ici au lendemain. Ont-ils au moins des fournitures chez eux pour écrire ? « Certains n’ont toujours pas de logement » digne, souffle Roukaya*, qui travaille dans une école de Vahibé. Depuis la date officielle de rentrée scolaire à Mayotte, le 3 février, les enfants de ce village proche de Mamoudzou sont dépourvus de locaux pour apprendre à lire et à compter.
Les structures des écoles élémentaires de Vahibé, nommées 1A, 1B, 2A et 2B, ainsi que de l’école maternelle ont été ravagées par le passage du cyclone Chido, le 5 décembre. Selon un rapport post-cyclone du maire de Mamoudzou consulté par franceinfo, « 0% » des bâtiments sont utilisables. Ces écoles ont aussi été saccagées dès le lendemain de la catastrophe. « Ils ont tout pillé jusqu’à la craie, jusqu’aux clous, tout, tout, tout ! Il ne reste rien », s’indigne Hadidja*, une mère d’élèves.
Depuis lundi, les enseignants de Vahibé 1A, 1B et de la maternelle « font cours dehors », déplore Roukaya. Ceux de Vahibé 2A et 2B ont trouvé refuge dans l’enceinte d’une association. « Nous, on a eu l’ordre de venir à la mairie annexe de Vahibé. Or, il n’y a qu’un petit local de 20 m2. Nous sommes donc devant et dans la cour de la mairie », décrit Rouyaka. Une cour presque pas abritée, selon les photos reçues par franceinfo, au point que, mardi, professeurs et élèves ont rapidement dû rentrer chez eux pour fuir la pluie. « Mercredi, on a réussi à les accueillir de 6h50 à 11 heures », rapporte Soukaina*, enseignante en CP. Sur plus de 1 000 élèves, « tous ne sont pas venus, on n’a parfois vu que les parents ». « C’est une solution temporaire, mais elle est difficile à vivre pour tout le monde », glisse Roukaya.
Un accueil dans un village voisin à l’étude
Selon les informations de franceinfo, cet accueil partiel en matinée, avec travail à faire à la maison, découle d’une impasse. Les élèves des écoles de Vahibé devaient être transférés dans des établissements du village voisin de Passamainty. Mais une levée de boucliers des parents, de part et d’autre, a provoqué une situation de statu quo. Ce que confirme l’inspectrice académique de la circonscription de Mamoudzou-Sud, dans un mail transmis à franceinfo par le rectorat de Mayotte.
A la suite d’une réunion tenue mercredi, la majorité des parents de Vahibé « souhaitent désormais que leurs enfants puissent bénéficier de cours (…) Je leur ai assuré que nous mettons tout en œuvre pour aller dans ce sens », écrit l’inspectrice. Hadidja fait partie des parents hésitants à l’idée de mettre leurs enfants dans des bus direction Passamainty. Celle qui est aussi enseignante dans un établissement qui tient debout songe même à prendre avec elle, dans sa classe, sa fille en moyenne section.
L’inspectrice académique a aussi affirmé rencontrer jeudi après-midi « les délégués de parents d’élèves de Passamainty, qui avaient exprimé des réticences quant à l’accueil des élèves de Vahibé » dans leurs écoles. « L’objectif de cette rencontre est de dialoguer avec eux et de parvenir à un terrain d’entente afin de permettre une solution d’accueil viable pour tous », fait-elle savoir à franceinfo. Concernant le local trop exigu fourni par la mairie en attendant cette fumée blanche, l’inspectrice académique n’a pas fait de commentaire.
« On n’a rien à leur donner »
Pour l’heure, les professeurs de Vahibé 1 et de la maternelle tentent donc d’assurer, dehors, une continuité pédagogique plus que des cours en bonne et due forme. « On a donné de la lecture à ma fille de CE1. Et je n’ai pas bien vu, mais je crois qu’elle doit répondre à des questions sur le texte », explique Hadidja. Son autre fille, en moyenne section, a aussi des devoirs : écrire son prénom en lettres bâtons, les chiffres de 1 à 4, mais aussi faire du dessin. Objectif de ce dernier exercice : coucher sur papier tout ce qu’elle a vu depuis la catastrophe naturelle, afin de constater « si le cyclone l’a marquée ou pas ». « C’est compliqué parce qu’on n’a même plus de crayons de couleur à la maison », regrette Hadidja.
En plus de ne pas bénéficier de salles de classe, ces élèves de Vahibé n’ont reçu aucune collation ces derniers jours, selon les témoins interrogés par franceinfo. « On n’a rien à leur donner, alors qu’ils ont tous maigri », déplore Soukaina. « Ils ont soif et faim », confirme Roukaya. De manière générale, ces enseignantes constatent que les enfants sont traumatisés. « Avant la catastrophe, c’étaient des enfants joyeux et actifs, qui parlaient beaucoup », relève Soukaina. Désormais, beaucoup se sont enfermés dans le mutisme. Pour Roukaya, l’urgence de trouver très rapidement un environnement clos est aussi sanitaire : « Certains ont des plaies qui n’ont pas bien cicatrisé. »