Un tel nombre de décès n’avait jamais été recensé depuis novembre 2021, quand 27 exilés avaient trouvé la mort en tentant de rejoindre l’Angleterre.
C’est le naufrage le plus meurtrier dans la Manche depuis 2021. Douze migrants sont morts, mardi 3 septembre, après que l’embarcation dans laquelle ils tentaient de rejoindre le Royaume-Uni s’est disloquée au large du cap Gris-Nez, dans le Pas-de-Calais. Depuis janvier, au moins 37 personnes ont déjà perdu la vie en voulant gagner les côtes anglaises, ce qui fait de 2024 l’année la plus meurtrière jamais observée depuis le début des traversées de la Manche sur des bateaux de fortune. Voici ce que l’on sait de ce drame.
Un naufrage survenu « à 5 km » des côtes françaises
L’embarcation sur laquelle 65 migrants avaient embarqué s’est trouvée en difficulté en fin de matinée, mardi, selon la préfecture maritime de la Manche (Premar). Le bateau semble « avoir coulé à 5 km au large du cap Gris-Nez », a précisé le procureur de Boulogne-sur-Mer, Guirec Le Bras. Un navire affrété par l’Etat, qui l’avait repéré, s’est porté à son secours dès qu’il s’est disloqué, rapporte la Premar.
Des hélicoptères des pompiers et de la marine, des navires militaires et deux bateaux de pêcheurs ont ensuite été mobilisés pour les recherches. Un poste médical avancé a été déployé au port de Boulogne-sur-Mer, où d’importants moyens de secours ont été mobilisés.
Douze personnes, dont six enfants, ont perdu la vie
Les naufragés sont « essentiellement érythréens », a rapporté, mardi soir, le procureur de Boulogne-sur-Mer. Parmi les 12 victimes retrouvées noyées, six étaient mineures et dix étaient des femmes, a précisé le magistrat. L’une de ces femmes était enceinte, selon le maire de Boulogne-sur-Mer, Frédéric Cuvillier, cité par la BBC. Un tel nombre de décès n’avait jamais été recensé depuis novembre 2021, quand 27 exilés avaient trouvé la mort en tentant de rejoindre l’Angleterre.
En plus des 12 personnes déclarées mortes en mer, « 53 personnes ont été secourues », a fait savoir la préfecture maritime de la Manche, mercredi matin, à l’agence de Radio France, précisant que personne n’était porté disparu. « Moins de huit personnes avaient un gilet de sauvetage fourni par les passeurs », déplore la Premar.
Une enquête ouverte pour homicide involontaire
Le procureur de Boulogne-sur-Mer a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « homicide involontaire aggravé », « association de malfaiteurs en bande organisée » et « aide d’étrangers en situation irrégulière » aggravée par les circonstances de bandes organisées et de risque d’infirmité ou de mort. Aucune interpellation n’a encore eu lieu à ce stade. Mardi soir, 33 personnes étaient en cours d’audition et 12 étaient encore hospitalisées, selon le magistrat.
Gérald Darmanin plaide pour un nouveau « traité migratoire » avec le Royaume-Uni
Arrivé à Boulogne-sur-Mer, mardi, le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a appelé à la signature d’« un traité migratoire entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne » pour tenter de mettre un terme aux départs d’embarcations clandestines depuis les côtes françaises vers l’Angleterre. Les migrants « veulent partir en Grande-Bretagne », a-t-il insisté. « Ce ne sont pas les dizaines de millions d’euros que nous négocions chaque année avec nos amis britanniques, qui ne payent qu’un tiers de ce que nous dépensons, nous », qui feront cesser les départs clandestins, a-t-il poursuivi, face aux caméras.
« Ce qui s’est passé au large des côtes du Portel est un incident horrible et profondément tragique », a réagi la ministre de l’Intérieur britannique, Yvette Cooper, sur X. Depuis son arrivée au pouvoir début juillet, le Premier ministre travailliste britannique, Keir Starmer, a annoncé vouloir accélérer le traitement des dossiers de demandeurs d’asile, tout en durcissant la lutte contre les passeurs. Sur les six premiers mois de l’année 2024, les traversées illégales de la Manche vers le Royaume-Uni ont atteint un nombre record, avec l’arrivée recensée de 21 615 personnes, selon les autorités britanniques.
Des associations dénoncent une répression policière « complètement inefficace »
L’association d’aide aux migrants Utopia 56 a dénoncé, mardi, une politique de répression policière sur le littoral français « complètement inefficace », qui « conduit à des incidents et à des drames (…) à répétition ». « On peut toujours mettre ça sur le dos des passeurs criminels et c’est ce qui bien sûr va se passer », a regretté son cofondateur Yann Manzi, sur franceinfo, appelant la France et l’Union européenne à cesser leur « politique morbide ».
L’association L’Auberge des migrants a plaidé, mercredi, sur France Culture, pour « des voies de passages sûres », constatant l’échec de « la militarisation accrue de la frontière » et de « la lutte contre des réseaux de passage ». L’association britannique Refugee Council a appelé, elle aussi, à « améliorer les accès légaux pour ceux qui cherchent à se mettre en sécurité ».
Une quinzaine de militants d’Utopia 56 ont organisé un rassemblement, mardi, au moment où Gérald Darmanin arrivait pour prendre la parole à Boulogne-sur-Mer. Les manifestants ont déployé une banderole sur laquelle était inscrit « Morts aux frontières, Etats coupables. Trente ans d’appel d’air à l’extrême droite ». Ils ont été repoussés par les forces de l’ordre, en scandant « Darmanin, t’as du sang sur les mains. Etat assassin ».