Au milieu de septembre, le gouvernement russe a validé un projet de loi renforçant les sanctions contre l’insubordination, la désertion et la perte de matériel militaire. Le texte prévoit jusqu’à vingt ans de prison pour un refus d’exécuter un ordre, une fuite des positions ou la disparition d’une arme. Si cette réforme du Code pénal n’est pas encore adoptée, son existence illustre l’ampleur du malaise au sein des forces armées russes.
Une vague de départs sans précédent
Selon des rapports internes ayant circulé hors du ministère de la Défense, plus de 50 000 cas d’abandon de poste avaient été recensés d’ici décembre 2024. Si la tendance s’est poursuivie, ce chiffre pourrait atteindre 70 000 à 80 000 d’ici octobre 2025. Les tribunaux militaires ont ouvert plus de 20 000 procédures, principalement pour « absence non autorisée ». La majorité des condamnations restent conditionnelles, les soldats étant renvoyés directement au front, souvent au sein d’unités d’assaut à très faible espérance de vie.
Les « 500èmes », symbole d’une armée fracturée
Les militaires qui refusent de continuer le combat sont désormais désignés sous le terme de « 500èmes ». Parmi eux, d’anciens détenus enrôlés contre une promesse de liberté, de nouveaux contractuels séduits par des primes, mais aussi des vétérans épuisés et désabusés. Certains simulent des maladies, se blessent volontairement ou disparaissent après une permission. Derrière chaque cas se répète le même constat : une volonté d’échapper à une guerre qui ne leur appartient pas.
Chasse aux déserteurs et climat de terreur
Officiellement, la police militaire est chargée de retrouver les « 500èmes ». En réalité, cette mission incombe souvent à leurs propres camarades, qui traquent les fuyards jusque dans leurs villes natales et exercent des pressions sur leurs familles. Dans les zones de combat, la traque s’intensifie grâce aux drones. Les soldats capturés subissent passages à tabac, humiliations filmées, voire exécutions sommaires. Certaines vidéos diffusées en ligne montrent des militaires attachés à des arbres ou enfermés dans des fosses, renforçant un climat de peur généralisée.
Répression collective et effritement du moral
Les commandants punissent parfois collectivement des unités entières après une désertion : suppression des permissions, multiplication des missions de combat. L’armée se transforme en un espace de méfiance, où règnent la suspicion et l’intimidation. Cette politique de répression ne résout pas le problème : elle l’accentue, alimentant encore davantage la lassitude et la défiance des soldats.
Une crise qui fragilise Moscou
Le phénomène des « 500èmes » révèle une armée en pleine érosion. Alors que le Kremlin tente d’affirmer un élan patriotique, des dizaines de milliers de militaires préfèrent la fuite à la mort sur le front. Cette dynamique mine non seulement les capacités opérationnelles de la Russie, mais aussi sa stabilité interne. Chaque nouvelle mesure punitive creuse un peu plus la fracture entre le pouvoir et ses propres troupes, posant la question de la résilience d’une armée contrainte de combattre par la force.