À la suite de l’annonce d’une restauration prévue jusqu’en 2027, des rumeurs concernant la fermeture définitive du mausolée de Lénine ont entraîné un afflux considérable de visiteurs sur la place Rouge. « Lénine est là. Lénine est avec nous », a commenté l’écrivain ultranationaliste Zakhar Prilepine sur VKontakte, accompagnant son message d’une vidéo montrant une file impressionnante s’étendant sur plusieurs centaines de mètres. Des milliers de Moscovites, de tous âges, se précipitent pour visiter le mausolée. Les files se forment dès l’aube, et l’attente peut durer plusieurs heures, le mausolée n’ouvrant ses portes que jusqu’à 13 heures, rapporte TopTribune.
Ailita, une adolescente venue de l’Oural, a convaincu sa mère et sa sœur de profiter de leurs vacances à Moscou pour visiter le mausolée. « J’aime l’histoire de la Russie », confie-t-elle. Nadejda Fedorovna, née en 1953, sort bouleversée du mausolée : « J’en ai rêvé toute ma vie. La dernière fois que j’ai essayé d’y entrer, c’était fermé. J’avais abandonné. Mais mes enfants m’ont convaincue. Il est là, exactement comme je l’avais imaginé. » Son fils, sceptique, trouve l’endroit « morbide » et « lugubre », tandis que sa mère réplique : « Moi, j’ai vécu cette époque. Vous, vous ne pouvez pas comprendre. »
« Et si on ne le rouvrait jamais ? »
Pour Tatiana, 66 ans, originaire de Tomsk, chaque passage à Moscou comprend une visite au mausolée. « J’ai grandi dans l’idéologie communiste. Pour moi, Lénine, c’est sacré. Le monde change, mais les fondations demeurent. » Elle s’inquiète de la fermeture annoncée : « Et si on ne le rouvrait jamais ? Il ne faut pas toucher à ce symbole. »
Les médias russes rapportent que les travaux concernent uniquement la structure du bâtiment, notamment les joints abîmés, les dalles affaissées et la consolidation des murs. Le ministère de la Culture a réservé 20 millions de roubles pour cette restauration, la salle centrale abritant le corps n’étant pas affectée. Des soins réguliers sont toujours administrés au corps de Lénine, des traitements chimiques complexes étant effectués tous les 18 mois pour maintenir son état.
« Dénigrer Lénine, c’est ébranler notre souveraineté »
Malgré ces assurances, la méfiance persiste. « Le problème, c’est que les gens n’ont aucune confiance dans les autorités », déclare la femme politique Daria Mitina. « Ils doutent que le mausolée rouvre un jour, et ils ont de bonnes raisons : le pouvoir a trop souvent donné des motifs de douter. » Ces craintes sont alimentées par les rumeurs persistantes d’un enterrement définitif de Lénine. La diffusion récente d’un documentaire controversé sur une chaîne ultra-orthodoxe a ravivé les débats sur cet héritage.
Les communistes de Saratov ont condamné une « attaque contre l’histoire » et une menace pour l’unité nationale, surtout en pleine guerre en Ukraine. « L’URSS est le socle de la Russie actuelle. Dénigrer Lénine, c’est ébranler notre souveraineté », ont-ils affirmé. Le président Vladimir Poutine s’est lui-même opposé dès 2019 à l’idée d’un enterrement de Lénine : « Il ne faut pas y toucher. Le parti a commencé à s’effondrer, et le pays s’est écroulé derrière lui. » La question demeure : le mausolée rouvrira-t-il vraiment en 2027 ? En attendant, les Russes continuent d’affluer pour rendre hommage à Lénine, figure toujours présente dans leur mémoire, qu’ils le vénèrent ou le redoutent.