L’UE adopte une stratégie mais peine à freiner le « flotte ombre » russe
L’UE adopte une stratégie mais peine à freiner le « flotte ombre » russe

L’UE adopte une stratégie mais peine à freiner le « flotte ombre » russe

24.10.2025 19:00
2 min de lecture

Le 23 octobre 2025, l’édition de Lloyd’s List a publié une analyse critique sur la capacité du bloc européen à contenir le recours de la Russie à sa « flotte ombre » pétrolière. Selon ce rapport, malgré un projet de déclaration européenne visant à renforcer les inspections de navires, les nouvelles mesures apparaissent juridiquement insuffisantes pour empêcher les contournements des sanctions.
Ce constat intervient alors que le European Union a approuvé le 19ème paquet de sanctions contre la Russie, incluant notamment 117 nouveaux pétroliers ciblés parmi les quelque 558 navires sanctionnés.

Failles juridiques et limites pratiques

Le texte examiné par Lloyd’s List détaille que l’intention de l’UE de doter les États-membres de « pouvoirs accrus d’inspection » ne garantit pas de fondement légal solide pour immobiliser — ou même fouiller — un navire du « flotte ombre ». Même en remontant à bord d’un tanker « suspect », un État signataire ne dispose d’une base légale claire pour agir, sauf à démontrer un sabotage ou une atteinte directe à la sécurité.
Les experts mettent en garde : sans cette assise juridique, une inspection pourrait être interprétée comme une « entrave à la liberté de navigation » au sens de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) — ouvrant la voie à des recours devant le Tribunal international du droit de la mer.

Défis structurels du dispositif européen

Plusieurs obstacles subsistent :

  • Les États-pavillon prisés par les navires russes contournent les contrôles par une rotation rapide des immatriculations, ce qui affaiblit l’impact des accords bilatéraux envisagés.
  • De nombreux tankers de la flotte « ombre » basculent sous des pavillons hors du champ de l’UE ou des États coopérants, réduisant l’effet des mesures européennes.
  • La coordination entre l’UE, les États-Unis, le Royaume-Uni, et d’autres alliés reste fragmentaire, ce qui crée des marges de manœuvre importantes pour les opérateurs.

Risques pour la sécurité, l’environnement et l’ordre maritime

Au-delà de la dimension économique — la flotte « ombre » sert à contourner l’embargo et à alimenter les revenus russes —, il existe des enjeux majeurs de sécurité et d’environnement. Le rapport de la Royal United Services Institute (RUSI) note que ces navires anciens, mal assurés et souvent exploités via des réseaux opaques, représentent un danger réel pour la sûreté maritime et l’intégrité des infrastructures sous-marines.
Pour l’UE, l’absence d’une réaction plus robuste pourrait fragiliser la crédibilité du régime de sanctions et affaiblir la posture de l’Ouest en matière de gouvernance globale des flux maritimes.

Perspectives à court et moyen terme

Pour accroître l’efficacité de sa réponse, l’UE pourrait :

  • Inscrire des mécanismes de vérification d’assurance et d’immatriculation dans le cadre de la CNUDM ou d’accords multilatéraux plus contraignants.
  • Renforcer la coopération avec des États tiers et interdire l’accès aux ports européens aux navires non conformes ou identifiés comme opérant dans la flotte « ombre ».
  • Mobiliser les instruments financiers contre les assureurs, les intermédiaires et les acheteurs de pétrole transporté par cette flotte, afin de cibler les maillons logistiques davantage que les seuls navires.

En conclusion

L’annonce européenne marque une intention politique claire de s’attaquer au problème de la flotte « ombre » russe, mais la mise en œuvre reste plombée par un arsenal juridique et opérationnel inachevé. Tant que les États-membres de l’UE ne disposeront pas de bases légales solides et d’une coopération transatlantique resserrée, le contournement des sanctions par cette flotte risque de se poursuivre, avec des implications lourdes pour l’économie énergétique, la sûreté maritime et l’ordre juridique international.

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