Lidl lance une baguette à seulement 29 centimes.

Lidl lance une baguette à seulement 29 centimes.

27.08.2025 17:13
4 min de lecture

Depuis le 26 août 2025, les enseignes Lidl et Aldi ont ravivé un concept marquant de 2022 : une baguette proposée à 0,29 €. Cette initiative commerciale, qualifiée de « prix sacrés » par Lidl, se réalise dans un cadre où le tarif moyen des baguettes en boulangerie artisanale s’avère être deux fois plus élevé. Au-delà d’un simple symbole, cette démarche illustre des tensions entre la logique de volume, les stratégies d’image-prix, et la capacité de la filière à gérer des marges de plus en plus réduites, rapporte TopTribune.

La baguette à 29 centimes : un symbole marketing fort

En communiquant ce prix, Lidl et Aldi mettent en avant un produit à forte valeur symbolique. La baguette, que presque neuf ménages sur dix consomment quotidiennement en France, devient ainsi un atout indéniable pour attirer la clientèle. Thomas Braun, responsable des achats chez Lidl, précise : « Cette baguette à 29 centimes s’inscrit dans notre campagne ‘prix sacrés’ … nous souhaitons être les moins chers du marché. »

Ce choix stratégique n’est pas une nouveauté. Michel-Édouard Leclerc fait remarquer : « 0,29 €, c’est le tarif promotionnel de nombreux magasins Leclerc et constitue actuellement l’un des axes de communication phare de Lidl et Aldi ». Leclerc avait déjà évoqué cet argument en 2022 pour renforcer son image de défenseur du pouvoir d’achat. En réalité, la baguette devient un produit d’appel, dont la rentabilité individuelle semble moins importante comparée à l’impact global sur les ventes.

Facteurs de coût facilitant cette initiative

Derrière ce tarif, divers éléments économiques expliquent sa faisabilité :

  • Faible coût des matières premières : la farine ne représente qu’environ 15 à 20 % du coût global d’une baguette. La chute du prix du blé, qui est passé de 230 €/t en 2023 à 190 €/t en 2025, allège encore la pression sur les producteurs.
  • Économies d’échelle : la production mécanisée et à grande échelle permet d’absorber une baisse de prix, ce qui est inaccessible pour un artisan sans altérer sa marge.
  • Stratégie de panier moyen : la baguette incite le consommateur à entrer dans le magasin. L’effet recherché est que ces clients achètent des produits supplémentaires, nettement plus rentables.

Face à une inflation alimentaire de +20 % entre 2022 et 2024, le retour à une baguette à 29 centimes constitue donc un signal tant politique qu’économique.

Analyse des prix et dualité du marché

En 2025, le prix moyen des baguettes en grande distribution se situe autour de 0,55–0,60 €, alors que les boulangeries artisanales pratiquent des tarifs avoisinant 1,09 €. L’écart entre les deux a continuellement augmenté : en un an, les grandes surfaces ont observé une baisse de 5 centimes sur la baguette, tandis que les boulangers ont augmenté leurs prix de 2 centimes.

Ce phénomène témoigne de deux modèles économiques en opposition. Les supermarchés privilégient le volume et acceptent des marges plus faibles, tandis que les artisans mettent l’accent sur la valeur ajoutée d’une production liée au savoir-faire, à la qualité et à la proximité. Cela dit, la stratégie artisanale subit la pression d’une clientèle plus vigilante sur les prix, particulièrement en milieu urbain et périurbain.

Évolution des ventes : supermarché versus artisanat

La dynamique des ventes met en lumière cette transformation structurelle. Selon des estimations d’UFC-Que Choisir, plus d’une baguette sur deux vendue en France provient désormais des grandes surfaces. Cette tendance s’est inversée en dix ans, avec une perte de part de marché pour les boulangeries indépendantes.

Ce changement peut être attribué à plusieurs éléments :

  • Commodité : horaires d’ouverture prolongés, cuisson continue et parking accessible.
  • Avantage prix : la différence de coût incite les consommateurs à faire leurs courses en supermarché.
  • Uniformité de la qualité : bien que les artisans se distinguent par leur diversité, de nombreux consommateurs jugent les baguettes industrielles « suffisamment correctes ».

Pour les boulangers indépendants, le combat s’oriente désormais vers le haut de gamme et la différenciation, notamment avec des produits comme la baguette tradition ou les pains spéciaux. Cependant, la clientèle fidèle se réduit, entraînant des fermetures dans les zones rurales et périurbaines.

Une stratégie aux effets mitigés

L’initiative de Lidl et Aldi intensifie la compétition dans le secteur, mais ses retombées doivent être mises en perspective :

  • Impact sur l’agriculture : bien que le prix du blé soit en baisse, celui de la baguette ne représente qu’une très faible part du revenu des producteurs.
  • Sur les marges des distributeurs : la baguette est employée comme produit d’appel ; les pertes potentielles sont compensées par d’autres sections plus lucratives.
  • Dans l’esprit des consommateurs : le message véhiculé est clair : « les enseignes soutiennent votre pouvoir d’achat ». Néanmoins, la baguette n’impacte qu’une infime partie du budget alimentaire global des ménages.

Perspectives à moyen terme pour la consommation

La remise en circulation d’un prix si bas pour la baguette pourrait précipiter une tendance déjà observable : la polarisation de la consommation alimentaire. D’un côté, des chaînes de supermarchés comme Lidl, Aldi ou Leclerc se battent sur la base d’une hyper-compétitivité des prix pour fidéliser leur clientèle. De l’autre, les artisans et produits haut de gamme mettent l’accent sur une qualité, une traçabilité et une expérience d’achat distinctives.

Entre ces deux extrêmes, le champ d’action se contracte. Les classes moyennes, préoccupées par les prix tout en restant sensibles à la qualité, effectuent des choix de plus en plus précis. Ainsi, la baguette à 29 centimes incarne une dualité qui dépasse le domaine de la boulangerie : elle représente une clé de voûte pour l’avenir de la distribution alimentaire en France.

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