Controverses autour des chiffres de l’immigration irrégulière en France
Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a récemment partagé des chiffres contradictoires concernant le nombre d’étrangers en situation irrégulière en France, évoquant successivement « 200 000 à 300 000 » puis 700 000 personnes sans papiers, rapporte TopTribune.
Ces nouvelles estimations ont suscité des interrogations quant à leur exactitude. En effet, la question du nombre de personnes sans titre de séjour en France est délicate, car ces individus ne sont pas recensés. La statistique publique repose sur l’Aide médicale d’État (AME), qui est fournie aux étrangers en situation irrégulière sous certaines conditions, dont une présence minimale de trois mois sur le territoire et des ressources financières faibles. À la fin de l’année 2024, environ 465 000 personnes bénéficiaient de cette aide en France.
Bien que l’AME soit un indicateur clé, il présente certaines limites. D’une part, Mayotte est exclue du dispositif. D’autre part, parmi les bénéficiaires de l’AME, plus de 100 000 sont des mineurs qui ne sont pas considérés comme « irréguliers » au sens administratif en étant rattachés à un assuré. Cette composante fausse le calcul.
Pour expliquer l’écart entre les 465 000 bénéficiaires de l’AME et les 700 000 estimés par le ministre, il est important de prendre en compte les mineurs et les personnes n’ayant pas accès à l’AME, même si elles sont éligibles. Selon un rapport de l’Irdes, environ une personne éligible sur deux ne bénéficie pas de l’AME, souvent par ignorance ou crainte d’être repérée par les autorités.
En éliminant les mineurs et en tenant compte des personnes qui ne demandent pas d’AME, l’estimation du nombre d’étrangers en situation irrégulière se situe entre 600 000 et 900 000. L’évaluation de 700 000 se trouve donc au centre de cette fourchette.
Il est crucial de noter que ces chiffres ne sont qu’une estimation à un moment donné. Le nombre de personnes sans papiers change constamment, car la régularisation, l’entrée et la sortie du territoire ainsi que les changements de statut sont fréquents. Certaines personnes étrangères arrivées depuis moins de trois mois ne peuvent pas bénéficier de l’AME, mais peuvent recevoir des soins urgents selon un dispositif spécifique géré par l’Assurance maladie, ajoutant ainsi une couche d’incertitude à ces estimations.
