Si Donald Trump se focalise sur la promotion des stablecoins en dollars pour propulser l’économie américaine, l’Europe, quant à elle, n’est pas en reste dans cette compétition.
Avec le développement rapide des stablecoins, la Banque centrale européenne (BCE) exprime de vives inquiétudes. Ce marché, autrefois sous-estimé par les autorités européennes, a atteint une valeur de plus de 275 milliards de dollars, principalement grâce aux stablecoins américains comme l’USDT de Tether, évalué à 163 milliards de dollars, et l’USDC de Circle, pesant 63 milliards de dollars. Selon les prévisions, ce marché pourrait atteindre jusqu’à 2000 milliards de dollars dans trois ans. Pour précision, un stablecoin, ou cryptomonnaie stable, est une cryptomonnaie qui est liée à une monnaie fiduciaire telle que l’euro ou le dollar, rapporte TopTribune.
Que ce soit pour des transactions personnelles ou commerciales, les stablecoins ont déjà enregistré un volume de transactions supérieur à celui des géants Visa et Mastercard l’année précédente. Une tendance qui est appelée à se renforcer, d’autant plus que Donald Trump a récemment promulgué, le 18 juillet, une régulation révolutionnaire connue sous le nom de Genius Act, visant à encadrer les stablecoins aux États-Unis. En revanche, l’Europe a instauré une régulation plus stricte via sa directive MiCa, appliquée depuis le début de l’année, mais la capitalisation des stablecoins en euros reste à un niveau modeste, s’élevant à 476 millions d’euros.
Les préoccupations de la BCE
Les stablecoins « transforme la finance mondiale, avec une domination du dollar américain. En l’absence de réponse appropriée, la souveraineté monétaire et la stabilité financière de l’Europe pourraient être compromise. Cependant, cette turbulence représente aussi une occasion pour l’euro de se renforcer », souligne la BCE dans un communiqué.
La BCE craint que les stablecoins ne mettent en péril la « stabilité financière » en raison des liens de plus en plus étroits avec le système financier traditionnel. L’institution est préoccupée par la possibilité d’une fuite des dépôts bancaires, si les clients choisissent d’investir dans des stablecoins. De plus, certaines plateformes de cryptomonnaies permettent de générer des intérêts en déposant des stablecoins, accentuant cette fuite.
« Si les stablecoins rémunérés devenaient plus courants et que davantage d’entreprises les adoptaient, ils pourraient détourner des dépôts des banques classiques, ce qui pourrait menacer l’intermédiation financière et restreindre l’accès au crédit », avertit la note.
Des tensions géopolitiques en perspective
Le développement des stablecoins en dollars soulève surtout des inquiétudes pour la BCE, qui pourrait perdre de sa capacité à influencer sa politique monétaire tout en voyant le dollar américain gagner en valeur. Les États-Unis pourraient ainsi financer une part de leur dette à travers ce mécanisme.
En effet, pour acquérir un stablecoin dollar, l’utilisateur doit fournir soit des euros, soit des dollars aux sociétés émettrices, telles que Tether ou Circle, qui investissent cette somme dans des bons du Trésor américain, garantissant ainsi la parité du stablecoin avec le dollar. « Une législation favorisant les stablecoins, couplée à des bons du Trésor, créera un marché qui boostera l’utilisation du dollar à l’échelle mondiale », a déclaré Scott Bessent, secrétaire au Trésor américain, en juin dernier.
La suprématie du dollar « offrirait aux États-Unis des avantages compétitifs et économiques, leur permettant de maintenir leur dette à faible coût tout en renforçant leur influence à l’international. Cela imposerait à l’Europe des coûts de financement plus élevés et diminuerait son autonomie en matière de politique monétaire », précise la BCE.
En parallèle, la dette américaine a presque doublé en une décennie, atteignant aujourd’hui 37 173 milliards de dollars. Les bons du Trésor américain servent en partie à financer cette dette. Bien que l’Europe soit consciente des ambitions des États-Unis, il existe des perspectives pour combler son retard. « Un soutien accru aux stablecoins en euros, régulés de manière appropriée, pourrait renforcer le statut international de l’euro », estime la BCE, ajoutant qu’elle compte également mettre en œuvre son projet d’euro numérique, envisagé comme une véritable protection de la souveraineté monétaire de la région. Si l’accueil par le public de l’euro numérique reste incertain, l’essor des stablecoins libellés en euros est perçu positivement par la communauté crypto.