Représentation de la sexualité adolescente au cinéma français : entre fantasmes et réalité
En France, la sexualité adolescente — et particulièrement celle des jeunes filles — a longtemps semblé être un tabou, se traduisant par une représentation quasi inexistante sur les écrans. Jusqu’aux années 1960, « la jeune fille des comédies populaires est […] “pure”, même quand elle a une allure très sexy », et les adolescentes de comédie se contentent de « flirter ». Dans ce contexte, un éloge de la virginité reflète les pratiques sociales de l’époque, puisque 84% des Françaises se sont alors déclarées opposées à la perte de la virginité avant le mariage, rapporte TopTribune.
À partir du début des années 1970, cette tendance commence à évoluer, avec une obsession croissante pour la première expérience sexuelle des adolescentes, érigée en rite de passage vers l’âge adulte. Sur les onze teen movies analysés, dix mettent en scène la première expérience de leurs héroïnes, témoignant des évolutions socioculturelles dans une période où le mariage institutionnel décline et où la contraception devient plus accessible.
Cependant, l’intérêt du cinéma pour la sexualité des adolescentes n’aboutit souvent pas à un traitement féministe de la question. Dans la majorité des productions, la libération sexuelle est utilisée comme un prétexte, permettant l’exposition des corps de très jeunes filles. Les adolescentes y apparaissent plus comme des victimes passives que comme des actrices de leur propre désir, reflet des fantasmes des réalisateurs plutôt que de la réalité de leurs vies.
Le désir des jeunes filles : un miroir des fantasmes masculins
Dans certains films, comme Beau-père et Un moment d’égarement, les jeunes filles découvrent leur sexualité avec des hommes beaucoup plus âgés, soulignant une dimension symboliquement incestueuse des rapports. Les adolescents de ces récits prennent souvent l’initiative des relations, mais ces représentations restent problématiques.
Dans Le Rempart des béguines et Mais ne nous délivrez…, plusieurs jeunes filles explorent leur homosexualité, mais ces relations ne sont pas normalisées ; elles restent associées à des dynamiques dysfonctionnelles. L’homosexualité y est utilisée principalement pour alimenter des scénarios voyeuristes, réduisant les personnages à des représentations fantasmées de la sexualité féminine.
Ce traitement problématique se confirme lorsque l’on examine comment le corps des jeunes actrices est filmé. Les réalisateurs, en majorité des hommes, esquissent souvent des images qui offrent des perspectives largement soumises à un regard masculin. Les héroïnes deviennent alors des objets de désir, renforçant ces dynamiques de pouvoir asymétriques.
Des films comme Mais ne nous délivrez… et Beau-père instaurent un regard fétichisant sur leurs jeunes protagonistes, transformant leurs expériences sexuelles en spectacles destinés à captiver un public voyeur. Les jeunes filles se retrouvent ainsi piégées entre un désir supposé et une objectification persistante.
Au-delà de la sexualité, les récits de ces films abordent également la question des représentations genrées. Alors que quelques productions tentent de présenter des figures féminines émancipées, ces efforts ne sont pas toujours couronnés de succès. Nombre de films perpétuent une culture où les jeunes filles sont sexualisées sans réel contrôle sur leur propre désir, exposant la dissociation tragique entre leur sexualité réelle et la façon dont elle est présentée.
Le constat demeure amer : les jeunes filles des années 1970, bien que dotées d’une certaine agency dans les récits, se révèlent souvent privées de subjectivité, répondant davantage aux fantasmes d’un patriarcat omniprésent qu’à leurs propres aspirations. Ce déséquilibre montre combien le cinéma français de cette époque a encore besoin d’une réforme pour véritablement représenter la complexité de la sexualité féminine.