Des associations environnementales se sont mobilisées pour s’opposer à un projet controversé d’usine de biocarburants sur le bassin industriel de Lacq, à proximité de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques. Cette mobilisation a eu lieu le 11 décembre dernier à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, où des organisations telles que Forêts Vivantes Pyrénées, Greenpeace, et Extinction Rébellion ont dénoncé le projet E-Cho, porté par la société Elyse Energy, qui vise à produire des carburants destinés au secteur aéronautique, rapporte TopTribune.
Ce projet ambitieux ambitionne de construire une usine d’ici 2030 pour produire annuellement 88 000 tonnes de e-méthanol, 87 000 tonnes de carburants d’aviation durables et 28 000 tonnes de naphta. L’investissement total requis pour cette initiative est estimé à 2 milliards d’euros, avec des unités spécifiques pour la production de e-méthanol et de e-biokérosène.
Critiques des associations environnementales
Cette initiative, bien que présentée comme un pas vers une transition énergétique durable, suscite la méfiance des associations qui y voient un « greenwashing ». En effet, Greenpeace a qualifié le projet d’écoblanchiment du trafic aérien, arguant qu’il n’entraînerait pas de réduction significative de l’empreinte carbone. Selon Mathieu Hoyer, directeur du programme E-Cho, ces carburants émettent moins de CO2 sur l’ensemble de leur cycle de vie par rapport au pétrole, et s’intègrent dans des objectifs réglementaires européens de décarbonation à horizon 2050.
Les sources de biomasse remises en question
En ce qui concerne les matières premières, le projet utiliserait principalement de l’électricité et une part de biomasses sèches, comprenant des déchets de bois, des déchets agricoles et du bois-énergie. Hoyer soutient que ces ressources sont disponibles et ne nuisent pas aux forêts. Cependant, certains experts et militants, comme Solal Bordenave de Forêts Vivantes Pyrénées, mettent en avant les implications écologiques du chauffage de la biomasse, soulignant que cela pourrait même être plus nocif que les carburants fossiles, et critiquant le plan d’approvisionnement jugé fragile.
À la croisée des chemins
La préoccupation croissante liée à la disponibilité des ressources forestières en France, exacerbée par des demandes grandissantes notamment à cause de nouveaux acteurs de la transition énergétique, complique le débat. Anne Guivarc’h, directrice générale de la Fédération des industries du bois de Nouvelle-Aquitaine, a averti qu’il pourrait ne pas y avoir suffisamment de bois pour répondre à toutes les exigences.
Malgré les craintes entourant la consommation énergétique et les besoins en eau du projet, qui sont significatifs, Hoyer reste convaincu que produire ces carburants en France est préférable à un approvisionnement extérieur, notamment en provenance de pays comme la Chine. Le projet E-Cho nécessiterait environ 3,7 TWh d’électricité par an, soit une fraction de moins de 1 % du débit d’étiage du gave de Pau.
Perspectives futures et opposition structurée
D’après les critiques, même si le projet E-Cho se concrétise, il ne suffira qu’à couvrir 1 % des besoins actuels de l’aviation française, ce qui soulève des questions sur sa viabilité comme solution écologique à long terme. Hoyer, en revanche, insiste sur le fait que les biocarburants ne visent pas à remplacer totalement le kérosène, mais plutôt à contribuer lentement aux objectifs de décarbonation de l’aviation européenne.
Malgré une augmentation de la consommation énergétique prévue pour l’usine, l’approbation environnementale est encore attendue, le dossier ayant été déposé auprès de la Dreal. Une enquête publique devrait avoir lieu à l’automne 2026, qui décidera de la continuité ou non du projet. Selon Hoyer, il est essentiel d’accepter que le transport aérien est une nécessité, même dans le cadre d’une transition énergétique.
Enfin, la tension s’accroît entre les partisans du projet, qui soutiennent que cela représente une avancée nécessaire, et les opposants, qui jugent le projet inadéquat pour répondre aux véritables enjeux écologiques contemporains.
Le succès ou l’échec de l’initiative E-Cho pourrait très bien jouer un rôle critique dans l’équilibre entre la poursuite de la croissance économique dans le secteur aéronautique et la nécessité urgente de réduire l’empreinte carbone globale.