Le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision d’ici le 10 août concernant la légalité de la loi Duplomb, qui suscite de vives critiques. À l’heure actuelle, la contestation contre cette législation autorisant le retour de pesticides controversés continue de gagner du terrain. Une pétition intitulée « Non à la Loi Duplomb – Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective », lancée par un anonymat sur le site de l’Assemblée nationale, a déjà recueilli plus de 1,3 million de signatures, un chiffre record. Toutefois, quelles répercussions peuvent en découler ? Peut-être peu, car cette loi a été adoptée le 8 juillet avec 316 votes pour et 223 contre. À moins que le gouvernement ne choisisse d’écouter la voix de la population pour engager un grand débat sociétal. La loi est-elle fragile ? Un peu oui, mais elle persiste.
Que change la pétition ?
Une pétition sur le site de l’Assemblée nationale entraîne obligatoirement un débat en séance publique à condition de rassembler plus de 500 000 signatures, provenant d’au moins 30 départements. Ce critère étant amplement dépassé ce lundi midi, plus de 1,3 million de personnes avaient déjà exprimé leur soutien à cette démarche, portée par Éléonore Pattery, une étudiante opposée au texte. Le principe est clair : pour que la signature soit validée, l’internaute doit utiliser son service FranceConnect et être âgé d’au moins 18 ans. Cela constituera une première sous la Ve République, car seuls les citoyens français sont habilités à voter. Cette pétition a gagné près de mille soutiens par minute ce lundi, un fait sans précédent.
Depuis l’instauration de ce service en 2019, la pétition ayant réuni le plus de signatures auparavant avait atteint 260 000 pour contester la Brav-M, une brigade de policiers motorisés spécialisée dans la répression des actions violente.
Vers un débat, oui mais pourquoi ?
Interrogée dimanche sur France Info, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, a exprimé son soutien à l’organisation d’un débat. Toutefois, elle a précisé que cela ne pourra en aucun cas remettre en cause la loi adoptée. Selon elle, ce texte vise à soutenir un certain nombre de nos agriculteurs. Compris comme une mesure pour alléger les contraintes pesant sur les agriculteurs, le texte est critiqué en raison de la réintroduction de l’acétamipride, un insecticide néonicotinoïde, interdit en France depuis 2018 mais toujours autorisé en Europe jusqu’en 2033. La nocivité de ce produit est néanmoins largement établie par un consensus scientifique.
Quel espoir avec le Conseil constitutionnel ?
Le 11 juillet, l’opposition de gauche a saisi le Conseil constitutionnel, arguant que la loi Duplomb viole les principes de précaution et de non-régression. « Il semble peu probable que l’ensemble de la loi soit censurée. En revanche, il pourrait y avoir des réserves d’interprétation : les sages exigeront sans doute des engagements sur certains aspects », anticipe la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina.
Que peut faire Emmanuel Macron ?
Suite à la décision du Conseil constitutionnel, le président de la République se retrouvera face à deux options : promulguer la loi ou demander une seconde délibération. Pourrait-il envisager un retour en arrière et solliciter un nouveau débat sur cette loi ? C’est en tout cas la demande formulée par l’association Générations futures, qui a adressé une lettre à Emmanuel Macron pour l’inciter à ne pas promulguer la mesure.
Le sénateur Laurent Duplomb, à l’origine de ce texte, soutient que « ce système de pétition est destiné à faire pression sur le Conseil constitutionnel afin d’espérer qu’il ne valide pas la loi », a-t-il dénoncé sur RMC. Politicien de droite et représentant de la FNSEA, il défend une perspective productiviste en agriculture et a milité pour la suppression de l’Agence bio et de l’Office français de la biodiversité.
Que peuvent faire les opposants à la loi ?
Le passage de la loi Duplomb sans débat a déjà provoqué une forte réaction des associations environnementales. Plusieurs d’entre elles ont annoncé intention de déposer des recours contre les décrets d’application concernant les pesticides désormais permis, ce qui pourrait retarder leur réintroduction, voire entraîner leur annulation en cas d’acceptation des recours. « C’est une lutte qui ne fait que commencer », a prévenu la députée écologiste Sandrine Rousseau sur France Info. « Lors des prochaines niches parlementaires, chaque groupe du Nouveau Front populaire portera comme texte l’abrogation de la loi Duplomb », a-t-elle affirmé.
Corinne Lepage a également annoncé son intention de saisir le Conseil d’État à la demande de l’association Agir pour l’environnement, critiquant le décret du 8 juillet comme une « violation de l’indépendance de l’Anses ». L’ancienne ministre de l’Environnement s’oppose aux prérogatives du ministre de l’Agriculture d’imposer un calendrier d’examen des pesticides à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.