Le Rassemblement national a récemment pris position en faveur du bitcoin, alors que 10 % des Français, en particulier les jeunes, détiennent des cryptomonnaies. En vue de la présidentielle de 2027, cette démarche pourrait s’avérer stratégique.
Le bitcoin s’est-il imposé comme un enjeu clé pour le Rassemblement national (RN) ? En quelques années, Marine Le Pen a considérablement modifié son approche vis-à-vis de la cryptomonnaie phare. D’abord opposée à son utilisation en 2017, elle a parlé de régulation en 2022 et, en mars 2025, lors d’une visite à la centrale nucléaire de Flamanville, elle a proposé d’exploiter les excédents de production des centrales nucléaires françaises pour le minage de bitcoin, rapporte TopTribune.
Depuis cette annonce, le RN s’efforce de devenir le premier parti français à soutenir le bitcoin, surmontant les réticences exprimées par d’autres formations politiques. À la mi-juin, les 123 députés du RN ont déposé un amendement visant à explorer les opportunités de développer une industrie de minage de bitcoin dans l’hexagone. Malgré le rejet de cette initiative par l’Assemblée nationale, le parti demeure optimiste. Le 11 juillet, 72 de ses députés ont présenté une proposition de loi pour tester le minage de bitcoin de manière « expérimentale » en France.
« Nous agissons de façon pragmatique. Face à un dilemme budgétaire, aux évolutions technologiques et à l’inaction de l’État, nous croyons que cette technologie pourrait être la clé pour sortir de notre enlisement écologique et financier », déclare Aurélien Lopez-Liguori, député RN de l’Hérault et instigateur de l’amendement et de la proposition de loi. Avec 40 milliards d’euros à rechercher, le minage de bitcoin pourrait devenir une source de revenus non négligeable pour la France.
« Il ne s’agit pas d’accumuler des cryptomonnaies, mais d’utiliser le minage pour réindustrialiser notre pays », ajoute-t-il. Des nations comme les États-Unis et la Norvège exploitent déjà efficacement le minage de bitcoin, et selon lui, il n’y a pas de raison que la France se montre timide à ce sujet. Selon l’élu, l’État et certains partis de gauche ont une vision erronée et catastrophique du bitcoin, considérant cette technologie comme nuisible.
Des impacts jusqu’en France
La montée en puissance du RN sur la question des cryptomonnaies n’est pas surprenante. En 2017, les mouvements d’extrême droite aux États-Unis ont eu recours au bitcoin pour contourner des restrictions financières, un phénomène également observé au sein de la famille Trump. « L’extrême droite américaine a pris de l’avance sur le sujet, et cela a des répercussions jusqu’en France », souligne Faune, créateur d’une chaîne YouTube dédiée à Bitcoin et aux libertés fondamentales.
L’arrivée de Donald Trump au pouvoir a permis au RN de s’exprimer plus librement sur ce thème. Au-delà des débats parlementaires à venir autour de la proposition de loi actuelle, cette initiative devrait s’inscrire dans le programme de campagne de Marine Le Pen pour 2027, accompagnée d’autres questions relatives aux cryptomonnaies. C’est une stratégie qui s’inscrit dans un contexte où 10 % des Français possèdent des cryptos, en majorité des jeunes.
Néanmoins, jusqu’où le RN ira-t-il concernant le bitcoin ? La France pourrait-elle emboîter le pas du Salvador et faire du bitcoin une monnaie officielle ? « Cela peut avoir un sens dans un pays avec une monnaie très dévaluée. Cependant, notre position est clairement opposée à l’euro numérique ; cela servirait uniquement à renforcer le contrôle de masse », précise le député, qui exprime également son soutien aux services de mixage de cryptomonnaies.
« Il est normal de voir le RN, ou n’importe quel parti, s’intéresser au bitcoin, un sujet novateur et prometteur, représentant un potentiel électoral considérable. Ce qui est paradoxal, c’est que la gauche refuse d’aborder le sujet sérieusement », affirme Alexandre Stachtchenko, directeur de la stratégie chez Paymium.
« Le méchant capitalisme »
Une situation paradoxale émerge, considérant que le bitcoin résonne davantage avec des valeurs de gauche qu’avec celles de droite. En effet, les libertés fondamentales, ainsi que la protection des minorités et des opprimés, sont au cœur de son utilisation.
« Pourtant, la gauche hésite à s’emparer de ce sujet parce que le bitcoin est associé à l’argent, qu’elle perçoit comme une notion immorale et représentative du ‘méchant capitalisme' », regrette l’expert.
Début juillet, Jean-Marie Cambacérès, ancien député socialiste et fervent pro-bitcoin, a discuté crypto avec François Hollande, connu pour sa déclaration : « Mon ennemi, c’est la finance ». Réussira-t-il à saisir cette opportunité ? En parallèle, Raphaël Glucksmann, dirigeant de Place Publique, s’entoure de députés européens réputés pour leurs positions anti-cryptomonnaies.
« Malheureusement, à gauche, il existe une pression sociale : exprimer son intérêt pour le bitcoin peut entraîner une marginalisation. Cette attitude est problématique, car elle alien le soutien d’un public jeune, en répétant sans nuance que le bitcoin est inutile », conclut Alexandre Stachtchenko.
Un cercle vicieux semble se former, dans lequel le RN a pris les devants sur le bitcoin, poussant ainsi ses adversaires à s’y opposer par principe et renforçant l’idée d’une association avec l’extrême droite. « J’espère que cette polarisation ne se radicalisera pas davantage et que d’autres partis s’engageront dans le dialogue », exprime le directeur de la stratégie chez Paymium.
« Cynisme de l’extrême droite »
Alors que la gauche demeure muette face à cette technologie, la droite radicale se regroupe autour d’elle. Le 24 juin, 1 400 personnes se sont réunies au « Sommet des Libertés » à Paris, où de nombreux acteurs du bitcoin et des libertés ont assisté à des allocutions de Jordan Bardella et d’Éric Ciotti, qui aspire également à se faire un nom sur la question des cryptos.
Ce sommet illustre « le cynisme de l’extrême droite en matière de liberté. Si les acteurs du bitcoin pensent que les héritiers des fascistes peuvent embrasser la liberté, ils font preuve soit d’immaturité politique, soit de naïveté. Espérons que ce n’est pas une fausse naïveté », commente Faune.
Aujourd’hui, la connexion du RN avec le bitcoin divise la communauté crypto. « Bien que j’utilise le bitcoin par conviction, je comprends que d’autres choisissent de s’en distancer. Si le bitcoin est perçu comme associé à l’extrême droite, cela risque de créer un rejet », observe Faune.
« Ce développement ne séduira pas les personnes modérées. L’adoption par des États et des politiciens n’est pas ce qui me fascine. Le bitcoin est là pour perdurer, et toutes les sensibilités politiques devraient considérer comment en tirer profit », conclut-il.
Pour mémoire, le 31 octobre 2008, une entité nommée Satoshi Nakamoto – personne ou groupe encore non identifié – a publié le livre blanc du Bitcoin. Ce document, intitulé « Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System », posait les bases du fonctionnement du protocole Bitcoin. Malgré l’intérêt croissant des États et des politiques à son égard, ce protocole continue de fonctionner de la même manière. Le bitcoin demeure une cryptomonnaie décentralisée, apolitique et neutre.