Après l’enfant roi et l’enfant tyran, l’enfant dieu ? C’est ainsi que la psychologue belge Diane Drory nomme les enfants à qui les parents obéissent et ne refusent rien. Comment en sommes-nous arrivés là ?, rapporte TopTribune.
Depuis les années 1980, le concept de l’enfant roi a vu le jour, désignant un enfant dont les désirs sont comblés sans hésitation et qui ne tolère aucune frustration. « Cet enfant s’oppose activement à ses parents, ce qui a longtemps été perçu comme un signe de progrès », explique Diane Drory, psychologue et psychanalyste belge, qui évoque ce phénomène unique de « enfants dieux », en constante augmentation.
Au fil des ans, l’enfant a progressivement pris le rôle central au sein de la famille. Dans un contexte sociétal anxiogène, marqué par la fréquence des séparations et des pertes d’emploi, le lien qui perdure est celui entre les parents et leur enfant, considérée comme une source de réassurance. « Les parents hésitent à poser des limites, de peur d’entraver son épanouissement. L’enfant choisit de dire bonjour ou merci selon son bon vouloir ! Dans cette dynamique, la bienveillance devient omniprésente, car il est impératif de ne pas brimer cet enfant tyran toujours en mode de négociation », précise-t-elle.
Ainsi, l’enfant dieu se manifeste de plus en plus, selon Drory. Il devient l’instance qui dicte les règles. « On lui obéit, et ses désirs deviennent des préceptes. L’enfant dieu se place au-dessus des parents, ce qui engendre une inversion des rôles. Les parents commencent à solliciter l’avis de leurs enfants même pour des décisions triviales, comme le choix des vacances. Ce phénomène crée un enfant mal préparé à la réalité, qui affiche des traits d’impulsivité, de narcissisme et un manque d’empathie, incapable de raisonner », conclut-elle.
Nadia Gagnier, psychologue et conférencière, déclare qu’elle n’aurait jamais imaginé arriver à cette extrémité. Elle observe que beaucoup de parents éprouvent des difficultés à instaurer la discipline dans leur foyer, désireux d’être les amis de leurs enfants. « Bien que la parentalité bienveillante soit un idéal, elle ne se révèle pas toujours pratique. Tôt ou tard, l’enfant désobéira, et le parent devra établir des limites. Un cadre est nécessaire, et dès la petite enfance, des règles doivent être mises en place. Les parents doivent refléter le monde que l’enfant devra affronter », souligne-t-elle.
Le déclin de l’autorité
Le psychologue Marc Pistorio observe une diminution de l’autorité parentale, une situation qui se révèle problématique. « Les parents se retrouvent souvent démunis et attendent des conseils. Une bienveillance excessive ne garantit pas la santé mentale de l’enfant. Dire non est tout aussi important que de ne pas glisser vers une autorité trop stricte », explique-t-il.
Un autre facteur à prendre en compte est la raréfaction des familles nombreuses ; de ce fait, les parents cherchent à satisfaire leurs enfants pour éviter tout conflit. « Cette surprotection nuit aux enfants. En leur épargnant les difficultés, on compromet leur capacité d’adaptation à la société. Ils doivent acquérir la tolérance », ajoute Gagnier.
Diane Drory commente avec humour que, finalement, avoir un enfant roi ne présente pas de grandes inconvénients. « Un enfant qui s’oppose démontre qu’il va bien et qu’il n’a pas peur d’être rejeté. Les parents dits hélicoptères, toujours en alerte, craignant pour leurs enfants, enseignent un culte de l’enfant, et ce faisant, il est crucial de revenir à un bon sens. Les parents doivent être clairs dans leurs valeurs et établir une éducation équilibrée », conclut-elle.
Il est indispensable que les enfants sentent qu’il y a une autorité ferme à la maison. « Ils sont en plein processus d’apprentissage. Les parents doivent les guider à travers cette expérience, souligne Gagnier. Dans un monde où la pression sociale est omniprésente, il est impératif de comprendre que l’important n’est ni la perfection ni l’absence de failles. Les enfants doivent apprendre à coexister avec les frustrations de la vie quotidienne », conclut-elle.
Petit lexique parental
- Enfant roi : Se réfère à un enfant qui rejette l’autorité et qui s’oppose par des crises émotionnelles jusqu’à obtenir satisfaction.
- Enfant dieu : Un enfant dont les parents se plient à toutes ses exigences, inversant ainsi les rôles parentaux, selon Diane Drory.
- Parent hélicoptère : Un parent qui exerce une protection excessive sur son enfant, cherchant à le préserver d’éventuels désagréments.