
La campagne de pommes de terre de 2025 marquera les esprits. Alors que les volumes de production atteignent des niveaux historiques, les prix s’effondrent, frôlant le seuil de rentabilité sur le marché libre. Ce phénomène, qui peut paraître paradoxal pour les consommateurs, s’explique par un déséquilibre drastique entre une offre pléthorique et une demande stagnante. Les retombées de cette situation impactent non seulement les agriculteurs, mais également les transporteurs, les transformateurs et la distribution, mettant ainsi en lumière les faiblesses structurelles d’un secteur crucial pour l’économie agro-alimentaire, rapporte TopTribune.
Une production qui dépasse les besoins
En 2025, la superficie dédiée à la culture des pommes de terre s’élève à 197 000 hectares, affichant une augmentation de 25 % par rapport à 2023. Grâce à des conditions climatiques favorables, la production globale atteint 8,5 millions de tonnes, soit 900 000 tonnes de plus que l’année précédente.
Cette production exceptionnelle, initialement célébrée, a fini par saturer le marché. Les capacités de stockage se révèlent insuffisantes, et l’exportation n’est pas en mesure de compenser un tel excédent. L’Union Nationale des Producteurs de Pommes de Terre (UNPT) évoque un « scénario destructeur », où l’offre surpasse clairement la demande, entraînant une pression immédiate sur les prix.
Un effondrement des prix sans précédent
Sur le marché libre, les prix des pommes de terre ont chuté entre 0 et 15 €/t, alors que le coût de production est évalué à 150 €/t. « Les prix des variétés précoces tombent à des niveaux désastreux, se rapprochant de zéro euro la tonne. Accepter cette situation, c’est alimenter une spirale infernale et travailler à perte, » a averti l’UNPT.
La situation s’oppose à celle des volumes contractualisés. Les contrats établis à l’avance garantissent des tarifs variant entre 180 et 230 €/t, selon les conditions de stockage. Toutefois, ces contrats ne couvrent qu’une partie de la récolte. Le surplus, soumis aux fluctuations du marché libre, tire l’intégralité de la filière vers le bas.
Les bénéficiaires temporaires : transformateurs et distributeurs
Pour les industriels de la transformation, l’abondance actuelle de pommes de terre est une aubaine. Les coûts d’approvisionnement historiquement bas profitent à des produits comme les chips, les frites surgelées et l’amidon. Dans un contexte de concurrence internationale, cette baisse des prix renforce leur compétitivité.
La grande distribution bénéficie également d’une matière première à bas coût. Les prix affichés dans les rayons alimentaires créent une perception de bénéfice pour le consommateur. Cependant, ce « profit » à court terme cache une fragilité sous-jacente : en affaiblissant les producteurs, la chaîne de valeur met en péril la stabilité de ses prochaines approvisionnements.
Les perdants : agriculteurs, logistique et coopératives
Du côté des producteurs, la situation est intenable. « Nous conseillons aux agriculteurs de ne pas vendre à ces prix, car cela équivaut à travailler à perte, » témoignait un producteur dans Le Télégramme. Certains choisissent d’entreposer leur production, mais cette option est coûteuse sans garantie de relèvement des prix. D’autres se voient contraints de brader leurs récoltes pour limiter les pertes.
La logistique fait également face à des défis importants. Les entrepôts sont saturés, les flux sont intensifiés, et les trajets deviennent non rentables, affectant ainsi les transporteurs. Les coopératives agricoles, tout en gérant une insatisfaction croissante chez les adhérents, doivent négocier avec des industriels sur le qui est en position de force.
Des déséquilibres structurels exposés
Cette crise souligne les limites d’un modèle basé uniquement sur la productivité. Au cours de quelques années, la surface cultivée a connu une augmentation significative : 18 500 hectares supplémentaires en 2025 par rapport à 2024. Cependant, la demande, tant sur le plan national qu’international, n’a pas suivi cette trajectoire croissante. Les exportations, confrontées à la concurrence européenne et à des coûts logistiques élevés, ne parviennent pas à créer des débouchés suffisants.
À moyen terme, ce déséquilibre pourrait nuire aux investissements dans le secteur agricole. Si la chute des prix se poursuit durant les campagnes excédentaires, des producteurs pourraient se détourner de la culture de la pomme de terre, menaçant la diversité de l’offre et renforçant la dépendance aux fluctuations des prix mondiaux.