Le paradoxe russe : un rouble fort, un budget affaibli malgré la hausse du pétrole
Le paradoxe russe : un rouble fort, un budget affaibli malgré la hausse du pétrole

Le paradoxe russe : un rouble fort, un budget affaibli malgré la hausse du pétrole

20.06.2025 19:25
3 min de lecture

Alors que le prix du pétrole russe Urals a dépassé le plafond des 60 dollars fixé par le G7 depuis le 13 juin 2025, Moscou ne voit pas ses recettes exploser. Au contraire : le renforcement du rouble, qui a gagné près de 23 % de valeur, fait fondre les bénéfices en monnaie nationale. Résultat ? Les revenus pétroliers chutent, alors même que les prix mondiaux sont en hausse.

👉 Source officielle : Bloomberg

Quand vendre plus cher rapporte… moins

Les exportateurs russes encaissent aujourd’hui environ 30 % de moins en roubles par baril vendu, par rapport au début de l’année. Un comble pour un pays qui tire près d’un tiers de son budget de la rente pétrolière et gazière. Malgré un baril à plus de 60 dollars, les recettes fiscales s’amenuisent, rognées par la devise nationale devenue trop forte. Le taux de change est descendu à 78,72 roubles pour un dollar, affaiblissant l’intérêt même d’un pétrole mieux valorisé.

Ce phénomène entraîne une hausse brutale du déficit budgétaire, estimé entre 4 et 5 trillions de roubles, soit environ 3 % du PIB – trois fois plus que ce que prévoyait officiellement Moscou.

Un rouble fort… artificiellement

Contrairement aux affirmations du Kremlin sur la solidité de son économie, la vigueur du rouble repose sur des leviers temporaires : des taux d’intérêt directeurs très élevés, maintenus par la Banque centrale pour contrôler l’inflation, et des espoirs illusoires de normalisation avec l’Occident.

Mais sur fond de dépenses militaires records liées à la guerre en Ukraine et d’accès restreint aux marchés internationaux, ces facteurs n’améliorent en rien la soutenabilité des finances publiques.

Le piège économique se referme

Le Kremlin se retrouve pris entre deux feux : un rouble surévalué qui pénalise les rentrées fiscales, et des coûts militaires croissants. Le pays vend plus cher… mais gagne moins. Et pendant ce temps, les dépenses liées au conflit ukrainien continuent de croître sans que les exportations d’hydrocarbures ne compensent ce gouffre budgétaire.

Face à ce déséquilibre, l’État est contraint d’utiliser davantage les réserves du Fonds national de richesse (FNB), d’augmenter les emprunts internes ou de faire payer la population via de nouveaux impôts ou coupes budgétaires.

Moscou moins compétitive que ses alliés pétroliers

Les autres membres de l’OPEP+, comme l’Arabie saoudite, bénéficient d’une plus grande stabilité monétaire – leur devise, le riyal, étant indexée sur le dollar. Résultat : leurs revenus en devises ne subissent pas la même érosion. À l’inverse, la Russie encaisse en dollars, mais convertit dans un rouble fort, réduisant l’efficacité de son commerce extérieur. Ainsi, malgré des prix élevés, le Trésor russe encaisse moins que ses partenaires géopolitiques.

Une instabilité aggravée par les sanctions

Le plafond du G7 reste en vigueur, et jusqu’à récemment, Moscou vendait son pétrole en dessous de ce seuil. Les discussions autour d’un abaissement à 45 dollars refont surface, créant une pression supplémentaire sur le modèle exportateur russe. Cette incertitude gêne la planification budgétaire et réduit les marges de manœuvre.

Le Kremlin lorgne un rouble plus faible — aux dépens des citoyens

Lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, le premier vice-Premier ministre russe, Denis Mantourov, a plaidé pour un taux de change proche de 100 roubles pour un dollar. Ce seuil, jugé « équilibré », faciliterait les exportations mais alourdirait la facture des consommateurs, notamment à travers l’augmentation du prix des biens importés, omniprésents sur le marché russe.

Cette orientation trahit un double message : le Kremlin admet l’inefficacité du rouble fort, mais envisage de faire porter le coût de l’ajustement à sa population, déjà mise à rude épreuve par l’inflation et les sanctions.

Si la Russie se réjouit officiellement de la fermeté de sa monnaie, le revers de cette médaille est sévère : moins de rentrées budgétaires, un déficit qui explose, et une dépendance accrue au financement intérieur. Le tout dans un contexte de guerre prolongée, de dépenses militaires intenses, et d’isolement économique persistant. Ce cocktail détonant pourrait bien forcer le Kremlin à revoir en profondeur sa stratégie budgétaire, au risque d’accroître la pression sociale à l’intérieur du pays.

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