Le 1er août 2025, le ministère de l’Énergie de Russie a reconnu une augmentation des prix de l’essence dans les stations-service du pays. Selon le ministère, cette hausse reste toutefois «dans les limites de l’inflation». Depuis le début de l’année, les prix à la consommation de l’essence ont grimpé de 4,61 % selon les données officielles. Sur les marchés, le prix de la tonne d’essence A-92 est passé de 57 000 roubles début juin à 65 800 roubles le 1er août, soit une envolée de près de 16 %.
Moscou interdit temporairement l’exportation d’essence
Face à la flambée des prix et à la pression de la demande intérieure, le gouvernement russe a imposé le 28 juillet une interdiction complète des exportations d’essence, qui restera en vigueur jusqu’au 31 août 2025. La mesure concerne les producteurs directs de carburants et vise à garantir la stabilité du marché intérieur en période de forte demande saisonnière, notamment liée aux récoltes agricoles. Le ministère a insisté sur le fait que la politique fiscale, notamment les droits d’accise, visait à contenir les prix de détail dans un cadre proche de l’inflation.
Une hausse masquée par l’opacité statistique croissante
Depuis plusieurs années, l’accès aux données économiques en Russie s’est considérablement réduit. Le service fédéral des statistiques (Rosstat) a cessé de publier des indicateurs clés, comme la production de carburants, la démographie régionale ou la mortalité, plaçant ces informations sous secret d’État à partir de 2023. Cette opacité s’est accentuée après que Vladimir Poutine a affirmé lors du Forum économique de Saint-Pétersbourg 2025 qu’«il ne faut pas permettre de récession» en Russie.
Une pression croissante sur le budget des ménages
Malgré les assurances officielles, les données collectées par des plateformes indépendantes brossent un tableau bien plus sombre. Selon une étude du programme de fidélité «SberSpasibo», le coût moyen d’un plein d’essence a augmenté de 9 % pour atteindre environ 1300 roubles. Les habitants des régions les plus isolées ou défavorisées, comme la Tchoukotka (11 200 roubles par mois) ou la région de Lougansk (9200 roubles), sont particulièrement touchés. Ces hausses ne sont pas compensées par des mécanismes sociaux, comme les «primes nordiques» autrefois utilisées dans les zones reculées.
La péninsule de Crimée frappée plus durement que le reste du pays
En Crimée, les prix de l’essence dépassent ceux du continent de 10 à 15 %, officiellement à cause de la logistique. Une explication qui suscite des critiques croissantes, alors que des régions russes bien plus éloignées – comme la Sibérie ou l’Extrême-Orient – ne subissent pas de telles différences. Cette disparité nourrit un ressentiment latent dans la population locale, souvent accusée d’être reléguée à une seconde zone économique malgré son rattachement à la Russie depuis 2014.
Une hausse structurelle dissimulée sous des discours rassurants
L’absence de régulation directe des prix des carburants en Russie est compensée par une ingénierie fiscale complexe, visant à donner l’illusion d’un marché maîtrisé. Mais les experts estiment que ces mécanismes échouent à freiner la dynamique structurelle haussière. Les analystes observent que le discours officiel sur un «cadre inflationniste maîtrisé» précède souvent de nouvelles vagues d’augmentation. Sur les réseaux sociaux, les Russes ironisent : «Le transport du carburant est plus cher… à cause de l’augmentation du prix du carburant.»
Une économie sous tension malgré les discours officiels
La hausse du carburant devient un symbole des contradictions de l’économie russe contemporaine : malgré la baisse des cours du pétrole, les prix à la pompe continuent d’augmenter. Les signaux macroéconomiques sont brouillés par l’absence de transparence, tandis que le Kremlin cherche à éviter toute reconnaissance formelle d’une crise économique. Dans ce contexte, la confiance des consommateurs s’effrite, tout comme leur pouvoir d’achat.