Le conflit Israël-Iran : une escalade inquiétante qui menace l'ordre mondial établi.

Le conflit Israël-Iran : une escalade inquiétante qui menace l’ordre mondial établi.

20.06.2025 17:55
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Le 12 octobre 2023, alors qu’Israël et ses alliés sont encore sous le choc des massacres perpétrés quelques jours plus tôt par le Hamas, les États-Unis se préparent à accorder une enveloppe supplémentaire de 14 milliards de dollars à l’État hébreu, rapporte TopTribune.

Interrogé sur la possibilité de conditionner cette aide militaire, le ministre américain à la Défense de l’époque, Lloyd Austin, écarte cette éventualité, estimant que l’armée israélienne saura « faire ce qu’il faut » dans sa guerre contre le groupe islamiste soutenu par Téhéran.

Vingt mois plus tard, Israël a rasé Gaza, bombardé d’importantes portions du Liban, acquis de nouveaux territoires en Syrie, et vient de lancer une offensive directe contre l’Iran, en invoquant un combat qualifié d’ »existentiel » contre la République islamique et ses alliés régionaux.

Tout au long du conflit à Gaza, les dirigeants ultranationalistes israéliens ont méprisé les preuves croissantes de crimes de guerre dans l’enclave palestinienne – des éléments ayant conduit la Cour pénale internationale (CPI) à émettre un mandat d’arrêt contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu en novembre dernier.

Des ministres influents ont ouvertement plaidé pour le déplacement forcé de la population de Gaza ainsi que pour le démantèlement de la Syrie. Le Premier ministre a également évoqué, dans des interviews accordées à des médias américains, l’éventualité d’un assassinat du guide suprême et d’un changement de régime à Téhéran.

Ironie de la situation, cette rhétorique rapproche Israël du ton martial de son ennemi juré, l’Iran, bien que l’État hébreu dispose de l’arme nucléaire et d’une armée capable de concrétiser ses menaces.

Selon H. A. Hellyer, chercheur principal au Royal United Services Institute à Londres, cette escalade est « une conséquence naturelle de l’impunité régnant dans la région depuis deux ans ».

« Le fait qu’Israël n’ait subi aucune conséquence pour ses violations répétées du droit international envoie un message clair : s’il décide d’aller plus loin, il le peut », analyse-t-il. « Il sait également qu’il peut compter sur les acteurs les plus puissants de la communauté internationale pour ne rien faire – ou pire, pour l’encourager ».

« Nouveau Moyen-Orient »

La première répercussion de cette impunité est la souffrance immense infligée aux civils, notamment à Gaza. La campagne militaire israélienne a fait plus de 55 000 morts, selon des autorités sanitaires locales, sans compter les innombrables blessés et déplacés, rendant cette région quasiment inhabitable.

Plus insidieuse, l’autre conséquence majeure a été l’ »érosion accélérée de l’ordre international basé sur des règles », souligne Karim Émile Bitar, spécialiste du Moyen-Orient à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et professeur invité à Sciences Po.

« Les événements récents ont porté un coup fatal au droit international et à ce qu’on appelait encore l’ordre libéral international », affirme le chercheur. « Le message au monde est clair : si vous avez la force avec vous, vous pouvez violer toutes les règles, piétiner le droit international établi depuis 1945, sans jamais être inquiété. »

Benjamin Netanyahu a décrit les actions d’Israël comme l’émergence d’un nouveau Moyen-Orient, une expression qui résonne depuis la guerre d’Irak en 2003, lorsque les États-Unis et leurs alliés ont tenté de remodeler la région avec des conséquences catastrophiques.

« Certains critiques de l’Iran jubilent, voyant ces événements comme les ‘douleurs de l’enfantement’ de ce nouveau Moyen-Orient. En réalité, nous sommes dans une spirale de violence, alimentée par un climat d’impunité qui permet des représailles sans sanction », observe H. A. Hellyer.

« Il n’est pas nécessaire d’admirer le régime iranien, le Hezbollah ou le Hamas pour constater que cette dynamique est profondément déstabilisatrice pour la sécurité régionale », ajoute-t-il. « Mais elle a également d’énormes répercussions sur l’ordre mondial. Cela signifie la fin d’un ordre basé sur des règles, laissant place à la loi du plus fort. Et cela devrait nous préoccuper au plus haut point. »

Course aux armements

Karim Émile Bitar souligne que peu de voix s’élèveront dans le monde arabe sunnite pour pleurer le sort du régime iranien, à juste titre compte tenu du chaos et de la souffrance que ses ‘proxys’ régionaux engendrent.

Cependant, ces pays s’inquiètent également d’un Israël de plus en plus débridé, qui, contrairement à l’Iran, a les moyens de rayer des villes entières de la carte, et dont des ministres encouragent ouvertement le nettoyage ethnique à Gaza.

Parmi les conséquences envisageables, une course aux armements régionale pour réduire l’écart avec Israël. Dans le cas de l’Iran, plusieurs analystes estiment qu’une recherche accrue de l’arme nucléaire semble désormais probable, ce qui serait l’exact contrepoids au but déclaré d’Israël.

« L’attaque israélienne rend l’Iran extrêmement vulnérable. Sa dissuasion conventionnelle a échoué, et il y aura probablement de plus en plus d’appels internes à se doter d’armes nucléaires », explique Daryl Kimball de l’Arms Control Association aux États-Unis.

Contrirement aux assertions israéliennes, il souligne que les agences de renseignement occidentales estiment toujours que l’Iran ne cherche pas activement à militariser son programme nucléaire.

Des voix émergent déjà en Iran pour demander une sortie du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), rappelle Daryl Kimball.

« Bombarder l’Iran assure qu’il tentera plus que jamais d’acquérir des armes nucléaires, en raison de l’absence d’un ordre basé sur des règles, se limitant à la menace de la force et à la destruction mutuelle », conclut H. A. Hellyer.

« Légitime défense anticipée »

L’expression « les douleurs de l’enfantement d’un nouveau Moyen-Orient », évoquée en 2006 par Condoleezza Rice, alors cheffe de la diplomatie américaine, lors de la guerre entre Israël et le Hezbollah marquée par le chaos post-irakien, trouve un écho troublant aujourd’hui.

« À l’époque, il y avait encore un discours sur la promotion de la démocratie et des droits humains, même si ce discours servait souvent de prétexte », note Karim Émile Bitar. « Aujourd’hui, cette façade n’existe plus. Nous avons régressé à une realpolitik bismarckienne, où la force prime sur le droit, dans un monde dominé par des figures nationalistes et autoritaires comme Poutine ou Trump. »

« Dans ce contexte, ceux qui défendent encore le droit international sont perçus comme des idéalistes déconnectés », déplore le chercheur.

Bien que l’attaque israélienne contre l’Iran ait suscité de nombreuses condamnations à travers le monde, le discours des capitales occidentales est resté ambigu, mettant souvent en avant le droit d’Israël à se défendre sans référence au droit international.

Peu après le début des frappes, le président français Emmanuel Macron a rapidement imputé la responsabilité à l’Iran, affirmant que la France était prête à soutenir Israël si nécessaire.

Le chancelier allemand Friedrich Merz est allé encore plus loin en soutenant qu’Israël accomplit « le sale boulot pour nous tous face au régime iranien », des propos qui ont suscité une onde de choc dans un pays habitué à privilégier la diplomatie.

Dans une tribune publiée dans le journal britannique The Guardian, Ben Saul, professeur de droit international basé à Sydney, critique le manque de fondement juridique au droit de légitime défense revendiqué par Israël dans ce conflit, et avertit des dangers que cela représente.

Il qualifie l’attaque israélienne contre l’Iran de « nouvel épisode de violence préventive illégale », en citant la récente destruction de bases

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