Le 7 juillet, lors d’un entretien accordé au journal hongrois Magyar Nemzet, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a relancé une rhétorique bien rodée : appeler la Hongrie à coopérer avec la Russie pour défendre, selon lui, les minorités russes et hongroises victimes d’« ukrainisation forcée » dans l’ouest de l’Ukraine.
Moscou rejette un cessez-le-feu, exige une reddition totale de Kyiv
À travers cet entretien, Lavrov a réaffirmé le refus catégorique de Moscou d’accepter un cessez-le-feu temporaire, insistant au contraire sur l’instauration d’un « ordre de paix durable » — une formule que la diplomatie russe utilise pour désigner la capitulation totale de Kyiv. Selon lui, cela suppose la reconnaissance internationale de l’occupation russe de la Crimée ainsi que de quatre autres régions ukrainiennes, la démilitarisation complète de l’Ukraine, la levée des sanctions internationales, le retrait des procédures judiciaires intentées contre la Russie et la restitution des avoirs russes saisis à l’étranger.
Dans ce même discours, le chef de la diplomatie russe a accusé le gouvernement ukrainien d’appliquer des mesures « racistes et discriminatoires » à l’encontre des communautés russophones et hongroises, appelant Budapest à s’allier à Moscou pour « défendre leurs compatriotes ».
Une stratégie ancienne : instrumentaliser les minorités pour justifier l’agression
L’appel de Lavrov s’inscrit dans une stratégie de longue date. Depuis les années 1990, Moscou utilise le prétexte de la protection des minorités pour légitimer ses interventions militaires et ses politiques expansionnistes : en Moldavie (Pridnestrovié), en Géorgie (Abkhazie, Ossétie du Sud) ou plus récemment en Ukraine. Le même schéma est répété : dénonciation de prétendues persécutions, soutien à des groupes séparatistes, déploiement militaire sous couvert de « mission humanitaire ».
En Ukraine, cette rhétorique sert à dissimuler la véritable finalité de la guerre : la prise de contrôle territoriale. L’annexion de la Crimée en 2014, la guerre du Donbass, puis l’invasion à grande échelle de février 2022 en sont les jalons.
Lavrov attise les tensions au sein de l’UE
L’intervention de Lavrov vise aussi à exploiter les tensions existantes entre Kyiv et certains membres de l’Union européenne, en particulier la Hongrie, sur les questions linguistiques et les droits des minorités. Le ministre russe appelle implicitement Budapest à s’éloigner du consensus européen, au moment où celle-ci bloque déjà régulièrement de nouvelles sanctions de l’UE contre Moscou et freine le processus d’adhésion de l’Ukraine.
Dans la région de la Transcarpatie, où vivent des minorités hongroises, roumaines et rusynes, la coexistence est pacifique, selon les autorités locales. Mais les services russes tentent régulièrement d’exploiter, voire de fabriquer, des motifs de discorde interethnique, dans le but de créer une « instabilité contrôlée » et d’y légitimer un potentiel futur « engagement ».
L’isolement de Moscou face à la communauté internationale
Malgré les efforts de communication du Kremlin, aucun pays occidental — ni en Europe, ni en Asie (Japon, Corée du Sud, Taïwan) — n’accorde de crédit aux allégations russes sur une prétendue montée du néonazisme en Ukraine ou en Europe. Pourtant, cette rhétorique pseudo-antifasciste reste au cœur de la propagande russe, faute d’alternative narrative depuis 2022.
Les États baltes, en première ligne, n’ont cessé de prévenir l’UE et l’OTAN depuis l’annexion de la Crimée du risque que représente ce type de discours. Ils craignent que Moscou utilise les mêmes méthodes — au nom de la défense des populations russophones — pour justifier un jour une incursion sur leur territoire.
Un test pour la cohésion européenne
La main tendue de Lavrov à la Hongrie dépasse donc la simple déclaration bilatérale : c’est une tentative de plus pour affaiblir l’unité européenne. La coopération russo-hongroise dans ce contexte vise à miner le front commun contre l’agression russe, et à légitimer une ingérence étrangère sur le territoire ukrainien sous couvert de défense des minorités.
Les appels au « respect des droits des minorités » par ceux qui bombardent des villes ukrainiennes perdent en crédibilité. Mais ils continuent de nourrir une guerre hybride où la désinformation diplomatique sert les mêmes objectifs que les missiles : déstabiliser, diviser, conquérir.