L’amitié procure un bonheur inégalable qu’il convient d’entretenir.
Combien d’entre nous, lors de moments de réjouissance ou de tristesse, ont souhaité la présence d’amis proches ? Souvent, ils ont joué un rôle clé dans nos instants de bonheur, ou tout du moins, en ont été un élément essentiel. Ils ont aussi été là pour nous consoler lors des périodes difficiles, une compagnie primordiale pour surmonter les épreuves, rapporte TopTribune.
Pensez aux personnes envers qui vous ressentez une amitié profonde. Elles se comptent souvent sur les doigts d’une main. Leur absence créerait un vide, tandis que leur présence enrichit nos conversations uniques, nos silences apaisants, et nos échanges profonds… Il est essentiel de ne pas les considérer comme acquis, car leur contribution à notre bonheur est primordiale.
Quand je m’exerce à cet inventaire, cinq personnes me viennent immédiatement à l’esprit. Leur simple pensée m’inonde d’un sentiment de paix : elles m’apportent sécurité, écoute et compréhension, ainsi que des perspectives et idées variées.
Ma satisfaction fut immense lorsque je découvris que la philosophie d’Aristote définit un véritable ami comme un « autre soi-même », un complément qui nous aide à tendre vers une forme plus élevée de bonheur. Voilà exactement ce que je ressens à l’égard de mes plus proches amis.
« Pour Aristote, autrui représente un autre soi-même dans la mesure où l’homme aspire à une autosuffisance parfaite », explique Étienne Rouleau, doctorant en philosophie à l’Université de Montréal (UdeM). « Étant donné que l’être humain ne peut atteindre cet idéal d’autarcie, il ne peut que l’aspirer. Aristote voit donc autrui comme une extension de soi : car pour être vraiment heureux, il faut être autosuffisant, et l’autre devient alors un autre soi-même. »
Cependant, en analysant la définition aristotélicienne, l’idée d’autre soi-même perd un peu de sa poésie. Pour lui, le bonheur ultime est le résultat d’une contemplation active du monde, permettant ainsi une meilleure compréhension et appréciation de celui-ci. Un individu se sent également plus heureux quand il atteint une certaine complétude intérieure, ce qui fait du véritable ami un partenaire de contemplation et un allié dans l’épanouissement personnel.
Les amitiés profondes nous offrent une forme de liberté collective, facilitant notre navigation dans les complexités de la vie tout en lui conférant davantage de sens sur le chemin du bonheur.
Aristote évoquait aussi l’ami comme une clé pour mieux se connaître. « Nous sommes limités dans notre quête de connaissance de nous-mêmes, donc l’autre peut nous aider à combler ces lacunes », soutient Étienne Rouleau. Cette perspective s’inscrit dans la célèbre maxime socratique « connais-toi toi-même », illustrant que comprendre ses forces et faiblesses est essentiel pour atteindre sagesse et bonheur. La présence d’amis joue un rôle fondamental sur cette voie.
Amplifier ses joies
Aristote a longuement exploré le concept d’amitié. Le terme « philia », qui décrit ce que nous connaissons aujourd’hui comme l’amitié, est l’un des quatre mots grecs pour désigner l’amour, s’opposant à « phobia », la peur ou l’aversion. Ainsi, rien n’est plus agréable que l’amour, dont l’amitié est un élément fondamental.
Cependant, les relations humaines ne sont jamais simples. Les efforts nécessaires pour nourrir ces liens ne doivent pas être sous-estimés.
Il faut consacrer du temps à nos quelques véritables amitiés pour pouvoir jouir de ce qu’elles ont à nous offrir.
Étienne Rouleau, doctorant au département de philosophie de l’Université de Montréal
Bien que l’importance de ces relations semble se concentrer sur ce que nous en tirons, il ne s’agit en aucun cas de relations intéressées. Au contraire, l’amitié authentique valorisée par Aristote, que nous devrions tous privilégier aujourd’hui, se développe dans une réciprocité sincère. Tout ce que mes amis m’offrent, je m’efforce de le leur rendre. Chaque effort qu’ils requièrent, je suis prêt à le fournir. « Ce qui est marquant, c’est qu’Aristote nous enseigne qu’en plus de nous refléter dans autrui, apprécier notre amitié engendre une valeur ajoutée en constatant aussi leur plaisir, ce qui augmente le nôtre », souligne le doctorant de l’UdeM.
À travers nos amis, nous partageons et multiplions nos joies. Rappelons que la vertu (sagesse, justice, générosité, etc.) est pour Aristote le chemin vers le but ultime de la vie : le bonheur. « Les relations qui nous poussent vers des comportements vertueux nous rapprochent de la quête du bonheur, tout comme l’inverse est vrai », note Étienne Rouleau. C’est une leçon intemporelle.